DU PROCES PAPONpar Jean- françois Revel / J.A.
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J.A.:Quelles réflexions vous inspire le verdict du récent procès Papon ?
Jean-François Revel : La première leçon de ce procès, c'est qu'il ne faut pas en oublier les leçons, car chaque fois qu'un événement ou une controverse replonge les Français dans les souvenirs de l'Occupation, on nous raconte qu'ils sont ainsi contraints, pour la première fois, de regarder en face la période du régime de Vichy. D'après cette légende à répétition, ils auraient, depuis la Libération, nagé dans le myte que tous les Français auraient été résistants. Ils auraient négligé de punir les collabos. Or l'épuration a été une immense affaires nationale. Il y eu, entre 1944 et 1951, des dizaines de milliers de procés, près de sept mille condamnations à mort, la plupart par contumace, beaucoup d'accusés étant en fuite. Il faut ajouter les cinq mille exécutions sommaires avant et pendant la Libération, presque quatorze mille condamnations aux travaux forcés et environ vingt-cinq mille à la prison. Sans compter les cinquante mille condamnations à l'indignité nationale, qui, pratiquement, enlevaient du circui
t professionnel beaucoup de gens. Etait-ce cela passer l'éponge ? Non. Le procès Papon est important parce qu'il pose la question d3e quit
la question de savoir jusqu'à quel point, sous un régime tyrannique, l'obéissance aux ordres constitue ou non une excuse pour un fonctionnaire, voire un militaire, mais il n'est pas important par ses révélations.
Cela veut-il dire que les Français ont reconnu depuis longtemps la gravité des actes de collaboration ?
Elle est évidente, mais cela ne veut pas dire qu'une majorité de Français était pour Vichy, sous prétexte que seule une minorité a fait de la résistance active, ce qui est vrai. Inférer que tous ceux qui n'ont pas fait de résistance active étaient forcément des collabos implique une étonnante méconnaissance de la vie réelle. Dès 1941, quantité de Français, sans faire de la résistence active, étaient hostiles à Vichy et aux Allemands. N'oublions pas non plus que la population s'est montrée, sous l'Occupation, l'une des moins antisémites d'Europe, comme l'a mis en lumière Marek Halter dans son film Le Justes. Parmi les quinze pays, hormis l'Allemagne et l'Autriche, pour lesquels nous avons des chiffres précis concernant le génocide, la France, avec l'Italie et la Bulgarie, est celui où il y a eu le moins de victimes, en pourcentage, parmi sa population juive. Aurait-ce été possible si leurs concitoyens ne les avaient pas aidés, cachés, souvent pourvus en faux certificats de bapteme ? Alors, la période de l
'Occupation est déjà assez noire, ne la rendons pas plus noir qu'elle ne l'à été.