éditorial/ le monde / 21 /02
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Le secrétaire général des Nations unies, le Ghanéen Kofi Annan, entreprend la plus difficile mission de sa longue carrière de diplomate : il est attendu vendredi 20 février à Bagdad pour une ultime médiation. Si elle devait échouer, elle céderait, tot ou tard, la place au fracas d'une intervention militaire américano-britannique contre l'Irak. M. Annan doit convaincre le président Saddam Hussein de laisser entrer les inspecteurs de la commission du désarmement de l'ONU dans les sites -y compris ses immenses palais - que le dictateur irakien entend toujours leur interdire. La France a, avec raison et créativité diplomatique, préparé le terrain, sans que Saddam Hussein ait encore saisi la perche. Paris et Moscou ont offert au régime de Bagdad les emballages politico-diplomatiques lui permettant d'ouvrir ses "sites présidentiels" à l'Unscom tout en sauvant la face.
M.Annan doit réussir parce que l'alternative - un ou des bombardements sur l'Irak - n'en est pas une : l'emploi de la force ne garantit aucunement que les armes biologiques et chimiques, que M.Saddam Hussein est soupçonnée de cacher, seront détruites. Elle présente, en revanche, un maximum de dangers. La population civile irakienne peut essuyer de lourdes pertes. Les bombardements peuvent libérer dans l'atmosphère certaines matières mortifères. A coup sur, les frappes envisagées provoqueront un regain de tension dans une région qui n'en a pas besoin. Une fois le doigt dans l'engrenage de l'utilisation de la force, les Etats-Unis peuvent etre entrainés dans une escalade dont on voit mal l'issue. sauf à mener une opération terrestre contre le régime irakien. Qui ne se souvient de la spirale déclenchée par les premiers bombardements américains sur le Vietnam du Nord ?
Jusqu'à présent, les Etat-Unis n'ont pas prouvé que le danger irakien, sans doute réel, valait que tant de risques fussent courus. Aucun des pays arabes voisins de l'Irak ne se dit ni ne s'estime menacé par Saddam Hussein. Israel déclare n'avoir pratiquement rien à craindre de l'Irak, qui, de plus, n'est pas le seul pays de la région à disoser d'armes de destruction massive. Les alliés européens des Etats-Unis, ceux de l'OTAN notamment, sont divisés parce que, là non plus, personne n'est convaincu de la nécessité du recours à la force. La Chine et la Russie ont comnné l'éventualité de bombardements sans, il est vrai, menacer pour autant de changer quoi que ce soit dans leurs bonnes relations avec les Etats-Unis.
En somme, la communaté internationale est, unanimement, d'accord sur un point : Saddam Hussein doit laisser travailler les inspecteurs du désarmement. Et elle est, très majoritairement, d'accord sur l'inopportunité de frappes aériennes. Le recours à la force laisserait ainsi Washington et Londres faire cavalier seul dans une opération guerrière minoritaire, perçue dans la région comme néocolonialiste et dont ils n'ont fixé ni l'objectif ni les limites. Assurément, Kofi Annan doit réussir.