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Partito Radicale Centro Radicale - 20 settembre 1999
Les amis d'Arkan: Humo rencontre Giovanni Di Stefano

Humo, 28 août 1999

Quelques mots sur la petite Yougoslavie : depuis que l'ancien communiste Slobodan Milosevic a pris le pouvoir, les régions du cour de l'ex-Yougoslavie de Tito - Serbie, Monténégro et Kosovo - sont devenues le premier Etat véritablement maffieux d'Europe sous la domination de la Serbie. Autour de la famille Milosevic (papa Slobodan, président, et maman Mirka Markovic, professeur de sociologie et présidente du parti, leur fiston Marko, hooligan, et leur fille Marija, femme d'affaires), gravite à Belgrade une pléiade de politiciens d'extrême droite, aussi racistes que nationalistes, entourée d'ardents défenseurs de la purification ethnique, d'assassins, de gangsters, de contrebandiers, de policiers et d'agents secrets, parmi lesquels Zeljko RArkan- Raznjatovic, ancien braqueur de banques recherché pour meurtre en Allemagne et en Croatie et grand patron de la milice privée serbe, les Tigres, et Vojislav Seselj, chef du parti radical serbe et leader charismatique de l'autre bande de brutes serbes, les Aigles blan

cs. Ce cercle d'amis et de parents a réussi une première européenne en Yougoslavie: une fusion totale entre le milieu et la société, un savant mélange entre la politique, le pouvoir, le crime et l'économie.

RQue penser des charniers du Kosovo ? Rien. Ce sont des choses qui arrivent.-

A la tête de leurs Tigres et de leurs Aigles violents, souvent recrutés dans le milieu et dans les prisons - des voleurs, des maquereaux, des street fighters, des hooligans -, ils ont écumé la Bosnie, la Croatie et le Kosovo pour procéder à l'épuration ethnique de ces territoires. Ils y sont devenus des héros nationaux et des politiciens populaires. Ils y ont en plus amassé un joli magot en pillant les propriétés des non-Serbes écartés par l'épuration. Dans les rues de Belgrade, ils contrôlent la pègre et le marché noir. La prostitution, le jeu, le racket, le kidnapping, le trafic de drogue et la contrebande, la plus lucrative de leurs activités, leur remplissent les poches. Depuis que les Nations unies ont décrété l'embargo économique contre la Yougoslavie, les sbires de Milosevic s'enrichissent allègrement en faisant de la contrebande. Tout y passe: la nourriture, les médicaments, le savon, les cigarettes, le carburant, la drogue et les armes. Les bénéfices qu'ils tirent de ces activités criminelles sont i

njectés en Yougoslavie dans la politique et dans l'économie, deux secteurs contrôlés par eux et aujourd'hui totalement inféodés au crime.

Tous les proches de Milosevic ont érigé autour d'eux un mur d'organisations politiques et d'entreprises. Arkan a fait sien le parti de l'unité serbe et possède des salons de dégustation de glaces, des entreprises de construction, des discothèques et des casinos. Marko Milosevic est propriétaire d'une série de sociétés d'import-export et dirige à Pozarevitch, la ville natale de son père, une discothèque de huit étages, Madona, ainsi que le parc d'attractions Bambiland. La famille Milosevic est surtout liée avec des sociétés de médias, dont elle a absolument besoin pour pouvoir manipuler la population yougoslave. Le fiston possède deux stations de radio, la fille Marija, une et maman Milosevic est propriétaire de la chaîne de télévision Télévison Yougoslavie.

Le clan Milosevic dirige cet empire du crime d'une main de fer. Ces dernières années, une multitude d'amis d'Arkan - gangsters, compagnons d'épuration et relations d'affaires - ont été abattus par des tueurs. Quant à Marko Milosevic, il possède une petite armée de gardes du corps chargés de s'occuper des chefs d'entreprise qui lui mettent des bâtons dans les roues dans ses activités ou qui ont simplement oublié de faire passer des annonces dans leurs radios. Pour mettre la main sur des entreprises concurrentes, les Milosevici font même appel aux services de l'Etat, tels que la police et le fisc. Les inspecteurs des impôts opérant pour le compte de la famille réclament à ces entreprises rivales des sommes astronomiques qu'elles ne peuvent ou ne veulent payer. Elles sont ainsi déclarées en faillite et rachetées pour une bouchée de pain par la famille et ses proches.

