Hamid Barrada et Cherif Ouazani / J.A./ 19/01

"NOUS SOMMES NOS MEILLEURS ENNEMIS!"

C'est la première bonne nouvelle qui nous parvient d'Algerie ces dernières années: voilà ce qu'on pense à l'issue du one man show de Fellag, DJURDJURASSIQUE BLED. Maghrébins, Francais, hommes, femmes, gosses, les spectateurs rient deux heures durant, tout en se disant que le grand humoriste algérien ne se content pas de faire rire. Brossant l'histoire de son pays en la confondant, excusez du peu, avec lhistoire de l'humanité, Fellag va au plus profond, là où ca fait rire, là où ca fait mal.

Le mélange de la tragédie et de la comédie ne suggère pas seulement que l'Algerie finira par s'en sortir. Il atteste que l'Algérie, au comble du malheur, par-delà tous les intégrismes, militaire et religieux, reste debout.

Jean Daniel a défini l'Algérien comme quelqu'un qui passe son temps à vous convaincre qu'il n'est pas francais.

Ni romain, ni phénicien, ni turc, ni arabe, surenchérit Fellag. En précisant que c'est à travers cette accumulation de rejets qu'il est pleinement lui-meme et, de sucroit, humain. Mine de rien, avec le parti pris d'en rire, Fellag fait oeuvre philosophique et surtout politique. A sa manière, il soutient que les Algériens ne trouveront leur salut qu'en inventant les moyens d'arreter la guerre - la plus féroce, celle que chacun se livre à soi-meme et qui est la mère de touttes les autres.

Mohamed Fellag n'a rien d'un cabot et ne se prend pas au sérieux. Pudique, fraternel, il ne ménage aucun pouvoir, mais il a scrupule à ne pas blesser et fait penser à Kateb Yassine. Mais écoutons-le; il a beaucoup à dire sur les origines actuelles et lointaines du drame algérien.