Le Pape Jean Paul est arrivé samedi 21 mars au Nigeria, où il devait séjourner trois jours. Outre l'entrevue samedi avec le chef de l'Etat, le général Sani Abacha, la visite du pape devait etre marquée par deux temps forts: tout d'abord dimanche à Oba, près d'Onitsha (est), la messe pour la béatification du Père nigérian Michael Cyprian Iwene Tansi, décédé en 1964, et une rencontre le meme jour avec des dignitaires religieux musulmans à Abuja. L'ancien archeveque d'onitsha, actuel président, au Vatican, du conseil pour le dialogue interreligieux, a répondu à nos question.

"Quelle est votre explication des tensions qui traversent le Nigeria?

- Il ne faut certainement pas les réduire à des tensions religieuses entre l'islam et le christianisme. Je dirai meme qu'entre chrétiens et musulmans, il y a, au Nigeria, une vieille tradition de dialogue concret, quotidien. Souvent très localisés, les incident ont commencé il y une dizaine d'années, d'abord liés aux changements politiques, à la gravité de la situation économique et à notre diversité ethnique. Le Nigeria compte au moins deux cents quarante groupes ethiniques, avec presque autant de langues, pas des dialectes... Moi-meme, je suis ibo et, comme douze millions d'habitants, je ne parle qu'ibo. Vous mesurez la difficulté de nous entendre. Que ces tensions politiques et ethiniques aient été exploitées à des fins religieuses par des extrémistes, avec des soutiens étrangers, je ne peux pas l'ignorer. - Dans ce contexte, les Eglises catholique, anglicane et protestantes ont-elle toute liberté pour intervenir et quel peut etre l'intéret de l

a visite du pape ? - Dans quel pays la liberté des Eglises est- elle total ? Les Eglises de la CAN (christian Association of Nigeria) interviennent pour apaiser les tensions, rappeler que personne ne doit etre considéré comme étranger dans son propre pays, ni dans des Eglises qui, par définition, se veulent universelles. Elles invitent leurs membres à prendre toute leur place dans les réalités nigérianes, dans la construction pacifique et le développement de leur pays, à militer pour le dialogue entre toutes les composantes et l'unité du Nigeria. C'est ce que le pape va répéter. >> Dialogue aussi avec l'islam. A la base, il existe, je le repète, mais nous souhaitons rencontrer le plus régulièrement possible les autorités musulmanes qualifiées. En 1991, le conseil pontifical pour le dialogue interreligieux avait organisé un colloque entre chrétiens et musulmans des cinq pays anglophones d'Afrique de l'Ouest (Nigeria, Ghana, Gambie,Liberia, Sierra-Leone) sur le dévelop

pement. C'est ce type de rencontre qu'il faut favoriser pour déminer les tensions et montrer qu'il y a une réponse commune à des défis communs. - Découragé non. Triste oui, quand vous etes face à l'horreur d'un massacre en Egypte, quand vous devez pleurer la mort de sept moines ou d'un éveque en Algérie. Mais ce qui est encourageant, c'est que je rencontre de plus en plus de responsables musulmans qui me disent que l'islam des extrémistes n'est pas le vrai islam. Je sais qu'ils prennent des risques en disant cela, mais c'est avec eux qu'il faut parler. Car les islamistes n'écoutent personne. Il faut donc continuer à parler avec ceux qui veulent parler, sur des thèmes d'intéret commun : le développement, les droits des femmes, des enfants , la dignité humaine, etc. Coopérer sans naiveté, bien sur, ni souci de prosélytisme, en sachant que c'est Dieu qui change le coeur des hommes.>>