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Partito Radicale Centro Radicale - 14 aprile 1998
Ex-jougoslavie/Kosovo

L'ETERNELLE BATAILLE DU KOSOVO

par André Fontaine

Le Monde, mardi 14 avril 1998

SI, DS JUILLET 1991, la Slovénie a réussi à tirer aux moindres frais son épingle de l'atroce jeu yougoslave, c'est d'abord en raison de l'homogénéité de sa population. Nul besoin dans son cas de nettoyage ethnique: elle était slovène à 88%. 90% des habitants du Kosovo étant albanais, pourquoi dès lors leur refuser l'indépendance qu'ils réclament? Les Serbes invoquent l'antériorité: à les en croire, la présence des Slaves du Sud dans ces parages est attestée dès le VII, siècle, alors que les sources byzantines auxquelles ils se réfèrent ne mentionnent qu'à partir du XI, siècle celle des Albanais. Ces derniers répliquent qu'ils sont les descendants directs des Illyriens de l'Antiquité, lesquels ont donné à Rome cinq empereurs et un pape, et que leurs ancêtres vivaient depuis longtemps au Kosovo lorsque celui-ci fut annexé au milieu du XIIIe siècle par le tsar serbe, Dusan le Grand. Dialogue de sourds... Reste que le Kosovo a bien été le berceau de la nation serbe, et, dans la mesure où elle en a été en grande

partie chassée, sa Jérusalem. La plus sainte de toutes les terres serbes, a pu dire, en 1912, le leader radical Nikola Pasic. Au sein de l'Empire ottoman, maître de tout ou partie de la Serbie pendant près de cinq ans, la loi islamique tenait lieu de code civil. Elle ne pouvait pas s'appliquer aux dhimmis -les chrétiens autorisés, au prix de lourds impôts, à continuer de vivre leur foi au sein de millet, des communautés autonomes constituées autour de leur clergé. D'abord rattachés à l'Eglise grecque, les Serbes ont eu, à partir de 1557, à Pec, au Kosovo, leur patriarcat autocéphale. Une date domine, aux yeux des nationalistes de Belgrade, l'interminable chronique de leurs ambitions et de leurs épreuves: c'est celle de la bataille du Champ des merles, qui, le 28 juin 1389, jour du Vidovdan (la Saint-Guy), se solda par la défaite des Serbes, la décapitation de leur tsar Lazare, en représailles au meurtre, sous sa tente, du sultan ottoman Mourad, et la vassalisation de leur empire, en attendant, soixante ans p

lus tard, son annexion pure et simple, et, au XVIIIe siècle, l'exode d'une grande partie de la population, poussée dehors par les Albanais. Le Bosno-Serbe Princip a choisi le 28 juin 1914 pour assassiner à Sarajevo l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche, donnant ainsi le coup d'envoi de la première guerre mondiale. Sept ans plus tard, c'est encore un 28 juin que l'Assemblée élue à cet effet adopte la Constitution centraliste dite du Vidovdan. Le nouvel Etat a beau être officiellement appelé Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, il ne s'agit aux yeux de Pierre Ier et de son fils Alexandre que d'une extension de la Serbie, associant trois tribus d'un même peuple. Pas question donc de donner satisfaction aux aspirations fédéralistes des Croates, qui boycottent le scrutin. On sait à quels drames mènera ce divorce au soir des noces dontparle Paul Garde. Invitation aux Serbes à se débarrasser de Tito, Croate de mère slovène, adversaire de toujours de leur prépondérance ? On a peine à croire que Staline ait dé

cidé sans quelque arrière-pensée de faire prononcer un autre 28 juin, en 1948, son excommunication par le Kominform. En tout cas Slobodan Milosevic savait ce qu'il faisait lorsqu'il s'est posé en hélicoptère sur le champ des Merles, en 1989, pour le six centième anniversaire de la bataille, déclarant: Nous voici à nouveau obligés de combattre ou de nous y préparer. Sauf qu'il ne s'agit pas cette fois de lutte armée, encore qu'on ne puisse l'exclure.... Tsar Lazare, chantait la foule : tu n'as pas eu la chance d'avoir Slobo à tes côtés... TROMPETTE NATIONALISTE Le communisme, et avec lui le mythe de l'internationalisme prolétarien, était en train de faire eau dans toute l'Europe. L'état de l'économie, la corruption du parti, tout annonçait que la Yougoslavie suivrait tôt ou tard. Quelle meilleure façon pour un vieil apparatchik de garder le pouvoir que d'entonner la trompette nationaliste ? Aussi bien y a-t-il déjà six mois qu'il s'est écrié: Cette fois, nous gagnerons la bataille du Kosovo. Qu'est-ce à dire

