Quelle issue pour le conflit le plus sanglant qu'ait connu l'Afrique depuis l'Algérie ?
EPILOGUE. Le Biafra capitule le 14 janvier 1970. La guerre aura duré trente mois et fait 1 million à 2 millions de morts, surtout des enfants,victimes de la famine. Les raisons du conflit n'ont pas disparu.
M.L.C. / liberation / 4 / mai
Près d'un an après la sécession du Biafra, le gouvernement nigérian et les représentants de la province orientale ont pour la première fois accepté de se rencontrer dimanche à Londres, au siège du secrétariat du Commonwealth. Certes, ce ne seront que des pourparles préliminaires, destinés à choisir un lieu pour les négociations de paix proprement dites. Et pendant ce temps, comme le fasait remarquer hier le président de la Cote-d'Ivoire, Félix Houphouet-Boigny, à l'issue d'un entretien à l'Elysée avec le général de Gaulle, << les gens continuent là bas de mourir >>. Mais ce premierer contact, qui plus est, à Londres, que le Biafra accuse de soutenir Lagos, est une voie entrouverte vers le règlement du conflit le plus sanglant qu'ait connu l'Afrique depuis la guerre d'Algérie.
Les images télévisées d'enfants agonisants et de charniers ont tardivement ému une opinion publique qui a longtemps ignoré la poudrière ethinique et religieuse sur laquelle se construisait le nouvel Etat nigérian. Quand,six ans après l'indépendance, de jeunes officiers, la plupart ibos, ethnie majoritaire du Biafra christianisé, prennent le pouvoir par les armes aux musulmans du Nord, qui avaient succédé au colon britannique, l'unité de façade du Nigeria se désintègre.
Le putsch de janvier 1966 sera suivi dans le Nord de pogroms anti-Ibos. Un milion et demi d'entre eux vont se réfugier dans leur région d'origine, la plus riche du pays: les deux tiers du pétrole nigérian proviennent du Biafra. Le chef de l'Etat ibo est assassiné par les nordistes et, mai de l'année dernière, son successeur, le général Gowon annonce un redécoupage territorial qui prive les Ibos de la majeure partie de leur richesse: c'est la goutte d'eau qui gait déborder le vase. Le 30 mai 1967, le lieutenant-colonel Odumegwu Ojukwu, proclame l'indépendendance de la << Rèpublique du Biafra >>, dont les Ibos constituent plus de la moitié des 13 millions d'habitants. Une semaine plus tard, le gouvernement nigérian déclare la guerre au Biafra.
Après plusieurs mois de résistance acharnée, le Biafra a subi en mars un grave revers, la prise d'Onitsha par les troupes fédérales. Hier, deux vedettes biafraises ont réussi mettre en fuite une frégate nigériane au sud de Port-Harcourt. Si cette ville tombe à son tour aux mains des Fédéraux, le Biafra sera pratiquement encerclé. Cette perspective encourage dans leur attentisme les grandes compagnies pétrolières, dont Ojukwu espérait qu'elles lui versent directment leurs redevances pour armer le Biafra. Majoritairement américaines, il semblerait qu'elles se soient rangées à l'avis du département d'Etat américain-et à celui de la Grande-Bretagne-,qu'il n'y a d'avenir que dans un Nigeria englobant le Biafra. Jusqu'ici, seule la Tanzanie a reconnu le Biafra, meme s'il semble que le Gabon et la Cote-d'Ivoire, encouragés par la France, soient prets à soutenir l'Etat sécessionniste.
Hier, à Paris, le président gabonais Omar Bongo a déclaré: <>