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Partito Radicale Centro Radicale - 2 giugno 1999
Kosovo/Serbie/article d'Adam Michnik

LA SEULE CHANCE DE LA SERBIE

Que la Serbie perde cette guerre le plus vite possible: c'est par là que passe la voie d'une Serbie démocratique dans une Europe démocratique.

Par Adam Michnik*

* Adam Michnik est directeur du quotidien Gazeta Wyborcza dans lequel ce texte est paru le 12 mai. Traduit du polonais par Gabriel Meretik.

Libération, le 2 juin 1999

Ce siècle de folies absolues, le siècle d'Auschwitz et du goulag, s'achève comme il a commencé par la guerre dans les Balkans. Menée, cette fois, au nom des droits de l'homme. Il faut comprendre les Serbes, il faut comprendre les raisons de leur détermination et les méandres compliqués de leur histoire, faite d'héroïsme, de courage, de conviction que l'on a été opprimé, jamais oppresseur. A quoi il faut encore ajouter le sentiment, caractéristique pour les peuples d'Europe centrale et orientale, de sa propre innocence.

Les Serbes ont la conscience pénétrante du tragique de leur propre histoire. Un Serbe anticommuniste se souvient que, pendant la guerre contre le nazisme, la résistance serbe était la première en Europe occupée et qu'elle était soutenue par les alliés occidentaux. A la suite de quoi, les communistes yougoslaves remportèrent une victoire sans précédent avec le soutien de l'Occident, à la place des Tchetniks de Daja Mihailovic, abandonnés par les gouvernements des démocraties occidentales. Un Serbe communiste se souviendra, lui, que le chef yougoslave Josip Broz Tito fut le seul à oser tenir tête à Staline. Assurant de ce fait à la Yougoslavie une souveraineté nationale, le respect dans le monde et un libéralisme relatif en politique intérieure.

Les Serbes estimaient qu'en tant que peuple le plus nombreux et le plus important, ils constituaient le squelette de la Yougoslavie et que les autres peuples n'avaient d'autre choix que de l'accepter. Ils ne voulaient pas entendre parler d'autonomie albanaise au Kosovo, terre qu'ils considéraient comme le berceau de leur Etat. Ils rejetaient toute idée de négociations véritables avec les Albanais kosovars.

Aujourd'hui, la Serbie est isolée dans le monde, dépeinte comme le pays des épurations ethniques et bombardée par les avions du Pacte atlantique. Personne n'est objectif quand on doit se protéger des bombes. Dès lors, on peut comprendre l'amertume serbe et la fierté serbe qui rejette toute idée de capitulation. Et pourtant, bientôt viendra le temps où les Serbes s'interrogeront: comment en est-on arrivé au point qu'en l'espace de dix ans la Serbie a pratiquement tout perdu. La Yougoslavie a éclaté, il n'y a quasiment plus de Serbes en Croatie, la guerre pour la Bosnie a été perdue, la Macédoineest indépendante et les perspectives de conserver le Kosovo, soumis aux cruelles épurations ethniques, sont infimes. Et jusqu'au Monténégro qui se demande comment quitter le navire d'une Yougoslavie-moignon en train de couler.

Tout cela est le résultat de la politique de Slobodan Milosevic, d'un dirigeant serbe qui, de communiste yougoslave, s'est transformé en chauvin grand-serbe, a entraîné son pays dans une série de guerre perdues, l'a couvert d'opprobre dans le monde et l'a conduit à la ruine. Milosevic ne voulait pas d'une transformation pacifique de la Yougoslavie en une grande confédération multinationale. Il voulait une Grande Serbie et il voulait asseoir son pouvoir sur cette Grande Serbie. Aujourd'hui, le peuple serbe paye la facture pour les rêves impériaux de son chef.

Le chauvinisme n'est pas une invention serbe et il prend, dans de nombreux pays d'Europe, une forme non moins abominable. Mais le malheur des Serbes, c'est que l'idéologie chauvine règne sans partage dans leur pays. Il faut s'en souvenir quand, en Europe, des voix s'élèvent pour critiquer l'action militaire de l'Otan au Kosovo. C'est vrai, l'Otan a mal calculé ses forces et a sous-estimé la détermination de Milosevic. Il est également vrai qu'il vaut mieux négocier que bombarder. A condition, toutefois, que l'on soit en présence d'une véritable volonté de dialoguer et non de cette parodie de discussion dont Milosevic s'est fait une spécialité. Après les négociations de Rambouillet, l'Occident n'avait qu'un choix: obtenir par la force des concessions ou céder devant la force du chauvinisme de Milosevic.