Les journalistes qui ont le toupet de relater ces exactions ? Ils font l'objet de mesures d'intimidation, sont passés à tabac et traînés devant des juges complaisants qui les condamnent à de lourdes amendes et à d'importantes peines de prison. Les stations de radio qui s'entêtent dans leurs critiques se voient imposer le silence: leurs annonceurs font défaut, leur licence d'émission leur est retirée.

Tenir la banque

Un personnage se démarque dans ce paradis post-communiste. Il s'agit de Giovanni Di Stefano, un Italien de 44 ans, originaire de Molise dans le Mezzogiorno, le sud profond de l'Italie, qui a émigré dans son enfance en Angleterre. Di Stefano se dit homme d'affaires. Lorsqu'il est soudain apparu à Belgrade en 1992 aux côtés de son meilleur ami Arkan, un criminel de guerre recherché, il avait déjà derrière lui un passé assez impressionnant. Des journalistes d'investigation sont convaincus que Di Stefano se nomme en fait Carlo Fabiani et que, dans les années 70, il a braqué des banques d'Europe occidentale avec Arkan. Di Stefano est très peu prolixe sur ses activités dans les années 70. Il prétend qu'il terminait alors ses études, mais se garde bien de préciser lesquelles, à quel endroit et de quelle manière.

Au milieu des années 80, Di Stefano a été emprisonné en Grande-Bretagne parce qu'il faisait le banquier avec sa société Italian International Finance sans détenir de licence à cet effet. Quelques années plus tard, il a manifestement joué un rôle dans l'affaire Saseo impliquant les financiers italiens Florio Fiorini et Giancarlo Paretti ainsi que la banque française, le Crédit lyonnais. Grâce aux fonds apparemment inépuisables de leur société suisse Sasea, Fiorini et Paretti ont commencé à racheter des entreprises en Europe et aux Etats-Unis, jusqu'aux studios français Pathé et au géant du film américain, la Metro-Goldwyn-Mayer. Mais Fiorini et Paretti ont été soupçonnés d'escroquerie et de blanchiment, en relation avec les fonds de la mafia italienne. Leur château de cartes s'est effondré et leur héritier Di Stefano a ramassé les morceaux.

Aujourd'hui, Di Stefano arbore avec fierté la nationalité yougoslave. Selon ses propres dires, il entretient d'excellentes relations d'amitié et d'affaire avec Arkan et avec un grand homme d'affaires yougoslave. Di Stefano possède en autres la compagnie aérienne Italo Jugoslav Airlines Inc. et l'entreprise de construction Sumadija International d.o.o. à Belgrade, toutes deux incorporées dans la Sandhurst Assets Inc., un holding créé en 1991 dans l'Etat américain du Delaware. Le Delaware est le Luxembourg des Etats-Unis; il accueille tous ceux qui ont quelque chose à cacher. Di Stefano est également le patron de la station de radio Pinguin à Belgrade, où il a créé un fonds humanitaire l'Humanitarni Fond Di Stefano. Il est, après Arkan, le numéro deux des Tigres. Il était aussi jusqu'à une époque récente le président du club de football FC Obillic, l'équipe d'Arkan.

Di Stefano vit à Belgrade, Rome et Bruxelles. Dans cette dernière ville, il possède un appartement dans la Hilton Residence. Depuis peu, on ne l'y voit plus aussi souvent. Peut-être parce que la gendarmerie belge a ouvert une enquête à son sujet à la demande de la justice britannique qui veut poursuivre Di Stefano pour la fraude à grande échelle à laquelle il se serait livré avec divers hôtels qu'il possède en Grande-Bretagne.

Avocat d'Arkan

Comme Di Stefano ne vient plus en Belgique, Humo s'est rendu à Rome. L'homme qui se dirige vers la terrasse ensoleillée du Caffè delle Belle Arti paraît assez insignifiant, c'est un quadragénaire effacé, petit et avec des lunettes. Mais lorsque l'on y regarde de plus près, il semble moins innocent. Il ne sourit pas, son regard est peu amène et menaçant, un tic nerveux durcit sa bouche, il manque manifestement de patience. Il a tout de l'homme qui n'a guère l'habitude d'être contredit.

