UN ECHANGE DE BONS PROCEDES ITALO-BELGE
Un Belge membre du Parti radical élu à Milan juste derrière Emma Bonino et Marco Pannella
par Alain HEYRENDT
La Libre Belgique, le 18 juin 1999
Dimanche dernier, une jeune femme d'origine italienne a été élue à la troisième place sur les liste Ecolo au Parlement européen.
Simultanément, au collège électoral de Milan, le Belge Olivier Dupuis, secrétaire du Parti radical transnational, recueillait 4.500 voix de préférence, se classant troisième et dernier élu de la liste, derrière la commissaire européenne Emma Bonino et l'ancêtre du Partito radicale Marco Pannella. Déjà élu au Parlement européen en 1994, Olivier Dupuis, âgé de 41 ans, avait défrayé la chronique il y a quatorze ans en refusant de se soumettre à ses obligations militaires. Le 9 octobre 1985, alors qu'il venait de rentrer d'un 'exil' de six mois à l'étranger, il se fit arrêter devant l'immeuble des Communautés européennes à Bruxelles, sous le regard des caméras de télévision. Candidat à la députation sur les listes Ecolo aux élections législatives du 13 octobre 1985; à l'heure du scrutin, il croupissait depuis quatre jours dans un cachot. Son procès en novembre 1985 devant le Conseil de guerre de Bruxelles fut l'occasion d'un beau débat où s'illustrèrent quelques "grands" témoins comme René Dumont, lui-même deux
fois candidat à la présidence de la République française, le père dominicain Jean Cardonnel, Marco Pannella bien évidemment et le professeur Vercauteren, directeur de thèse du déserteur à l'UCL. Devant des juges militaires encore très à cheval sur la lettre du code, tout ce beau monde gaspilla sa salive. M. Dupuis fut condamné à deux ans de prison militaire, tarif unique à l'époque pour toute forme de désertion ou d'insoumission.
DIX MOIS EN PRISON
Le condamné passera dix mois derrière les barreaux, avant de voir sa peine ramenée à deux ans de prison avec sursis probatoire pour la moitié par la Cour militaire, le 27 mai 1986. La juridiction d'appel lui imposa comme condition de probation un travail de deux ans à temps plein au service d'un organisme d'entraide et de lutte contre la faim. La Cour suggéra même un nom : 'Food and Disarmement'. D'abord hostile à toute espèce de service civil de remplacement, Olivier Dupuis avait infléchi sa position lors de l'ultime audience, regrettant cependant son exclusion automatique de l'armée du fait de sa condamnation. Ce paradoxe s'explique par l'attitude du nouvel élu milanais lequel, au milieu des années 80, revendiquait la qualité non pas d'insoumis, ni d'objecteur de conscience, mais d"affirmateur de conscience'. Pour ce garçon alors âgé de 27 ans, qui avait fait citer à la barre des témoins de la cour militaire le mathématicien soviétique dissident Leonid Plioutch - écarté d'ailleurs par les juges - le pacifi
sme était inacceptable. Selon lui et ses amis,radicaux, il fallait non seulement faire la guerre à la faim et à l'exploitation du tiers-monde, mais aussipratiquer une politique d'"agression non violente' envers l'impérialisme de Moscou. En ces années-là, on assistait aux premières affirmations d'un droit d'ingérence qui allait faire fortune.