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Partito Radicale Centro Radicale - 5 maggio 1998
Chine/Wang Dan

LE STATUT DE LA LIBERTE

Wang dan, 29 ans, héros de Tian Anmen, après sept ans dans les seôles chinoises, entame en forçat son exil à New York en enchaînant les interviews.

par Patrick Sabatier

Libération, mardi 5 mai 1998

Vue du 34e étage de Empire State Building, la statue de la Liberté n'est qu'une petite silhouette lointaine et fantomatique, presque effacée par la brume ensoleillée qui flotte sur Manhattan. Pour Wang Dan, dissident chinois exilé, cette Liberté-là rappelle encore trop la déesse de la Démocratie que les étudiants dont il était un des dirigeants avaient dressée en juin 1989 sur la place Tian Amnen. Elle est aussi une promesse vague qui flotte dans l'avenir encore lointain de la Chine. Mais elle est surtout à présent la marque tangible pour lui d'une réalité et (d')un avenir totalement nouveaux. La pression de l'adaptation est énorme, reconnaît-il. Il y a tant de possibilités, tant de choix possible ici en Amérique que j'en ai mal à la tête. Ce n'est pas, bien sûr, qu'il regrette sa cellule de la prison de Jinzhou, dans la froide province du Liaoning. Mais depuis que les flics chinois l'en ont tiré et l'ont embarqué sans prévenir dans un avion pour les Etats-Unis, Wang Dan n'a guère eu le temps de souffler. Je

dois reprendre mes esprits, trouver du temps à moi pour réfléchir à ce que je veux faire .. , dit-il. Il croise sagement devant lui ses mains fines de jeune lettré. Bien droit dans son fauteuil, il répond avec patience et précision, de sa voix éraillée et haut perchée à l'accent pékinois immédiatement reconnaissable. On le sent sur ses gardes, prudent, aux aguets. Comme s'il était encore face à des policiers, dans une des prisons où il a passé presque sept ans depuis 1989. Il sait que les médias peuvent être aussi redoutables, et que ses quinze minutes de célébrité se dissiperont vite. Mais il obéit à la règle du jeu et se prête sans broncher aux questions des journalistes qui défilent dans les locaux de Human Rights Watch, l'organisation de défense des droits de l'homme qui l'a pris en charge. Leurs questions ne le surprennent pas, assure-t-il. Même celles sur sa sexualité. Je n'ai jamais eu le temps ni l'occasion d'avoir une petite amie, avoue-t-il avec un petit rire bref et gêné. Il vient de finir CNN. A

près Libération, il recevra Newsweek. J'ai donné 40 interviews, ou 50, je ne sais plus. Depuis que j'ai débarqué ici, je n'ai fait que dormir et donner des interviews ... Depuis que son image, debout sur la place Tian Amnen, un mégaphone à la main et un bandeau de kamikaze autour du front, a fait le tour de la planète, l'ex-étudiant de Beida, l'université de Pékin, a plus contribué à écrire l'histoire chinoise contemporaine qu'il ne l'a étudiée. Pourtant je n'ai jamais voulu devenir une star. J'aime avant tout ma liberté, et je rêve d'être un intellectuel pur. Mais je n'ai pas beaucoup de liberté, même ici ... Le maelström médiatique et politique qui l'entoure est pour lui surtout un défi. Est-ce que je vais être capable de garder la tête sur les épaules? De l'Amérique il n'a vu, en dehors de l'hôpital où il a été examiné et déclaré en bonne santé, que Times Square, la 42e Rue, l'Empire State et Macys, le grand magasin où ses amis l'ont emmené acheter quelques vêtements. Rien ne m'a vraiment surpris ni cho

qué, assure-t-il. Même en prison, où il reconnaît avoir bénéficié d'un régime de faveur, il pouvait regarder la télévision et lire à peu près ce qu'il voulait. Michael Jackson, Tiger Woods ou le politologue de Harvard Samuel Huntington ne sont pas des inconnus. Il se dit fasciné par la richesse incroyable de la société américaine. Et sa grande civilité. Rien qu'en marchant dans la rue, on sent qu'ici on respecte les individus. Pourl'heure, il n'a pas un dollar en poche. Il dépend entièrement du modeste pécule que lui a constitué Human Rights Watch, et d'amis qui l'hébergent et le nourrissent en attendant qu'une des universités américaines avec lesquelles il est en contact lui offre une place, et surtout une bourse. A 29 ans, il estime ne plus avoir beaucoup de temps, alors qu'(il a) tant à apprendre pour devenir un intellectuel vraiment libre.

Dès cet été, il sera à Harvard pour des cours d'anglais intensifs. Mais pour le moment, il est encore ailleurs. Du côté de TianAnmen. Depuis que j'ai débarqué ici, je n'ai pas cessé de ressentir la douleur de l'exil, l'arrachement aux miens, et l'éloignement avec ceux pour lesquels je veux me battre. Il da pas beaucoup changé physiquement depuis les journées folles de juin 1989. Environ 1,73 mètre. Mâchoire inférieure en pointe. Chevelure relativement peu abondante. Caries sur le dents de devant. Traits assez fins, disait l'avis de recherche de Wang Dan en Chine. Mais il a été changé à jamais par ce qui s'est passé. Les âmes mortes de Tian Anmen l'ont hanté chaque jour que j'ai passé en prison. Il s'accuse de ne pas avoir été assez rationnel, de ne pas avoir eu une vision d'ensemble de la situation, et de ne pas avoir appelé les manifestants à évacuer la place avant que la répression ne se déchaîne dans la nuit fatidique du 3 au 4 juin. Il s'en veut surtout d'avoir été assez naïf pour croire en ce que le rég

ime communiste nous avait inculqué toute notre enfance, à savoir que le gouvernement ne pourrait jamais donner l'ordre de tirer sur le peuple .. Il s'anime quand on évoque avec lui l'atmosphère chaotique et enfiévrée du campus de Beida au printemps 1989, quand son dortoir crasseux et enfumé servait de QG au mouvement qui allait ébranler le régime. Ce fut le sommet de l'idéalisme chinois, dit-il avec conviction. Cet idéalisme a reflué. Une certaine apathie politique a été imposée par la force. Mais l'âme de Beida reste intacte. Dès que les circonstances le permettront, on s'en apercevra ... C'est que depuis 1989, assure-t-il, une révolution silencieuse a eu lieu en Chine. Il n'y a plus rien de sacré, et plus personne n'est prêt à obéir aveuglément aux ordres. L'aspiration à la liberté individuelle est devenue générale. Tian Anmen restera comme un tournant dans l'histoire du pays. Avant, nous vivions dans l'illusion que nous étions une grande famille unie, avec les dirigeants du parti dans le rôle du père, e

t le peuple dans celui des infants. Le sang versé a dessillé les yeux des tous les Chinois. L'université reste son champ de bataille, les mots ses armes de choix. Il faudra peut-être cinquante ou cent ans pour que les valeurs démocratiques s'enracinent en Chine, reconnaît-il. Il reste convaincu que c'est par la diffusion des lumières - la démocratie, l'esprit scientifique, la liberté de pensée et la tolérance - que la Chine changera. Et Beida reste le phare d'où pourront être répandues ces lumières: Ni tour d'ivoire ni usine à avaler des connaissances mais laboratoire d'idées nouvelles et centre de formation de grands penseurs. Comme Sartre et Foucault (dont il a lu en prison la biographie et des extraits traduits en chinois), qu'il cite comme ses modèles: Des intellectuels engagés, qui ne se placent ni au-dessus du commun des mortels ni en marge de la société .. Beida est pour moi aussi important que Tian Anmen, conclut-il. Mes parents en sont tousdeux diplômés, mon père y a enseigné, j'y suis né, et j'y a

i fait mes études. Mon vrai rêve, avoue-t-il en riant, est d'être un jour président de Beida ... .

 
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