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Partito Radicale Centro Radicale - 5 maggio 1999
Kosovo/attitude de l'occident

LE CRIME AU KOSOVO PAIERA-T-IL?

par Paul Garde

Le monde, Mercredi 5 mai 1999

QUE faut-il faire au Kosovo ? Continuer les frappes, revenir à la diplomatie, lancer une opération terrestre ? Ces options, les seules dont on entend couramment débattre, ne concernent que des moyens. Il est vain d'en parler si on n'a pas d'abord défini la fin poursuivie. Cette discussion-là a rarement lieu. Elle doit être menée en toute clarté. Dans la définition d'un objectif, on ne peut faire abstraction de ce phénomène énorme, massif, inouï qui s'est produit depuis quelques semaines : la mise à exécution du projet d'éradication de toute une population, les Albanais du Kosovo ; l'épuration ethnique radicale d'une région entière, avec massacres, viols, incendies, spoliations, violences de toute espèce, enfin expulsion générale ; le plus grand crime contre l'humanité commis en Europe depuis la seconde guerre mondiale, de même nature mais de plus grande ampleur encore qu'en Bosnie. Dès lors, il n'y a plus qu'une seule question : le crime paiera-t-il ou non ? De deux choses l'une : ou bien la nouvelle situati

on démographique qu'est en train de perpétrer avec succès le pouvoir serbe - un Kosovo "libre d'Albanais" (au sens où les nazis parlaient d'un pays judenfrei) - deviendra définitive, ou bien la situation antérieure sera rétablie, et les Albanais chassés pourront revenir dans leur pays et y vivre en paix dans le respect de leurs droits. Dans le premier cas, quel que soit l'habillage diplomatique et institutionnel, Milosevic aura gagné, et les démocraties, avec tout leur arsenal et toute leur technologie, seront en déconfiture. La leçon de leur impuissance sera retenue par de nombreux futurs dictateurs dans les Balkans et dans le monde. Dans le second cas, le président serbe aura perdu et, là aussi, la leçon sera comprise un peu partout et la cause des droits de l'homme aura fait de grands progrès. Pour que les réfugiés albanais, après toutes les violences subies, puissent rentrer, bien des conditions doivent être remplies. Ne parlons même pas des difficultés financières : un énorme effort de reconstruction se

ra nécessaire. Mais l'essentiel, ce sont les conditions politiques. L'expérience de la Bosnie a montré que jamais des réfugiés n'acceptent de revenir là d'où ils ont été chassés si ceux qui les en ont chassés y détiennent toujours le pouvoir. La présence d'une force internationale ne suffit pas comme garantie de sécurité. En Bosnie, la SFOR suffit à assurer la non-reprise des combats, mais pas à permettre le retour des réfugiés. Le pouvoir administratif et policier laissé aux mains des entités et des cantons suffit partout à dissuader de rentrer ceux qui n'appartiennent pas à l'ethnie localement dominante. Pour que les réfugiés albanais puissent revenir chez eux, il faut donc que soit éliminée du Kosovo toute trace de présence militaire ou de pouvoir policier et administratif serbe. Il faut que disparaisse toute espèce de subordination du Kosovo à la Serbie. Il faut que soient mises en place une autre armée, une autre police, une autre administration, un autre pouvoir politique, que ce pouvoir se donne les m

oyens de s'exercerefficacement, et qu'il n'ait aucun compte à rendre à la Serbie. Ce pouvoir devrait, pendant assez longtemps, être international, et non pas seulement albanais, afin de rassurer aussi, autant qu'il est possible, la population serbe. Le statut ainsi créé s'appellerait-il "indépendance", ou "protectorat", ou encore, pour satisfaire à certains scrupules diplomatiques, "autonomie substantielle" ? Ce n'est pas le nom qui importe, c'est la réalité politique ci-dessus définie. Le projet de Rambouillet se rapprochait timidement de ces principes. Il est tout à fait caractéristique que les Serbes aient rejeté son volet militaire. Ils savent bien qu'il n'y a qu'un seul vrai problème : quelle force armée restera maîtresse du terrain ? Au Kosovo, comme en Bosnie, tout en dépend. Il est compréhensible que, jusqu'ici, les Occidentaux se soient donné comme but l'acceptation par les Serbes des principes de Rambouillet. Mais la cinquième condition posée (retour des réfugiés) impose des exigences bien plus gra

