par Thomas Ferenczile monde / 25 / 01
Les deux articles de Bernard-Henri Lévy publiés dand le monde des 8 et 9 janvier sous le titre "CHOSES VUES EN ALGERIE" ont suscité de nombreuses réactions. La plupart de nos correspondants expriment leur approbation, quelques-uns d'entre eux leur hostilité. "j'ai trouvé là des informations, une enquete approfondies, qui démontrent qu'il est possible de soulever un coin du voile", nous écrit Annick Fert (Lyon). Le docteur Alexandre Sacuto (Pantin) rend hommage au "courage" de l'auteur et le felicite d'avoir "mis sa notoriété au service de cette cause". "Bravo pour "Choses vues en Algérie". Voila du journalisme. "Homme de lettres", M.Levy donne à ce qu'il est toute sa vérité", nous dit Olivier de Sacy (Gagny). "Enfin un inellectuel parisien, connu de tous, quitte un temps son confort plonger dans l'Algérie au quotidien", souligne Simone Cros (Béziers), qui tient à préciser qu'elle est "loin d'etre une inconditionelle de BHL".
D'autres lecteurs nous font part, au contraire, de leur désapprobation. Farid Saadi, président de l'association Sud-Cultures (Paris), accuse l'auteur d'ignorer "la nature profonde du pouvoir militaire en Algérie" et d'opposer "une Algérie traditionaliste" incarnée par les islamistes à " une Algérie moderniste et républicaine" personnifiée par l'armée. De la meme manière, Jamil Zaharia (Paris) reproche à Bernard-Henry Levy de se faire le "porte-parole de la dictature" et au Monde de "détruire sa crédibilité" : " Embauchechez de vrais journalistes pour faire de véritables enquetes", conclut-il. Plusieurs des contradicteurs deBernard-Henry Lévy objectent pareillement que celui-ci n'est pas un spécialise de l?Algérie et n'a donc aucune qualification particulière pour écrire sur cette question.
Ces critiques nous offrent l'occasion de rappeler que l'intervention d'un écrivain ou d'un philosophe dans les colonnes d'un journal relève d'une longue tradition, dont la récente commémoration du "j'accuse" de Zola vient encore de raviver le souvenir. Dans un éditorial du bulletin que publie, à l'Université catholique de Louvain, l'Observatoire du récit médiatique (octobre 1997), Marc Lits propose, à ce sujet, de distinguer "trois roles disticts : l'expert, l'intellectuel ou le militant". C'est, à l'évidence, comme intellectuel que Bernard-Henri Lévy a choisi d'intervenir sur la question algérienne.
Lorqu'il écrit dans un journal, l'intellectuel adopte, qu'il le veuille ou non, la posture du jornaliste. Jadis, de Proust à Mauriac, il était accueilli comme chroniqueue. Aujourd'hui, il s'exprime le plus souvent à la manière d'un éditorialiste. Dans quelques cas (Malraux dans L'Intransigeant ou Cendrars dans Paris-Soir avant la guerre , Sartre dans Combat à la bération), il assume l'emploi du reporter. C'est ce role que Bernard-Henri Levy a choisi de jouer pour le MONDE . Qu'on veuille bien juger le résultat de son travail sans idée préconçue.
Certains de nos lecteurs dénient à Bernard Henri Levy le statut d'intellectuel et, pour cette raison, refusent de lire. Parce qu'ils attribuent son succès à ses talents publicitaires plus qu'à la qualité de son oeuvre littéraire ou philosophique,ils le traitent non sans mépris d'intellectuel médiatique. Il ne nuos appartient pas d'entrer dans cette querelle, dont " Le Monde des livres" s'est fait plusieurs fois l'écho, en rendant compte des essais et des romans de l'auteur. Sans doute existe-t-il plusieurs catégories d'intellectuels : les une et les autres doivent avoir leur place dans les colonnes du Monde.