SELON M. SOULIER, LA DELEGATION DE DEPUTES EUROPEENS COMMENCE A AVOIR DES IDEES SUR UNE PLUS GRANDE COOPERATION AVEC L'ALGERIE L'AVENIR
10/02/1998 (Agence Europe)
André Soulier, président de la sous-commission des droits de l'homme du Parlement européen et président de la délégation ad hoc de députés européens qui visite cette semaine l'Algérie, a tenu à souligner devant la presse lundi soir, au terme d'une journée d'entretiens, que cette visite était le résultat d'une initiative européenne (la résolution du PE du 1 8 septembre 1997: voir EUROPE du 19 septembre 1997, p.3). "Nous avions estimé à l'époque qu'une délégation aurait pu se rendre en Algérie pour rencontrer les nouveaux élus algériens", mais au fil des mois, "à cause de la répétition des exactions et des tueries, il est apparu utile d'élargir les contacts et les autorités algériennes ont donné leur accord", a indiqué M. Soulier. En rappelant que les membres de la délégation représentent des opinions "diverses", il a dit que les députés étaient d'accord pour juger qu'aujourd'hui, "la liberté d'opinion est grande". En effet, a-t-il signalé, nous avons rencontré des groupes qui soutiennent le gouvernement et d'
autres qui non seulement ont des réserves sur son action, mais aussi qui considèrent qu'il "n'est pas dans la bonne voie" et qu'il faudrait une "recomposition politique plus large" pour résoudre la crise algérienne, "Je suis favorable à un élargissement du gouvernement à d'autres sensibilités représentées à l'Assemblée populaire nationale", a ainsi indiqué Abdelkader Hadjar, élu du FLN qui préside la commission des affaires étrangères de l'Assemblée. M. Hadjar participait à une conférence de presse à laquelle assistaient tous les membres de la délégation du PE sauf le Vert allemand Daniel Cohn-Bendit. "Mon vieil ami Cohn-Bendit organise des conférences de presse parallèles", mais sur les questions évoquées ici, "il est dans la ligne", a commenté M. Soulier (en fait, M. Cohn-Bendit avait eu un échange assez vif avec Meriem Zerdani, membre du Conseil dela Nation: le premier ayant émis des doutes sur la liberté de la presse en Algérie, celui-ci avait répliqué en rappelant le long silence de la presse française
lorsque, en 196 1, au moins 200 Algériens avaient perdu la vie dans une action de police ordonnée à Paris par le préfet de l'époque, Maurice Papon). Devant la presse, M. Soulier a aussi répété qu'une "revendication générale" des interlocuteurs des députés européens avait été celle de rechercher d'éventuelles "bases arrière des réseaux terroristes" islamistes dans des pays de l'UE. Et il a réitéré que si "des preuves" sont fournies, "nous pourrions aller jusqu'à demander au Parlement européen de déclencher une enquête pour savoir ce qui se passe dans certains pays de l'Union européenne", mais à la condition qu'une discussion soit ouverte sur l'Etat de droit en Algérie. M. Soulier a toutefois ajouté que la délégation n'était pas venue à Alger pour donner une leçon de démocratie, mais pour pouvoir éventuellement répondre à des questions qui seraient posées "sur le continent européen". Nous pensons que notre visite peut accélérer le mouvement vers la démocratisation en Algérie", a estimé M. Soulier en observant
qu'il se passait, dans les discussions de la délégation, apparemment plus que dans celles au niveau "intergouvernemental" (allusion à la récente mission de la Troïka en Algérie). Le vice-président de la délégation, Hannes Swoboda , s'est exprimé dans le même sens en affirmant que la coopération dans la lutte contre le terrorisme et les progrès des droits humains sont "un paquet pour nous". Par ailleurs, en répondant aux journalistes qui voulaient savoir pourquoi la délégation n'avait pas été autorisée à visiter le lieu d'un des récents massacres, M. Swoboda a dit: "Nos conversations ont été si intenses et concrètes qu'aucune minute de notre séjour n'est perdue". Quant à M. Scarbonchi, membre français du groupe de l'Alliance radicale européenne, il a indiqué qu'il avait demandé de pouvoir "aller rencontrer la population algérienne", dans un quartier d'Alger ou dans les alentours. Par ailleurs, M. Soulier a signalé qu"'un collègue" avait proposé la levée de l'embargo sur les exportations de certains matériels
militaires pouvant servir à la lutte contre le terrorisme, en contrepartie de progrès de la démocratie en Algérie (c'est M. Scarbonchi qui a fait cette proposition, en la liant à la mise en place d'une commission d'enquête européenne sur les réseaux islamistes, d'une part, et à celle d'une commission sur les disparus et les droits de l'homme en Algérie, de l'autre). M. Soulier a conclu en affirmant que "nous commençons à avoir quelques idées" sur la manière d'intensifier la coopération avec l'Algérie.