ndes qu'alors. Pour que les réfugiés, dont le nombre et les souffrances ont été infiniment multipliés, puissent revenir, il ne suffira pas de bonnes paroles et de vagues promesses serbes. Il y faudra cette élimination totale de toute espèce de pouvoir serbe, que Rambouillet ne prévoyait pas expressément. Il y faudra une présence internationale plus massive et vigilante qu'on ne l'avait prévu il y a deux mois. Présenter les exigences de Rambouillet telles quelles, sans préciser les conditions réelles du retour des réfugiés, c'est donc déjà faire une concession énorme et immorale à la partie serbe ; c'est prendre le risque de voir, comme en Bosnie, le nettoyage ethnique finalement triomphant, et la fameuse "autonomie substantielle" accordée à un Kosovo sans Albanais. Mais les tractations en cours, notamment par médiation russe, semblent s'engager dans une voie plus absurde et plus dangereuse encore : des exigences moins rigoureuses qu'à Rambouillet, avec, au Kosovo, une présence internationale moins contraigna

nte : l'ONU au lieu de l'OTAN, une résolution liant les mains aux Occidentaux, un retrait serbe progressif et incomplet... Tout se passe comme si le principal souci des négociateurs était : "Comment récompenserons-nous Milosevic pour tous les crimes que ses troupes ont commis depuis cinq semaines ?" On ne le répétera jamais assez : tout retour à Rambouillet sans modification des conditions posées alors, sans tenir compte de la nouvelle et horrible réalité créée depuis au Kosovo et, à plus forte raison, toute solution en retrait sur Rambouillet, et récompensant Milosevic pour ces mêmes horreurs, serait l'acceptation du crime contre l'humanité. Ce serait un colossal aveu d'échec pour les pays occidentaux, une menace pour l'avenir de la paix et de la démocratie dans le monde. Il ne peut y avoir d'autre objectif raisonnable pour les gouvernements occidentaux qu'un Rambouillet remis à jour, durci dans le sens indiqué plus haut et impliquant la réparation du crime commis (sans parler du châtiment des coupables, qu

i est du ressort d'une autre instance). Si l'on a admis que la fin doit être celle-là, alors et alors seulement on peut discuter des moyens. Dans l'immédiat, la méthode ne peut être la négociation telle qu'elle est engagée, puisque les tractations en cours ont cinq semaines de retard sur les faits. Il faudra une capitulation serbe. Même si les frappes doivent un jour aboutir à un résultat, ce ne peut être qu'accompagnées de la menace crédible et de la préparation évidente et avancée d'une action terrestre. Toute déclaration publique d'un responsable occidental qui écarte cetteéventualité ou qui la rend moins probable affaiblit l'efficacité des frappes, oblige à les poursuivre plus longtemps sans résultat, prolonge le martyre du Kosovo, cause de nouveaux deuils en Serbie même, de nouveaux risques pour les militaires exécutants, de nouveaux motifs de lassitude dans les opinions, de nouveaux risques d'échec final. Or, dans cette affaire, l'échec serait un crime. Si les frappes aériennes, faute de déterminatio

n et de volonté d'employer réellement les moyens adéquats aux fins poursuivies, échouent à permettre la réparation du crime majeur commis par le pouvoir serbe au Kosovo, elles seront jugées elles-mêmes, rétrospectivement, comme un crime. Encore un mot sur le projet de partage du Kosovo : c'est par là que certains esprits bien intentionnés pensent échapper au "ou bien, ou bien". Ils croient peut-être qu'il est moins criminel d'expulser 900.000 personnes que 1 800 000. Qu'ils relisent dans la Bible l'histoire du jugement de Salomon. Les voix qui proposent le partage sont toutes serbes. Elles ne sont jamais albanaises. Celle qui veut couper le bébé en deux n'est jamais la vraie mère.

Paul Garde est professeur émérite à l'université de Provence.

 
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