? Il y a belle lurette que les Turcs ont évacué le Kosovo, mais beaucoup de Serbes font mal la différence entre eux et ces Albanais qui, après avoir farouchement défendu leur indépendance sous Skanderbeg, au XV, siècle, ont fourni au sultan bien des pachas et des mamelouks, et même des khédives. Une lettre ouverte à l'opinion française, publiée en 1989, les accuse d'avoir provoqué au XVIII, siècle un exode prenant des dimensions de génocide dans le dessein de Séparer les territoires serbes pour la sécurité des Ottomans. Premiers des Slaves du Sud, dont ils constituent le groupe le plus nombreux, à secouer le joug turc, les Serbes ont récupéré le Kosovo en 1912, grâce à un compromis entre les grandes puissances, qui n'ont laissé à l'Albanie, dont elles reconnaissaient l'indépendance, que la moitié des populations albanaises. Occupée pendant la première guerre mondiale par les Autrichiens et les Bulgares, la région a fait ensuite retour à Belgrade, qui n'a pas fait grand-chose pour son développement, sinon lai

sser un universitaire de renom, Vasa Cubrilovic, futur ministre de Tito, préconiser sa serbisation par tous les moyens. Nouvelle épreuve en 1941 avec le démembrement de la Yougoslavie par les puissances de l'Axe: le Kosovo est rattaché à l'Albanie, que l'Italie a envahie deux ans plus tôt et placée sous son protectorat. Nouvelles violences, nourrissant partout un appétit de vengeance, nouvel exode serbe. A la Libération, le Kosovo est constitué en région autonome à l'intérieur de la République fédérée de Serbie, selon un schéma inspiré de la Constitution soviétique. C'est une déception pour les Serbes, qui espéraient que la masse albanaise ne serait plus, grâce à sa dilution dans l'ensemble de la République, qu'une minorité. Mais ils ont un compatriote à la tête de la police, Alexandre Rankovic, alors bras droit et successeur désigné de Tito, centralisateur à outrance. La tendance s'inverse en 1966 avec son limogeage pour complot. De nombreux Serbes quittent le Kosovo, où les Albanais réclament, au cours de

manifestations violentes, durement réprimées, le statut de République fédérée. Ils devront se contenter de devenir une République autonome au sein de la Serbie, mais la Constitution de1974 leur donne un poids égal aux Républiques tout court dans le choix du chef de l'Etat yougoslave, qui doit être pourvu, par rotation annuelle, une fois Tito disparu, selon un système inspiré du modèle helvétique.

TAUX DE FÉCONDITÉ

Après la mort du maréchal, en 1980, les Albanais réclament avec insistance le statut de nation constituante au sein d'une République yougoslave du Kosovo. Leur taux de fécondité suffirait à affoler les Serbes, qu'ils poussent par divers moyens à prendre le large. Une vingtaine de personnalités ecclésiastiques signent un appel faisant état du départ forcé de cent mille Serbes en dix ans, alors que le taux de fécondité très élevé de la population albanaise rend sa prépondérance de plus en plus écrasante. Or, à les en croire, le Kosovo est la mémoire, le foyer, la flamme de notre être. Les incidents se multiplient, aussitôt grossis par Belgrade, le régime communiste de Tirana prend fait et cause pour les Kosovars qu'il approvisionne, entre autres, en livres scolaires. Un étudiant irrédentiste déclare devant ses juges: L'histoire a condamné la Yougoslavie à mort et c'est aux Albanais du Kosovo qu'il appartient de lui porter le coup de grâce. La suite des événements devait lui donner raison. En 1986 commence à ci

rculer sous le manteau un mémorandum de l'Académie des sciences et des arts de Belgrade faisant état d'un génocide physique, politique, juridique, culturel, de la population serbe du Kosovo présenté comme la défaite la plus grave subie par la Serbie dans ses luttes de libération. C'est en 1987 qu'à l'occasion d'une visite à Pristina, la capitale du Kosovo, Milosevic se rallié de manière spectaculaire aux thèses panserbes. La République autonome se voit retirer ce statut par le Parlement serbe, en parfaite violation de la Constitution yougoslave. Du coup son représentant à la direction collégiale fédérale, jusque-là un Albanais, est remplacé par un Serbe. Le même traitement étant appliqué aux Hongrois de l'autre République autonome, celle de Voïvodine, Milosevic est en mesure de bloquer l'élection présidentielle fédérale, rendant ainsi inévitables -mais s'en rend-il compte? l'implosion de l'ex-Yougoslavie et la guerre qui pendant quatre ans l'a ravagée.

RÉACTION LA GANDHI

Beaucoup de Kosovars ont émigré, Mais ceux qui sont restés sur place, l'écrasante majorité de la population, ont réagi à la Gandhi à des mesures visant à remettre en cause non seulement leurs droits politiques, mais leur statut social. Ils ont organisé des référendums clandestins pour proclamer leur volonté d'indépendance. Ils ont élu clandestinement un président et un Parlement. Ils ont organisé un enseignement clandestin. L'actuel régime de Tirana les encourage dans cette vole, tout en se dissociant d'une revendication d'indépendance en soi passablement explosive, puisqu'elle aboutirait à faire vivre côte à côte deux Albanies, dont l'une serait souveraine et l'autre pas. Et la situation se dégrade sur place, les Kosovars étant de plus en plus nombreux à se décourager face à un gouvernement, à Belgrade, sourd à leurs revendications. Un front de libération armé s'est donc constitué,qui a commis plusieurs attentats. Les forces de l'ordre ont réagi avec une brutalité dont le plus sûr effet a été de convaincre

un certain nombre d'exilés de rentrer au pays les armes à la main. C'est dire que la solution n'est pas précisément en vue et que les grandes puissances seraient bien avisées d'accroître leur pression sur Milosevic, pour l'amener à mettre fin au dernier régime colonial d'Europe, comme aux risques d'embrasement de la région qu'implique son maintien...

 
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