La vision du monde de Di Stefano est à cevie. Les marchandises transitent par la Hongrie.-

HUMO: Où achetez-vous les produits ?

DI STEFANO: RPartout. En Italie et aussi en Belgique.-

HUMO: Qu'achetez-vous en Belgique ? Des armes ?

DI STEFANO : RNon. Je ne touche pas aux armes. Je m'intéresse aux médicaments et à ce type de chose. J'ai aussi acheté des milliers de prothèses de jambe à la société américaine Johnson and Johnson et je les ai amenées à Belgrade. C'est interdit. Mais allez dire cela aux gens de Belgrade qui n'ont plus de jambe. En Belgique, j'achetais des détergents pour la vaisselle.-

HUMO: Quoi ? Ah, Ah, Ah !

DI STEFANO: (furieux) RQu'est-ce que cela a de comique ? Peut-on faire la vaisselle sans détergent ?-

HUMO: La Belgique n'a-t-elle que des détergents à vendre ?

DI STEFANO : RNon, mais il faut savoir ce qu'on achète : il y a trop de gens qui abusent de la situation. Qui me procure les détergents ? Peu importe. Tout simplement un fournisseur. Il n'est tout de même pas interdit d'acheter des détergents. Je ne fais rien d'illégal. Je travaille dans la transparence. Mes entreprises n'ont jamais été inscrites sur une liste noire à cause de cette contrebande, contrairement à d'autres entreprises qui ont commencé à tripatouiller de l'agent. Je le dis toujours : il faut s'en tenir à la loi.-

Une balle dans la tête

HUMO: Le fait de transgresser les sanctions de l'ONU et de passer des marchandises en contrebande n'est pas précisément Rs'en tenir à la loi-.

DI STEFANO: RJe suis citoyen yougoslave. On ne peut pas me poursuivre parce que j'essaie d'aider mon pays. Je suis payé pour la contrebande de ces marchandises. Le gouvernement règle le transport et l'achat des marchandises. Je ne réalise pas de bénéfices et je me fais payer en Yougoslavie. L'argent reste donc dans ce pays et n'est pas passé en fraude à l'étranger. Dans ces conditions, comment me prendre en défaut ? Il serait ridicule de vouloir me condamner pour la contrebande de mille prothèses.-

HUMO: Mais vous êtes en fait Italien.

DI STEFANO: (fâché) RJe suis aussi Italien. En 1992, j'ai obtenu de Son excellence un passeport yougoslave. Son adresse y figure.-

HUMO: Quel honneur !

DI STEFANO : RCe n'est pas un honneur. J'ai amplement mérité ce passeport. Je ne suis pas un pirate. Je suis un homme d'affaires intègre. Mais bien entendu, personne ne le croit. Car je suis un pauvre immigrant du Sud de l'Italie que l'on croit, comme les siens, incapable d'agir honnêtement. Et donc je suis un contrebandier et un trafiquant de drogue.-

HUMO: Vous êtes incontestablement un contrebandier, comme vous l'admettez vous-même. Etes-vous aussi un trafiquant de drogue ?

DI STEFANO: RUn journaliste yougoslave m'en a également fait le reproche. Il savait que j'avais une entreprise en Colombie et il en a conclu que j'étais lié aux cartels colombiens. Je possédais en effet une entreprise en Colombie que j'ai cédée il y a deux ans. La société vendait des cassettes vidéo et gérait six cinémas. Et en 1983, j'ai effectivement fait le voyage de Roumanie en Colombie à bord de mon jet privé. Suis-je pour autant un trafiquant de drogue ? Les services secrets italiens ont enquêté sur moi pendant deux ans à cause de cette ridicule affaire. Ils n'ont rien trouvé, mais ils continuent à me suivre. Ils savent depuis longtemps que je suis ici avec vous. Si vous me tirez une balle dans la tête, vous ne tarderez pas à les voir arriver.-

HUMO: Quel est votre degré d'intimité avec le président Milosevic ?

