Le Soir, jeudi, 22 juillet 1999, page 6
Bonino et Le Pen mangent au même ratelier
Par André Riche
Pendant cinq ans, "la Bonino", comme disent les Italiens, incarnait l'enthousiasme, la générosité, l'ouverture sur le monde.
Son franc-parler en avait fait la coqueluche de la Commission Santer, du moins à ses débuts, jusqu'à ce que les affaires de fraudes ne viennent frapper son secteur, l'aide humanitaire, et mettre en doute la rigueur et la déontologie de la commissaire.
Puis il y eut ses réactions tapageuses après que le gouvernement italien et Romano Prodi ont choisi de reconduire l'autre commissaire italien, Mario Monti, plutôt qu'elle-même. Ce tapage - et une pleine page d'autopublicité revancharde dans certains journaux - a un peu plus écorné son image.
Et voici que, reléguée au rang de simple députée européenne, elle en rajoute une couche en s'alliant à l'extrême droite. A la stupéfaction générale, Emma Bonino, Marco Pannella et les cinq autres radicaux italiens, ont annoncé la constitution d'un groupe technique avec les deux élus du Vlaams Blok, les cinq élus du Front national de Le Pen, un fasciste italien du MSI, les quatre élus de là: Lega Nord et un élu basque proche de l'ETA. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un' groupe politique.
C'est une alliance alimentaire, qui permet au groupe de bénéficier d'avantages matériels auxquels chacune de ses composantes n'aurait pas eu droit sans cela: budget, staff, accès à la conférence des présidents où s'organise le travail parlementaire.
Il paraît que ce type d'arrangement fait partie de la culture parlementaire italienne. Il montre surtout que les radicaux ont perdu le sens de l'honneur; que, pour eux, l'argent n'a pas d'odeur; et que Bonino a un urgent besoin de secours humanitaire... Même Alleanza nazionale de Gianfranco Fini a refusé cette promiscuité douteuse, estimant n'avoir rien à partager avec Le Pen ou avec le Blok.