Il n'y a pas de guerre humanitaire ou hygiénique, encore que cette guerre est sans doute moins cruelle que les autres. La mort d'êtres humains entraîne toujours la douleur et les lamentations des victimes sonnent de la même façon dans toutes les langues. Mais tolérer des épurations ethniques en Europe eût été une ignominie et il est bien que, face à l'impuissance de la force des arguments, l'on ait eu recours à l'argument de la force.

Milosevic doit perdre cette guerre, car sa victoire équivaudrait à autoriser la folie du chauvinisme à déferler sur tout notre continent.

Car les Balkans ne sont pas une exception. L'idée de l'épuration ethnique ou religieuse, idéologique ou de classe a déjà eu dans notre siècle ses sinistres conséquences et continue d'avoir ses continuations. Tout comme le principe qui veut que l'on construise sa propre identité en suscitant la haine des autres: de ceux qui appartiennent à une autre ethnie, à une autre religion, à une autre classe. C'est au nom de cette logique que l'on discrimine et que l'on tue aujourd'hui des Israéliens et des Palestiniens, des habitants de la Corse et du Pays basque. Cette tendance porte en soi la tentation d'une domination ethnique jumelée à un besoin de pureté ethnique. Comment cela est-il encore possible à l'ère de l'Internet, des frontières ouvertes et des vols cosmiques? C'est précisément la peur de la Grande Globalisation quiconduit des volontaires à s'enrôler dans de nouvelles croisades idéologiques.

Le XXe siècle qui s'achève, ce siècle de folies absolues, le siècle d'Auschwitz et du goulag, a commencé par la guerre dans les Balkans et se termine par la guerre dans les Balkans. Mais, autant cette première a été engagée au nom des ambitions impériales des Etats européens, autant cette dernière est menée au nom des droits de l'homme. Le droit d'ingérence pour la défense des droits de l'homme, voilà ce que laisse en héritage la démocratie européenne au siècle qui vient. Dans cette guerre, il ne s'agit pas de déplacer des frontières. Elle ne peut déboucher ni sur une Grande Serbie ni sur une Grande Albanie. Elle ne peut pas non plus déboucher sur la prise de pouvoir au Kosovo par les hommes en armes de l'UCK. Dans le Kosovo de demain, les Albanais ne peuvent pas être discriminés, mais ils ne peuvent pas non plus discriminer les Serbes. Il faudra mettre au point un plan international de reconstruction des Balkans après la défaite du régime de Milosevic.

Cette guerre est un avertissement pour les autres, y compris la Turquie. C'est un signal clair: discutez avec les Kurdes aujourd'hui, cherchez des compromis, n'espérez pas pouvoir résoudre le problème des Kurdes par la seule répression policière. Si vous vous engagez dans cette voie sans issue le régime turc risque de partager le sort du régime de Milosevic.

L'opinion des pays démocratiques est partagée, mais il faut noter que l'intervention de l'Otan est soutenue par des hommes politiques traditionnellement hostiles à la violence (les sociaux-démocrates, les Verts, les défenseurs des droits de l'homme) qui disent aujourd'hui: Dans cette guerre, il ne faut pas que soit porté un coup de plus que le strict nécessaire. Cette guerre a pour but de fonder la paix sur les principes des droits de l'homme. Il ne s'agit pas d'une guerre contre la Serbie, il s'agit d'une guerre contre le régime de Milosevic qui, chaque jour, ruine de plus en plus la Serbie.

L'Histoire n'a pas fait de cadeaux aux Serbes. L'histoire de Serbie est pleine d'amour désespéré de la patrie et de haine impuissante envers l'oppression étrangère. Une réalité maléfique et vengeresse, marquée du fer de l'héroïsme et de la défaite, a engendré une culture politique d'êtres bons et aimables mais énigmatiques et ombrageusement distants, lucides et empoisonnés par la tristesse. Les années de confrontation avec l'Empire ottoman, puis récemment les années de pouvoir de Josip Broz Tito ont généré en Serbie un type d'homme politique qui alliait la ruse à un talent de manipulateur des émotions humaines. Ce type d'homme politique raisonne de façon primitive, il croit aux décisions catégoriques, en la loi du plus fort et a foi dans l'entêtement absolu. L'habitude de donner des ordres et de décider de tout, l'orgueil glacial et les manières despotiques qui règnent toujours à Belgrade, ne sont plus depuis des années qu'un anachronisme. On dirait, pour paraphraser un écrivain serbe, un costume lourd et dé

modé que ces gens sont obligés de porter plus comme lesymbole d'un difficile héritage que comme le témoignage d'une force réelle.

La seule chance de la Serbie, aujourd'hui, c'est de perdre cette guerre le plus vite possible. C'est par là que passe la voie d'une Serbie démocratique dans une Europe démocratique.

 
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