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Partito Radicale Centro Radicale - 8 luglio 1999
Kosovo/Tribunal Pénal International

LE TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL VICTIME DE SON SUCCES

par Alain Franco

Le Monde, le 8 juillet 1999

Le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a prouvé sa force en inculpant Slobodan Milosevic de crimes contre l'humanité, mais il risque la saturation. Créé en 1993 par l'ONU, il est menacé par un mal insidieux : l'engorgement. Le juge Claude Jorda a récemment exprimé à voix haute ce que nombre de fonctionnaires du Tribunal murmurent : Du fait de la longueur des procédures et du niveau moyen ou subalterne des personnes arrêtées, le Tribunal est menacé de paralysie , a-t-il déclaré au quotidien Libération. Offrant un front homogène pour le grand public, le TPIY n'est pas exempt de discussions internes. Celles-ci portent sur deux éléments : la stratégie judiciaire du procureur et la meilleure façon d'organiser les procès. Le procureur est la locomotive de l'institution. C'est lui qui alimente en dossiers les trois chambres de première instance et l'unique chambre d'appel. Le premier procureur du TPIY, Richard Goldstone, ne doutait pas de l'obligation de poursuivre les responsables de la purification ethnique. M

ais ce juriste sud-africain était partisan d'une stratégie lente pour remonter la chaîne des responsabilités. Cette conception a donné lieu au premier débat de fond au sein de l'institution. Elle résultait de la culture juridique du procureur, anglo-saxonne, requérant un début de preuve pour lancer un acte d'accusation. Cette stratégie a rapidement été critiquée. Les frondeurs étaient issus d'une culture de droit romain, selon laquelle une inculpation peut être prononcée pour peu que cela soit justifié par des indices graves et concordants . Les partisans de cette dernière approche étaient convaincus de la nécessité de dénoncer rapidement les planificateurs de la purification ethnique. Au bout de trois semaines de discussions serrées, en avril 1995, le juge Goldstone s'est rangé aux arguments de l'autre camp. Résultat : dès le mois de juillet, le procureur publiait sa première inculpation de génocide - contre Radovan Karadzic et Ratko Mladic - pour le siège de Sarajevo. Cinq mois plus tard, suivait leur inc

ulpation pour le génocide qui a suivi la prise de Srebrenica , un dossier monté avec célérité puisque le massacre de plusieurs milliers de Musulmans s'était déroulé à la mi-juillet.

Succédant à Richard Goldstone, Louise Arbour s'est rapidement rendu compte de la nécessité de bouleverser une stratégie, qui, selon elle, ne correspondait plus aux nécessités du moment . La juriste canadienne a donc amorcé une deuxième révolution en lançant des actes d'accusation secrets, afin de faciliter les arrestations. Ensuite, le procureur a concentré les efforts de ses troupes - 350 personnes sur un total de 625 salariés au TPIY - sur la hiérarchie militaire et les responsables politiques, ainsi que sur tous ceux qui ont été personnellement responsables d'actes exceptionnellement brutaux . Parallèlement, elle a retiré quatorze actes d'accusation, contre des exécutants, afin de tenir compte des ressources du Tribunal . Bref, afin de désengorger la juridiction. C'est également dans ce sens queMme Arbour a tenté de regrouper les procès. Mais, le procureur ne maîtrisant pas la politique d'arrestations des suspects, du ressort de la SFOR et des Etats membres de l'ONU, ce souhait est resté en grande part

ie lettre morte. De leur côté, les quatorze juges du TPIY ne sont pas restés les bras ballants. Ainsi, le règlement de procédure et de preuve , sorte de bible de l'institution, a-t-il été modifié quatorze fois ! Pendant les premières années de fonctionnement du TPIY, les magistrats se partageaient en deux camps : ceux issus du droit anglo-saxon et ceux de culture latine. Cette distinction n'existe plus. En siégeant, les juges sont confrontés aux réalités judiciaires. Ils constatent la lourdeur de la machinerie judiciaire, et se rallient de plus en plus à l'idée qu'il faut accélérer les procédures , analyse un observateur privilégié.

MACHINERIE LOURDE

Lourde machinerie. A ce jour, le Tribunal n'a rendu que huit verdicts, dont un acquittement. Le procès Blaskic n'est toujours pas terminé, la cour d'appel ne s'est pas encore prononcée sur le cas du premier condamné, Dusko Tadic, jugé à la fin 1996. Or la prison abrite vingt-huit détenus. Si l'on compte l'acte d'accusation contre M. Milosevic et quatre de ses proches, soixante-neuf individus sont publiquement inculpés, auxquels s'ajoutent les accusations secrètes. Dans les couloirs du TPIY, on lâche cette boutade : Le meilleur moyen de nous étouffer, c'est de nous envoyer un gros groupe d'accusés en même temps.

L'enjeu pour les juges est donc de trouver les moyens d'accélérer les procès sans pour autant mettre en danger les droits des parties. C'est dans cet esprit qu'ils ont créé la fonction de juge de mise en état , qui s'occupe de toutes les procédures préalables à l'ouverture des procès. Pendant les audiences, les magistrats interviennent d'avantage, engageant les parties à plus de rapidité. Dans certains cas, ils initient ou acceptent une demande de verser à un dossier des dépositions de témoins déjà entendues dans un procès précédent. Mais, en l'absence d'une riche jurisprudence, cela est loin d'être une règle.

Tout le monde est conscient que les terribles exactions commises au Kosovo vont faire exploser la charge de travail du Tribunal. Pour éviter la paralysie, le bureau du procureur va donc se focaliser encore plus sur les responsables de la purification ethnique, laissant aux justices nationales le soin de statuer sur le sort des exécutants. Le TPIY doit faire preuve d'inventivité, et doit le faire rapidement. Hélas ! son président, Gabrielle Mc Donald, et son procureur, Mme Arbour, sont tous les deux démissionnaires. Sur le départ, ni l'une ni l'autre ne peuvent aujourd'hui prendre les initiatives qui s'imposent. Elles devraient être remplacées très vite par deux juristes aux qualités incontestables et à la volonté ferme de faire avancer l'institution, prenant leurs fonctions avec des idées claires sur les réformes à mettre en oeuvre. Telles sont les conditions pour que le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie ne devienne pas victime de son succès.

 
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