Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
mer 09 lug. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Partito radicale
Partito Radicale Centro Radicale - 28 aprile 1999
Kosovo/Déserteurs

PARRAINONS LES DESERTEURS SERBES

par Luc Douillard

Le Monde du 28 avril 1999

On croit rêver, hélas. Ce 17 mars, les auto-rités françaises viennent de refuser le statut de réfugié à un déserteur de l'armée serbe, au motif qu'il ne pourrait prouver la crainte d'une persécution, ou bien un motif de conscience . Plus fort : notre ministère des affaires étrangères a fait savoir le 26 mars à toutes les ambassades et les consulats français qu'il faudra éviter à tout prix de délivrer des visas aux ressortissants yougoslaves, y compris déserteurs, qui souhaiteraient rejoindre la France.

Continuons comme cela, et la purification ethnique aura de beaux jours devant elle. Les vaches seront bien gardées, avec Slobodan Milosevic comme geôlier implacable du peuple serbe, l'opposition muselée à Belgrade, la dictature confortée, Ibrahim Rugova humilié, et pour finir l'UCK bientôt armée et payée comme des supplétifs indigènes des Etats-Unis, avec les résultats qu'on a déjà connus au Sud-Vietnam, au Nicaragua ou en Afghanistan. Et pendant ce temps, l'Occident hermétiquement fermé aux sans-papiers, claquemuré dans une idéologie xénophobe qui ne souffre aucune exception, même de bon sens. Pourtant, la récente générosité spontanée des Français pour les réfugiés kosovars a prouvé, une fois de plus, que le prétendu racisme de la société civile existe surtout dans le cerveau des décideurs.

D'ailleurs, les adeptes du national-chevènementisme se trompent lorsqu'ils se croient anti-américains : comme l'OTAN et ses experts improbables, souhaitent-ils vraiment gagner la guerre contre la purification ethnique en Europe ? La question est posée.

Et pourtant, il faudra bien un jour une relève démocratique à Belgrade. A moins de souhaiter cyniquement créer une, deux, trois Palestine, pour les générations à venir, en plein coeur de l'Europe. Il faudra bien compter demain sur une Serbie délivrée de ses démons, respectée et respectable, au sein d'une entente balkanique. Cela n'est pas plus utopique après tout que l'amitié franco-allemande d'après-guerre.

Souvenons-nous ici de ce jeune Allemand, Herbert Frahm, qui avait vingt ans en 1933 lors de l'accession du nazisme au pouvoir, et qui préféra s'exiler en Scandinavie. Il aurait dû être considéré à vie comme un déserteur et un traître à son pays. Une génération plus tard, le même Herbert Frahm, devenu chancelier allemand sous le nom de Willy Brandt, allait s'incliner devant le ghetto de Varsovie, le 7 décembre 1970. Par ce geste symbolique, il assumait un passé auquel il n'avait personnellement pas pris part, et demandait pardon au nom de l'Allemagne pour la folie antisémite du nazisme. Cegeste permettait la résurrection de l'Allemagne démocratique et de l'Europe.

Aujourd'hui, c'est aux futurs Willy Brandt serbes qu'on refuse l'asile sur la terre dite des droits de l'homme. Un instant, prenons au mot la doctrine officielle de la France (droite et gauche confondues) en matière de sans-papiers. Une politique plus humaine vis-à-vis des candidats à l'exil, nous dit-on, créerait un inexorable appel d'air au Maghreb, en Afrique noire, en Asie. N'est-ce pas justement un appel d'air qu'il faudrait créer au sein de la jeunesse serbe, laquelle mérite notre solidarité ? Est-il si difficile de mettre en place des filières efficaces de désertion, et de le faire savoir en Yougoslavie ? N'est-ce pas tragiquement nécessaire, lorsqu'on connaît le sinistre bizutage auquel procèdent les purificateurs ethniques ? Pour compromettre définitivement toute existence ultérieure, morale et citoyenne, aux nouvelles recrues serbes, on les fait participer de force aux vols, viols collectifs, et exécutions sommaires de civils.

Ainsi va la barbarie, alimentée depuis dix ans par l'inconscience coupable d'un Occident, qui bombarde aujourd'hui des civils serbes et monténégrins, sans même s'être soucié de bloquer les arrivées de pétrole et de matières premières en Serbie. Cela après avoir fermé les yeux sur la terreur et les déplacements massifs de populations en ex-Yougoslavie depuis dix ans (dont les Serbes furent également massivement victimes), après avoir subventionné par nos impôts, quatre années durant, les purificateurs ethniques en Bosnie (avec les détournements de l'aide humanitaire), après avoir légitimé Milosevic à Dayton..., après avoir réussi le tour de force ne de pas réaliser le retour des réfugiés dans aucune ville bosniaque, retour dans leurs foyers pourtant promis par ces mêmes accords de Dayton...

Il s'agit aujourd'hui de gagner définitivement contre Milosevic, son sérail de corrompus, ses milices paramilitaires et ses pseudo-intellectuels théoriciens de la purification ethnique. Pour cela, choisissons une stratégie de réduction du taux de violence au lieu de l'augmenter comme des pompiers pyromanes. Il est vrai que les dix années perdues restreignent drastiquement notre latitude de choix comme lors de la montée des périls face au nazisme des années 30.

Tous les Belgradois connaissent l'énorme piédestal du parc de Kalemegdan, qui supporte une allégorie de la France, coulée dans cinq tonnes de bronze. C'est le monument de la Reconnaissance yougoslave à la France , inauguré en 1930, en mémoire de la guerre 14-18. Sur l'un des deux bas-reliefs du monument, on a représenté en grand la France civilisatrice enseignant la jeunesse serbe pendant la guerre .

N'est-ce pas justement notre vocation d'accueillir, d'éduquer, de former les jeunes Serbes qui n'entendent pas collaborer plus longtemps avec leur régime, et veulent fuir la guerre ? Monsieur Jospin, il y a urgence.

Luc Douillard est enseignant, président de l'association NEUF (Nantes Est Une Fête).

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail