LE JOURNAL DE DAVID HICKS,
CONDAMNE A MORT AU TEXAS
Le monde / 15 / 04 / David Hicks
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David Hicks a trente-cinq ans.
En 1987, un tribunal du Texas l'a condamné à la peine capitale pour le viol et le meurtre, qu'il a toujpurs niés, de sa grand-mère. A deux reprises, son exécution a été différée. Dans sa cellule du pénitencier d'Ellis One, dans le couloir de la mort. David Hicks attend depuis de dix ans. Pour tuer le temps qui passe, ou ne passe pas, il tient un journal dont le monde pulie des extraits. Ce journal nous a été communiqué par Fabrice Ziolowski, scénariste-réalisateur qui prépare un documentaire sur la peine de mort aux Etats-Unis.
Les écrits foisonnent sur les conditions d'existence des détenus daans les prisons américaines. Dans Le Chant du bourreau, Norman Mailer racontait l'histoire de Gary Gilmore. Le document que publie Le monde est un texte écrit de la main de David Hicks. Avec des mots simples, il raconte sa vie quotidienne, la peur et les humiliations, sa jeunesse, ses espoirs de liberté. Il voit la télévision comme une drogue, surtout lorsqu'un film érotique endort, après une exécution, les pulsions de violence.
Il fut, dit-il,mal défendu par un avocat commis d'office, "qui n'en avait rien à fiche". Le procès dura cinq jours. En France, un comité de soutien s'est constitué. Son espoir se limite au déclenchement, incertain, d'un ultime appel fédéral.
C'est dire si sa vie ne tient qu'à un fil, celui de l'écriture. "Le Texas, dit-il, s'apprete à me tuer. C'est aussi simple que ça."
Près de 3400 condamnés attendaient la mort en 1997. Cette année-là, il y a eu 74 exécutions aux Etats-Unis, dont la moitié au Texas.
IL LIVRE ICI SON JOURNAL. IL Y RACONTE EN MOTS SIMPLES LA CRUAUTE DU QUOTIDIEN, LA PEUR ET LES HUMILIATIONS, LE COMPTE A REBOURS AVANT L'INSTANT FATAL, LES SOUVENIRS DE SON PROCES OU IL FUT DEFENDU PAR UN AVOCAT COMMIS D'OFFICE
"QUI N'EN AVAIT RIEN A FICHE".
LES PAGES PUBLIEES PAR "LE MONDE" ONT ETE REDIGEES PENDANT L'ETE 1997.
L'EXECUTION DE DAVID HICKS ETAIT ALORS IMMINENTE. GRACE A SON COMITE DE SOUTIEN, IL ESPERE AUJOURD'HUI ENCORE UN APPEL FEDERAL
Le rythme des exécutions, ici, est devenu monstrueux. Un autre type a été exécuté hier, cela en fait déjà quatre depuis le début du mois. Comme d'habitude, l'exécution est passée comme une lettre à la poste. Ni protestation ni meme la moindre discussion.
Je vies juste d'apprendre qu'on a fixé au 28 aout (1997) la date de mon exécution. Six semaines. L'avocat est passé me le dire puisque rien n'est encore arrivé au courrier.
Depuis que je suis ici, j'ai déjà eu deux date fixées. On était meme à six heures de l'exécution la dernière foi. Je me domande si celle-ci sera la dernière.
Ecrire mes souvenirs et ma vie quotidienne à l'intérieur de cette folie est une bonne idée, mais je me demande ce que les gens vont penser. Est-ce qu'ils me croiront, seulement ?
L'univers du couloir de la mort n'a rien à voir avec ce qui se raconte dans le monde libre. Mais une fois qu'on y est passé, il n'est plus possible d'en oublier les humiliations, les dégradations, les brimades incessantes, les injustices, les peurs.
La peur est omniprésente. On ne sait jamais quel est le prochain sale coup qui va nous tomber dessus. La mort.
C'est un monde de violence (davantage le fait, d'ailleurs, du personnel de la prison que des détenus eux-memes), de haine, de paralysie, de régression dans l'adolescence. Un endroit qù il faut apprendre par soi-meme à survivre, avec peu, avec rien. Comment je fais ? J'en sais rien. La volonté de résister, le refus de me rendre, un espoir en l'avenir, un reve inaccompli,ou juste un instinct de survie. Peut-etre un peu de stupidité... Tout ce que je demande, c'est de garder mes esprits, au moins un jour de plus.
( cont. )