LES DEPUTES EUROPEENS ONT EVOQUE AVEC M. ATTAF LES PROBLEMES DU TERRORISME ET DES DROITS DE L'HOMME - UN MESSAGE DU FIS DECHIRE SANS ETRE LU
11/02/1998 (Agence Europe)
Le troisième jour de sa visite à Alger, la délégation de députés européens dirigée par le PPE français Soulier a eu un entretien de deux heures et demie avec le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf, avec qui elle a évoqué les problèmes de terrorisme et de respect des droits de l'homme. Lors d'une conférence de presse à laquelle ont participé tous les membres de la délégation du PE (outre M. Soulier, le social-démocrate autrichien Swoboda, le Vert allemand Cohn-Bendit, l'élue du RPR français Carrère d'Encausse, la communiste française Elmalan, le membre français du groupe de l'Alliance radicale européenne Scarbonchi, le socialiste grec Roubatis la libérale belge André-Léonard, le PPE espagnol Hernandez Mollar), M. Soulier a indiqué que le ministre algérien des Affaires étrangères avait décrit les "étapes successives" d'un terrorisme visant d'abord les "hauts fonctionnaires, les magistrats, les policiers", ensuite "les écoles, les cliniques", par la suite les journalistes, enfin, depuis l'été
dernier, "les pauvres", la population tout entière. M. Attaf a expliqué que les autorités algériennes avaient "sous-évalué" le phénomène et qu'elles ne s'attendaient pas à ces "formes de terrorisme atypiques". Quant à la discussion sur les droits de l'homme, M. Soulier a affirmé que "la langue de bois avait été rangée au vestiaire". Au sujet de la possibilité (évoquée lors du débat de vendredi dernier à l'Assemblée populaire nationale) que le Parlement algérien lui-même mette en place une commission d'enquête sur les disparus et les prisonniers politiques, M. Cohn-Bendit a indiqué à la presse que M. Attaf avait affirmé : "ce n'est pas à moi de dire ce que le Parlement doit faire". Daniel Cohn-Bendit, a rappelé, par ailleurs, que l'Algérie avait annoncé la présentation d'un rapport sur la situation des droits de l'homme en mars prochain devant la Commission des droits de l'homme de l'ONU, et il a estimé que, "à partir de là", il n'était pas exclu que, dans le cadre des institutions de l'ONU, une discussion su
r les droits de l'homme en Algérie puisse avoir lieu aussi avec les députés européens. Quant à M. Swoboda, il a tenu à souligner que la délégation du PE n'avait "jamais" demandé une commission internationale d'enquête sur la crise algérienne ; il a estimé que, grâce à "nos nombreux entretiens à Alger, les députés européens pouvaient peut-être explorer "d'autres moyens de faire avancer les choses, avec une plus grande implication des Algériens" eux-mêmes.
Par ailleurs, M. Soulier a signalé à la presse que, parmi les représentants des organisations de défense des droits de l'homme rencontrés mardi après-midi, l'un d'eux, "un avocat algérien" (Ali Yahia Abdenour, qui avait été ministre de l'Agriculture de Ben Bella au début des années 60 et qui a défendu plusieurs leaders du FIS), avait remis à M. Swoboda deux enveloppes contenant, l'une, ce qui était, selon lui, un "message du FIS" et, l'autre, un message de la formation politique de Ben Bella. "Nous avons décidé de ne pas prendre connaissance de ces messages car dès le premier jour de notre visite, nous nous étions engagés à ne pas avoir de contact avec cette formation dissoute", a indiqué M. Soulier, en ajoutant que les deux messages du FIS avaient été déchirés, sans les lire (dans un premier temps, les députés avaient envisagé de garder les deux enveloppes pour les ouvrir seulement à Bruxelles, a dit à la presse Mme André-Leonard). M. Swoboda a rappelé, pour sa part, qu'il était "un de ceux qui, au départ,
estimaient que les députés européens auraient dû rencontrer également des représentants du FIS"; mais, a-t-il ajouté, "si nous l'avions fait, nous aurions dû le faire officiellement et pas en cachette". En outre, a noté M. Swoboda, "non seulement le gouvernement, mais aussi les différents partis, éditeurs de journaux, associations, nous ont dit qu'une telle rencontre aurait pu être même interprétée comme un encouragement à l'intégrisme, ce qui n'est pas, et ne peut absolument pas être notre message". "Personne, à l'exception de ce messager du soir inattendu, ne nous a demandé de rencontrer cette formation interdite", a dit M. Soulier. La rencontre avec Ali Yahia Abdenour avait été ajoutée à la dernière minute à celles déjà convenues avec les représentants d'organisations officielles de défense des droits de l'homme, et elle a donné lieu à un réquisitoire sur ce qui est considéré par certains comme une dérive sécuritaire face au phénomène du terrorisme. A ce sujet, M. Soulier a dit que plusieurs interlocuteur
s algériens avaient admis que, dans une situation aussi difficile, il avait pu y avoir ce que "chez nous, l'on appelle bavures, alors qu'ici, on parle de dépassement".Mardi, les députés ont rencontré également les éditeurs des principaux journaux, et l'un d'entre eux a suggéré que des crédits Meda soient destinés à la formation de journalistes.
La Commission des Affaires Etrangères du PE se réunira mardi prochain à Strasbourg pour entendre un rapport sur cette mission, à partir duquel pourraient être faites ensuite des propositions concrètes.