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Partito Radicale Centro Radicale - 18 maggio 1999
Kosovo/France

LA RESURGENCE DU PETAINISME

Pour Pétain, la patrie est la terre qu'on ne saurait quitter sans trahir. Que disent Pasqua et les autres quand ils affirment que la Serbie ne peut vivre sans la terre kosovare?

Par BERNARD LEMAIRE

Bernard Lemaire est professeur d'histoire.

Libération, mardi 18 mai 1999

La nausée vous prend à la lecture de certains points de vue exprimés dans la presse, y compris dans Libération qui a le courage de présenter une palette aussi large que possible des opinions sur la guerre du Kosovo. On a eu droit à de nombreuses mises en parallèle avec la période des années 1930-1940, mais il en est une qui a échappé à la sagacité des analystes: la résurgence du pétainisme. Le vieux conservatisme, capitulard et frileux, semble revenu en force. Des gaullistes et des hommes de gauche ont même, avec d'autres, glissé sur cette fange.

Rappelons que le pétainisme - souverainisme avant la lettre - est d'abord un nationalisme du sol. C'est l'affirmation du primat de la glèbe et des morts pour creuset de la nation. De là devait surgir l'affrontement historique de juin 40, entre un Pétain pour qui la patrie est la terre qu'on ne saurait quitter sans trahir, et un de Gaulle qui voit en elle, d'abord, la défense des valeurs pour lesquels on doit lutter. Les cimetières d'un côté, la dignité de l'autre!

Or, les Pasqua et autres affirment, à la suite des nationalistes serbes, que le Kosovo est le creuset de la Serbie et que la Serbie n'est ce qu'elle est que par la terre kosovare. Un Pasqua est tellement persuadé du bon droit de Milosevic qu'il interpelle le lecteur de l'Express avec un argument qu'il croit décisif: Imaginez qu'on nous prenne l'Alsace-Lorraine, que dirait-on? Vraiment! Qui a soutenu que l'Alsace et la Lorraine, françaises depuis les XVIIe-XVIIIe siècles, étaient le berceau de la France? Toutefois, pour abonder dans le sens de cette sotte comparaison, au cas improbable où les Alsaciens-Lorrains voudraient leur indépendance en patriotes démocrates, nous n'aurions rien à dire: Non, nous ne chasserions pas les Alsaciens de la terre d'Alsace.

Le pétainisme, c'est aussi l'affirmation de l'identité de la nation et de la religion: Catholiques et Français, toujours! crie-t-on dans la mouvance de Maurras. Les athées, les juifs, les Francs-maçons, tous des métèques!... En faisant du Kosovo le creuset de la nation serbe, les souverainistes adoptent l'idée que le peuple serbe est une création du christianisme orthodoxe. La ville de Pec, aujourd'hui au Kosovo, fut, du XIIIe au XVIIe siècle, le siège du patriarcat qu'on prétend àl'origine de la nation serbe. Serbe et orthodoxe, toujours!: c'est le pétainisme d'aujourd'hui! Ce nationalisme orthodoxe serbe est consubstantiel à l'idée d'une Grande Serbie, celle qui se réfère au tsar Dusan, du XIVe siècle, qui s'étendait du Danube à la Grèce jusqu'au golfe de Corinthe.

Le pétainisme s'inscrit également dans les traditions de l'extrême droite de l'histoire-complot: il existerait, d'une part, la nation héritière de Clovis, de Jeanne d'Arc et de Napoléon, et, dressé contre cette figure sainte, un conglomérat de forces occultes. Il s'agissait naguère de lutter contre la direction judéo-maçonnique du monde, d'axe anglo-américain. Aujourd'hui, le combat des souverainistes se dresse contre ce que Max Gallo appelle la grande coalition... d'obédience anglo-américaine! La forme moderne du complot, l'allégorie du Mal en cette fin du XXe siècle, c'est l'Hégémonie venue d'outre-Atlantique qui entend imposer au monde le modèle occidental. Cette alliance militaire... a trouvé une mission stratégique qui le légitime: élargir et renforcer la communauté des nations démocratiques... Cette citation n'est pas extraite du journal d'extrême droite Je suis partout du temps des années noires, mais c'est la conclusion d'un éditorial d'Ignacio Ramonet, Le gâchis (le Monde diplomatique du mois de mai

).

Le pétainisme c'est aussi le défaitisme: l'affirmation en pleine guerre de l'échec, de la défaite acceptée devant le fascisme! On lit souvent aujourd'hui que les bombardements anglo-américains ne mènent nulle part, sont incapables d'affaiblir la force militaire rouge-brun, ne sont que des assassinats de civils, etc.

Enfin, le pétainisme suscite l'émergence de témoins destinés à lui fournir des arguments. Témoin insoupçonnable, intellectuel ou artiste, qui annonce la vérité sur le régime que les calomniateurs accusent d'être une dictature. Et le témoin se fait voyageur. Il a été membre de la Croix-Rouge suisse pendant la Seconde Guerre mondiale et a visité les camps de concentration: il peut vous assurer que ce sont des centres de villégiature. Et, comme Régis Debray, il a vu les boulangeries albanaises de Pristina gardées par des soldats serbes et il a assisté au retour chez eux de réfugiés kosovars. C'est l'Otan qui est agresseur, dit le voyageur d'aujourd'hui, insistant sur l'hypothèse qu'on aurait pu continuer à négocier à Rambouillet avec le bon prince. Dictateur, Milosevic? Le voyageur-témoin vous rassure: non, simplement autocrate, fraudeur, manipulateur, populiste....

Défaitisme et indulgence à l'égard du nationalisme conquérant, pas un mot sur les souffrances des déportés qu'on ne veut pas voir: pétainisme pas mort, rampant, prêt à assumer les plus lâches compromis, quand, pour la première fois de notre histoire européenne, le droit d'ingérence humanitaire l'emporte sur la force fasciste.

 
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