A l'attention de M. Jean-Marie Colombani
Directeur du Monde
Bruxelles, le 27 mars 1998
Monsieur le Directeur,
dans l'article "Six mois de prison ferme requis contre le chef de file des militants pro-cannabis" publié dans vos éditions du vendredi 27 mars, Madame Laurence Folléa estime que "deux députés européens, l'un belge, l'autre italien, ont tenté, en vain, de justifier la nécessité d'en finir avec la 'politique prohibitionniste criminogène'".
Vous me permettrez de préciser que ni mon collègue au Parlement européen Gianfranco Dell'Alba ni moi-même n'avons jamais pensé devoir justifier quoi que ce soit. En cette matière, vous conviendrez aisément que s'il appartient à quelqu'un de justifier quelque chose, c'est bien aux tenants de la politique prohibitionniste en vigueur depuis plus de trente ans que cela revient.
Il me semble en outre qu'en déclarant vaines les actions des uns et des autres, Madame Folléa anticipe quelque peu, sinon préjuge d'un verdict que la Présidente de la 14ème Chambre correctionnelle, Madame Janine Drai, n'a - que je sache - pas encore rendu et qu'elle rendra, j'en suis sûr, en pleine conscience de sa faculté de créer une jurisprudence nouvelle, et en toute indépendance, y compris vis-à-vis des journalistes pour qui les jeux seraient déjà faits.
Enfin, permettez-moi de vous signaler que votre collaboratrice me semble recourir à des critères quelque peu élastiques en ce qui concerne le droit à l'image et à l'identité des personnes impliquées d'une manière ou d'une autre dans l'affaire traitée. Aux différents protagonistes de la Justice, Juge, Procureur, Avocat, partie civile, ce droit à l'identité est effectivement reconnu. Quant aux témoins, soit ils ne sont tout simplement pas cités, comme notre collègue de l'Assemblée Nationale, M. Yanne Galut, soit leur identité est réduite à leur "appartenance" nationale...
D'aucun pourrait penser qu'il s'agit-là de la survivance d'un vieux réflexe condescendant à l'égard la belgitude ou de l'italianitude. Je n'en suis pas. Et quand bien même, le mal serait mineur. Les choses sont, au-delà de l'affaire qui nous occupe, symptomatiques d'un mal beaucoup plus grave et profond.
Vous remerciant de votre attention, je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de mes sentiments distingués.
Olivier Dupuis