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Partito Radicale Centro Radicale - 21 giugno 1999
DES PRISONNIERS OTAGES DE BELGRADE

La Kfor découvre, impuissante, le transfert de nombreux Albanais en Serbie.

Par FLORENCE AUBENAS

Libération, le 21 juin 1999

Personne n'a vraiment compris ce qui s'est passé dans la tête du gardien de la prison de Prizren. Avant de s'enfuir vers la Serbie avec les forces yougoslaves sur le retrait, il s'est rendu en secret à l'état-major de la Kfor, qui venait à peine d'arriver en ville. A la prison! Vite!, leur dit ce torbas (Slave islamisé à l'époque ottomane), qui s'était masqué le visage pour la circonstance. Lorsque les soldats allemands arrivent, le 13 juin vers midi, devant l'établissement, les portes sont ouvertes, les cellules vides. Il n'y a qu'un camion garé un peu plus loin, plein de miliciens sur le départ, qui empilent des couvertures. Qu'est-ce qu'il y a là-dedans?, demande le gradé allemand. Alors, de dessous les bâches, comme d'un autre monde, apparaît un visage livide au crâne rasé. Je me suis dit: "Si quelqu'un d'entre nous parle une autre langue que le serbe, nous sommes sauvés", se souvent Haki Kinaj, emprisonné depuis cinq mois. Un voisin se souvient avoir vu Haki: Il a fallu parlementer avec les douze autres

qui refusaient de descendre du camion. Ils étaient persuadés qu'ils allaient être fusillés. Quand ils ont fini par sortir, c'est mon fils qui s'est enfui. Ils étaient vraiment à faire peur. Le camion partait en fait vers la Serbie. Selon de nombreux témoignages, des convois transféraient régulièrement depuis le 30 avril des détenus kosovars de Prizren vers Prokuplje, juste de l'autre côté de la frontière serbe. Evalués à 300 au total pour Prizren, beaucoup parmi ceux-ci étaient des détenus politiques arrêtés avant les premiers bombardement de l'Otan. Ce camion-là était le dernier. Prisons vides. Partout au Kosovo, les forces de la Kfor ont ainsi trouvé les barreaux, mais personne derrière. Archives brûlées, gardiens en fuite, les traces s'effacent après Prokuplje. Amza Lubiceva, frère d'un détenu disparu, est à bout. Chaque jour, je vais à la Kfor, à la Croix-Rouge et à l'UCK (Armée de libération du Kosovo). Partout on me répond: "On verra plus tard." Une organisation internationale, visiblement plus à cran

que les autres, parle franchement: On est déjà débordés par les massacres. Le plus tard résonne déjà comme un trop tard. Grand oublié des accords de paix, le sort des prisonniers kosovars dans tout le pays, n'apparaît dans aucun des paragraphes signés en juin dernier. Aujourd'hui, nous ne voyons absolument pas comment nous pourrons avoir accès aux nouveaux lieux de détention, ni même à leurs dossiers, explique un responsable de la Kfor. On s'est mis dans une telle impasse que nous envisageons le pire: et si ces prisonniers étaient désormais les otages d'un régime en déroute? Torture psychologique. Chez un ami, car sa maison lui fait peur, Haki Kinaj, le rescapé, raconte que 60 policiers sont venus pour son arrestation, au début du mois de mars. A Prizren, il était un des responsables d'un de ces réseaux parallèles, plus ou moins clandestins, mis en placepar les Albanais pour contourner l'administration contrôlée par les Serbes. Qualifié de terroriste, il subit trois interrogatoires, trois bastonnades. On lu

i pose des questions, on lui jette des noms à la figure, tout en faisant mine de lui couper les doigts. Où alors, on contraint un prisonnier à en battre un autre pour se faire parler mutuellement. Mais généralement, pour les citadins comme moi, impliqués dans l'opposition pacifique, les Serbes utilisaient surtout les tortures psychologiques et n'y allaient pas si fort, dit Kinaj. Ceux qui sortaient en sang, c'était les villageois suspectés d'aider l'UCK, même avec un bout de pain. Les trop mal en point sont transférés au sous-sol de la prison. Là, ne viennent ni la Croix-Rouge internationale, ni l'OSCE. En dehors du sous-sol, la prison étaient organisée comme une sorte de vitrine des droits de l'homme, à la façon serbe, bien sûr, explique un autre avocat albanais. Les prisonniers recevaient juste assez de pain pour ne pas trop faire pitié. Et ça passait. Le même jeu du chat et de la souris se reproduit avec les visites aux familles, également obligatoires. Seules les femmes y ont droit. Melisha Berisha se so

uvient d'Enver, son neveu, debout, les mains liées dans le dos. Il est entouré de gardiens. Elle a le droit de le voir, une minute. Comme nous étions obligés de ne parler qu'en Serbe nous ne nous disions rien. Arrêté en septembre 1998, comme membre d'une association médicale albanaise, Enver Berisha a disparu il y a plus de six mois. Transféré, volatilisé. Politique de transfert. Elles sont nombreuses, les mères, les épouses, les soeurs qui se sont retrouvées ainsi, devant un nom barré sur une liste. Si le gardien avait un peu pitié, il glissait la ville où ils étaient, tout doucement à l'oreille. Sinon, il fallait prier, dit la mère de Saïd Krasnici, deux ans de prison pour avoir enseigné en Albanais dans les classes maternelles. Il est aujourd'hui emprisonné à Snilje (Serbie). La politique de transfert ne date en effet pas d'hier. On déportait généralement les très importants ou les très abîmés et rarement à grande échelle, reprend Haki Kinaj. Plusieurs témoignages relèvent en effet que les gardiens s'appl

iquent à ne pas trop dégarnir les cellules afin, là encore, de ne pas attirer l'attention de l'opinion internationale. Rafles. Lorsque, fin mars, l'Otan lâche ses premières bombes, la situation se retourne. Fini les politesses à la Croix-Rouge. Désormais, les prisons se font huis clos absolu. De moins en moins ciblées, les arrestations ressemblent à des rafles. Les hommes sont embarqués dans des files d'attente pour le pain, pour l'huile ou les cigarettes. En pleine nuit, des quartiers entiers sont encerclés. De Belgrade, directement, des mandats de dépôt arrivent désormais par liasses, rédigés à la chaîne. En général ils portent tous la mention: Meurtre d'un policier. Dans la prison bondée de Prizren, pendant des jours, les détenus n'ont plus le droit de sortir, même pour aller aux toilettes. Milosevic voulait prouver à son opinion publique l'efficacité de sa police, qui arrête beaucoup de terroristes, dit un ancien responsable de l'OSCE. Les médias serbes sont d'ailleurs invités à le constater eux-mêmes da

ns les cellules. L'inculpation du président yougoslave, puis la signature des accords de paix en juin, vont accélérer le mouvement des départs, mais cette fois pour un but inverse. Haki Kinaj dit juste: On n'était plusmontrables. Et un avocat complète: Mais peut-être aussi plus négociables.

 
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