Mise au point de M. Soulier suite à des déclarations de M. Cohn-Bendit
Mardi matin, les députés européens se sont réunis entre eux pour, comme l'a indiqué M. Soulier à la presse, s'entretenir au sujet des déclarations de Daniel Cohn-Bendit selon lesquelles "le gouvernement algérien devrait demander à un ancien leader du FIS, emprisonné, de lancer un appel à l'arrêt de la violence" (la presse algérienne rapportait, mardi matin, les propos du Vert allemand selon lesquels Ali Benhadj pourrait, par un tel appel, mettre fin aux effusions de sang"). "Nous n'avions pas été saisis de cette proposition et, connaissance prise, nous ne la partageons pas", à dit M. Soulier qui a précisé que la délégation de députés européens, s'exprimait, en tant que telle, par sa seule voix ou, le cas échéant, par celle du vice-président Hannes Swoboda. "Pendant que nous sommes sur sol étranger, nous devons parler d'une seule voix, ce qui ne signifie pas que les députés ne sont pas libres de dire, individuellement, ce qu'ils veulent dire", a ajouté M. Soulier. Il a précisé que la délégation délibérerait l
a semaine prochaine sur la possibilité d'émettre des propositions et sur le contenu d'un éventuel rapport sur cette visite.Les députés européens, qui ont rencontré mardi matin le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf, avaient eu, lundi, l'occasion de s'entretenir longuement avec des représentants des principaux partis politiques, y compris d'opposition, qui se sont parfois exprimés dans des termes très critiques à l'égard de la "dérive sécuritaire" du gouvernement dans la lutte contre le terrorisme (qui est unanimement dénoncé). Il n'y a "aucune référence religieuse" dans le terrorisme actuel, a affirmé M. Derbal, d'Ennahda, parti islamiste d'opposition, alors que M. Makri, de l'autre principal parti islamiste, le MSP (l'ancien Hamas, qui fait partie de la coalition gouvernementale), a dit que les sources du terrorisme devaient être recherchées dans le colonialisme et dans le chômage et l'inégalité sociale. Tous les interlocuteurs des députés européens ont rejeté toute ingérence étrangère (certains on
t critiqué, en particulier, les Etats-Unis qu'ils voient "au sommet de leur arrogance", après le récent rapport du Département d'Etat sur le terrorisme), mais la délégation européenne a relevé, notamment chez les représentants de l'opposition, un véritable intérêt pour la possibilité qui leur était offerte de parler ouvertement, sans tabous, des problèmes actuels de l'Algérie. Quant à l'idée de mettre en place une commission d'enquête sur les réseaux islamiques en Europe, elle a été ressentie par plusieurs interlocuteurs algériens comme une preuve de bonne volonté de l'Europe, alors que d'autres ont minimisé son intérêt en affirmant que les Algériens, et aussi les services secrets européens, savaient déjà quelles sont les personnes impliquées.