Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
mer 16 lug. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Partito radicale
Orofino Veronica - 2 maggio 1998
COMMENT JUGER LA PEIN DE MORT AMERICAINE ?

Par I. S. Papadopoulos / le monde / 30 / 4

Apres l'abolition de l'esclavage dans le monde occidental, la question de la peine de mort reste celle qui est, moralement, la plus controversée. Pour la philosophie morale, il y a essentiellement deux approches possibles du probème : une que l'on pourrait appeler "point de vue ", et une que l'on pourrait appeler << point de vue interne >>.

La première met en oeuvre des convictions a priori et dogmatiques, de type essentialiste ou théologique, qui peuvent, certes etre crédibles en tant que telles, mais qui ne permettant aucunement l'instauration d'un vrai débat. Si une partie croit sincèrement que l'Etat est légitimé à pratiquer une juste rétribution pour restaurer l'ordre cosmique de la justice, tandis que l'autre croit que toute personne est sacrée parce que créée à l'image de Dieu, l'énchange risque de prendre la forme plutot d'invectives ou de polémiques stériles que d'un effort conscient pour trouver un accord.

La seconde approche est autrement plus intéressante et constructive. Son point de départ est que nous avons tous de convictions ou -intuitions - sur la question, convinctions que nous croyons capables de justifier publiquement par l'argumentation et d'ajuster, si besoin est, aux principes politiques, moraux et juridiques de base de nos sociétés démocratiques.

Notre vie morale et politique confirme que nous attendons des autres qu'ils soient en misure de faire valoir leurs convictions bien pesées, celles qui, au terme d'un travail de réflexion, apparaissent cohérentes avec le schema de principe normatif auxquels notre communauté politique adhère. Pour cette approche constructiviste, il ne nous est pas permis de maintenir des intuitions ponctuelles sur la justice, irréconciliables avec des principes de justice qui sont largement partagés, mais aussi normativement attrayants. Notre identité publique exige que nous n'argumentions pas, chacun à partir de sa petite forteresse morale, mais que nous fassions l'effort mutuel de trouver un <équilibre réfléchi >> entre nos convinctions et les principes politiques, moraux et juridiques qui cimentent notre société et forment notre terrain d'entente.

L'experience juridique américaine de la peine de mort depuis une vingtaine d'années prouve que cet << équilibre réfléchi >> est impossible pour les partisans de cette sanction pénale ultime. Il existe une tension irréconciliable au coeur meme de la jurisprudence américaine sur la peine de mort. Cette antinomie - pour peu que l'on y pense - était, pourtant, inévitable.

Avant 1972, la peine capitale était prononcée aux Etats-Unis sans qu'il y ait de paramètres juridiques clairs déterminant les catégories de crimes passibles de la peine de mort, ou guidant le jury dans ses délibérations. Les jurys disposaient d'un pouvoir discrétionnaire total d'imposer ou non la peine de mort. En 1972, puis de nouveau en 1976, la Cour supreme donna un coup d'arret a cette pratique en raison de son potentiel d'arbitraire et de discrimination. Beaucoup de Noirs, de pauvres et d'attardés peuplaient le << couloir de la mort >>. La Cour s'est ainsi embarquée dans une entreprise de rationalisation de la peine de mort, qui a fait long feu et a débouché sur un amas de principes irréconciliables.

Les juges crurent qu'il fallait que le législateur détermine et restreigne les types de crimes passibles de la peine de mort. Sinon, beaucoup de personnes seraient exécutées sans vraiment le mériter aux yeux de la moralité commune. Parallèlement, meme si tous ceux qui le méritaient étaient mis à mort, un jury jouissant d'un pouvoir complètement discrétionnaire serait susceptible de ne pas condamner à mort, par clémence ou favoritisme, d'autres accusés qui pourtant le méritaint tout autant. Il fallait donc encadrer aussi l'exercice du pouvoir discrétionnaire du jury par des normes claires. Ce deux problèmes se rapportent au principe d'égalité de traitment entre les personnes.

Les juges invalidèrent aussi certaines lois imposant une peine de mort automatique chaque fois qu'un meurtre aggravé était commis. Il fallait que le jury ait la possibilité de prendre en compte tout élément pertinent concernant les circostances concrètesdu crime, le caractère et le dossier de l'accuse. Cette exigence d'individualisation de la peine trouvait un ancrage constitutionnel dans la différence de nature entre la peine de mort et tout autre type de peine, rendant par là nècessaire un surplus de garanties procédurales, mais aussi dans le << respect fondamental pour l'humanité sous-tendant le huitième amendement à la Consttution >> (arret Woodson contre Caroline du Nord, 1976).

Mais, ainsi, l'encadrement du pouvoir discrétionnaire du jury d'imposer la peine de mort et son pouvoir discrétionnaire incontrolé de ne pas imposer la peine de mort en tenant compte de toutes les circostances atténuantes possibles entrent en collision : l'exigence d'encadrer et de guider le pouvoir discrétionnaire dont dispose le jury pour évaluer les circonstances atténuantes,exigence née du principe d'égalité de traitement entre les accusés en vue d'éviter le favoritisme, la discrimination ou l'arbitraire devant la mort, est un élément à la fois constitutionnellement requis et constitutionnellement inadmissible. La raison philosophique pour cette situation intenable est claire, La conviction, induite par un instinct <>, que certains meurtriers ne méritent pas de vivre,n'est pas bien pesée: dans une démocratie libérale, le principe de responsabilité individuelle à laquelle fait appel une telle conviction doit passer au crible de l'égalité de traitement et de la rationalité formelle de l

a procédure pénale. Mais une telle standardisation de la peine est inatteignable pour la peine de mort à cause du principe fondamental de la dignité humaine et de l'individualisation sans restrictions juridiques que ce principe implique.

En 1990, un juge conservateur de la Cour supreme, le juge Scalia, prit acte de cette situation juridiquement et moralement ruineuse. Il conclut, pourtant, que exigence d'individualisation de la peine de mort devrait etre abandonnée au profit de l'égalité de traitement et de l'encadrement du pouvoir discrétionnaire du jury par des paramètres clairs et rationnels. En 1994, le juge Blackmun, qui avait été un fervent défenseur de la peine de mort dans les années 70, arriva au meme constat, mais sa conclusion fut diametralement opposée : il conclut que, vu les efforts ratés de rendre cohérente l'administration d'une peine foncièrement réfractaire à cette cohérence et vul'inéluctabilité d'erreurs judiciaires et d'injustices irréparables, il fallait déclarer inconstitutionnelle une fois pour toutes la peine de mort.

A mes yeux, c'est le juge Blackmun qui a raison. L'expérience d'un pays démocratique et liberal - et non pas les spéculations abstraites ou les querrelles dogmatiques - nous a mis devant un conflit intraitable entre nos principes de dignité humaine et de sécurité juridique accrue devant le spectre d'une condamnation irrévoclable d'un innocent et les principes d'égalité de traitement et de rationalité formelle dans l'administration de la peine. Dans un tel contexte, le seul équilibre réfléchi possible est de maintenir le principe qui sous-tend des pans entiers de notre droit et qui est notre dernier rempart moral : le principe de la dignité intrisèque de la personne.

Joannis S. Papadopoulos / enseigne la philosophie du droit à l'université Paris- Il Panthéon-Assas.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail