LEGALISATION DES DROGUES: LE COMBAT DES ULTRAS
Un millier de manifestants hier à Paris, à la veille de la session de l'ONU consacrée à la lutte contre les stupéfiants
par Françoise Lemoine
Le Figaro, lundi 8 juin, 1998
La prohibition est un crime : les militants favorables à la légalisation des drogues ne désarment pas. La Cora (coordination radicale antiprohibitionniste), réunie en congrès vendredi et samedi, à Paris, a prôné une fois de plus la voie de la légalisation comme méthode la plus rationnelle pour gérer le problème des drogues. Cette association de citoyens et de personnalités politiques antiprohibitionnistes européens souhaitait faire entendre sa voix, à la veille de la session spéciale de l'assemblée générale de l'ONU. A partir d'aujourd'hui, des centaines de chefs d'État, parmi lesquels Jacques Chirac, se réunissent à New York pour tenter de mieux lutter contre la drogue.
Hier à Paris, un millier de personnes répondant notamment à l'appel de la Cora, des Verts, d'Aides, d'Act-up, de la Ligue des droits de l'homme et du syndicat de la magistrature, sont descendus dans la rue pour réclamer l'abrogation de l'article L 630. Cet article du Code de santé publique interdit la présentation des drogues sous un jour favorable. Jean-Luc Benhamias, secrétaire général des Verts, anneau à l'oreille, favorable à la légalisation de toutes les drogues, n'en démord pas : La prohibition est une politique criminelle. Il déplore le retard accumulé en France sur les stupéfiants : Le tabou et l'hypocrisie doivent cesser. Les parlementaires n'ont pas le courage d'aborder ce sujet, alors que des milliers de personnes fument du cannabis et que des héroïnomanes continuent de mourir d'overdose. Son cheval de bataille : l'article L 630 qui, selon lui: Empêche de parler des effets des produits et de mener ouvertement une politique de prévention des risques. De son côté, Jean-Pierre Galland, président du C
irc (Collectif d'information et de Recherche Cannabique), un hors-la-loi bien connu, sept procès à son actif, n'a toujours pas l'intention de baisser les armes. Comme chaque année, et malgré ses condamnations, il lancera son appel du 18 joint : La drogue c'est, avant tout, une affaire de liberté. En voulant ainsi protéger les gens, on risque des effets pervers. Et dans le combat de la prohibition, les amateurs de la petite fumette, seront toujours en première ligne. A l'occasion de cette manifestation, Jack Lang (PS), président de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale, a estimé qu'il fallait en finir avec la politique de l'autruche et le règne de la tartufferie. Au lieu de nous arc-bouter sur le maintien de lois inadaptées, ouvrons enfin un vrai débat. Réunissons autour d'une table éducateurs, médecins et spécialistes et imaginons une politique audacieuse et généreuse -. Des discours en opposition totale avec la position du président de la République lui-même.Vendredi dernier, Jacques
Chirac, a rappelé son refus de la légalisation, à Sois-sons (Aisne) où il s'était rendu pour dialoguer avec des acteurs de la lutte contre la drogue et des promoteurs de la prévention. Chaque fois que je rencontre des professionnels, cela me conforte dans cette idée, car il n'y a pas de prévention sans pédagogie, mais il n'y a pas non plus de prévention sans interdit. - Le président a une nouvelle fois critiqué l'attitude des Pays-Bas dont la législation antidrogue est complètement différente - de ses partenaires de l'Union européenne, ce qui, constitue un point faible. A New York, Jacques Chirac plaidera en faveur de l'élaboration d'une stratégie globale de lutte contre la drogue, fondée sur trois principes : la coresponsabilité, la solidarité et la fermeté. Le président français s'entretiendra avec le secrétaire général des Nations unies et devrait avoir des entretiens bilatéraux avec des chefs d'Etat ou de gouvernement.