DI STEFANO: RJe le connais très bien. Je suis en contact avec lui, mais l'important n'est pas mon degré d'intimité avec Son Excellence. Je soutiens le président Milosevic parce qu'il a été élu en toute légalité. Si Arkan ou Seselj est élu légalement à la présidence, j'apporterai également mon soutien. C'est ce que l'on appelle la démocratie.-

HUMO: Vous connaissez mieux Arkan. C'est votre meilleur ami, dites-vous. Quel type d'homme est-ce ?

DI STEFANO: RC'est mon meilleur ami. C'est un homme fantastique. Il est très attaché à ses amis. Il rectifiera votre cravate si elle est de travers, il posera une main consolatrice sur votre épaule si vous êtes triste, il vous aidera, mais il s'en prendra violemment à vous si vous empruntez une mauvaise voie, simplement pour vous faire comprendre que vous êtes dans l'erreur. Mais il ne frappera jamais ses amis, il n'usera jamais de violence envers eux. De même, il n'abusera jamais de sa situation à Belgrade pour en tirer un profit personnel. Pourtant, il pourrait le faire, car je peux vous assurer que les gens ont peur de lui. Mais Monsieur Raznjatovic ne fera jamais un mauvais usage de son pouvoir. S'il vous doit de l'argent, il vous le remboursera. Si vous lui devez de l'argent, vous avez tout intérêt à le payer ou à lui fournir une explication solide.-

HUMO: Sinon ?

DI STEFANO: RRien. Si vous avez des problèmes, il vous aidera. Mais si vous mentez et que vous essayez de le tromper, vous ne ferez plus jamais d'affaires avec lui.-

HUMO: Vous ne terminerez pas dans le fossé, le corps criblé de balles ?

DI STEFANO: RMonsieur Raznjatovic n'a jamais tué personne pour de l'argent. Tout comme moi. A cet égard, ce n'est pas vraiment un Yougoslave. Il a la mentalité occidentale. Ce n'est pas parce que quelqu'un me doit 10.000 dollars que je vais le tuer. Au contraire, j'enverrais mes amis pour le protéger. Un homme mort ne pourrait pas me rembourser ces 10.000 dollars.-

Les droits de l'homme, Ah !

HUMO: Vous venez de dire que les gens de Belgrade ont peur d'Arkan. Est-il si dangereux ?

DI STEFANO: RIl est craint parce que vous, les journalistes, avez fait de lui ce qu'il n'est pas. C'est un homme qui a neuf enfants. C'est un père tendre et un excellent cuisinier.-

HUMO: Cet excellent cuisinier a été un braqueur de banques et un assassin.

DI STEFANO: RC'est vous qui le dites. Moi, je ne sais rien de cette affaire.-

HUMO: Vous êtes son avocat, affirmez-vous ? Vous devriez donc le savoir. Arkan est un gangster, il a été condamné en Belgique.

DI STEFANO: RS'il a braqué des banques, c'était il y a bien longtemps. Il en a pris pour 16 ans en Belgique. C'est beaucoup trop.-

HUMO: Il a été condamné à dix ans.

DI STEFANO: RAu total, c'est une peine de 16 ans qu'on lui a infligée en Belgique. Je suis bien placé pour le savoir, je suis son avocat.-

REt ils s'étonnent en Belgique qu'il se soit évadé. A quoi d'autre s'attendre ? Je sais que les peines sont normalement beaucoup moins lourdes en Belgique. C'est ce qu'un ancien magistrat belge m'a lui-même raconté. Lorsque j'étais vice-président du FC Obillic, j'ai beaucoup voyagé et j'ai rencontré une foule de gens, notamment un membre belge de la commission disciplinaire de l'UEFA. Cet homme était un ancien magistrat. (Di Stefano fait référence à une grande personnalité du football belge, Alain Courtois, ancien magistrat de Bruxelles qui est aujourd'hui le grand organisateur de l'Euro 2000 et membre de l'instance de contrôle et de discipline de l'UEFA.) Il m'a dit qu'une peine de huit ans aurait été largement suffisante. Il a également rencontré Monsieur Raznjatovic. Il s'est rendu à son domicile et s'est entretenu avec lui. Il a vu que Zeljko était un homme sérieux.-

RQuelle importance cela a-t-il qu'il ait fait de la prison ? J'ai moi aussi été emprisonné en Grande-Bretagne, puis la Cour d'appel m'a libéré. Suis-je amer ? Je suis très amer. Mais d'éminentes personnalités ont connu le même sort que Zeljko et moi. Sandro Pertini, l'ex-président italien, a aussi été incarcéré, de même que mes bons amis Nelson Mandela et Yasser Arafat. Et Mandela n'a jamais - je répète - jamais abandonné le combat.-

HUMO: Vous connaissez une multitude de personnes. Comment faites-vous ? N'exagérez-vous pas un peu ?

DI STEFANO: RJe connais effectivement beaucoup de gens. Vous n'avez pas besoin d'en savoir plus. N'oubliez pas que j'ai siégé à la Metro-Goldwyn-Mayer. Le nom MGM ouvre bien des portes. Je connais très bien Mohammed Al Fayed (l'homme d'affaires arabe qui possède notamment le prestigieux magasin londonien Harrod's, ndlr.). Et je connaissais encore mieux son fils Dodi (qui est mort en 1997 à Paris avec la princesse Diana dans un accident de voiture, ndlr.). A cette époque, Dodi souhaitait se lancer dans la réalisation de films (sourire dédaigneux).-

HUMO: Vous prétendez même connaître Saddam Hussein.

DI STEFANO: R Je connais Hussein et je connais Bill Clinton. La Metro-Glodwyn-Mayer a remis à Clinton un chèque de 500.000 dollars pour sa première campagne pour l'élection présidentielle. Et quelle signature trouvait-on sur ce chèque ? La mienne. A cette époque, j'ai organisé à Los Angeles un dîner de gala destiné à collecter des fonds pour Clinton. Mais au même moment, la MGM a aussi donné 500.000 dollars à George Bush et aux Républicains.

Je connais le représentant de la compagnie aérienne irakienne en Italie et en Yougoslavie. En Belgique, Iraqi Airways est représentée par la Sabena. Je suis entré en contact avec les Irakiens grâce au président de la ligue de football irakienne. Le passeport yougoslave est le seul qui ouvre des portes en Irak. L'ensemble de l'infrastructure irakienne a été construit par des entreprises yougoslaves. -

HUMO: Parlez-vous régulièrement avec Hussein ?

DI STEFANO: RNon, sa connaissance de l'anglais est trop limitée. Je connais beaucoup mieux son bras droit, Tarek Aziz. Un homme brillant. La manière dont ils agissent vis-à-vis d'Hussein et de l'Irak n'est absolument pas correcte. Les Américains prétendent qu'Hussein est un monstre. Et alors ? Lorsque les Britanniques avaient encore leur mot à dire en Irak, ils ont pendu des gens pour la moindre infraction. Après cela, ne venez pas me parler de droits de l'homme. Il ne s'agit pas de savoir ce que fait Hussein, mais ce que font les nations occidentales dites civilisées. Et comme je refuse de participer à cette hypocrisie, comme moi et mes amis de Belgrade refusons de hurler avec les loups, ils nous traitent de fascistes. Qu'ils ne se gênent pas, je n'en ai rien à faire.-

Cannibales à la dérive

HUMO: Arkan et ses tigres sont accusés d'avoir perpétré un grand nombre de tueries et de massacres parmi la population civile de Bosnie et de Croatie. Arkan est-il un criminel de guerre ? Les Tigres sont-ils des exterminateurs ?

DI STEFANO: RJe suis en possession de copies de divers entretiens téléphoniques de Son Excellence le président Milosevic. Ces conversations ont été écoutées par le GCHQ, le service d'espionnage britannique basé à Cheltenham. Je détiens les copies de sept entretiens que le Président Milosevic a eus avec Zeljko entre 1992 et 1995, donc à l'époque de la guerre en Bosnie. Dans aucune de ces conversations, consacrées notamment la situation militaire en Bosnie, il n'a été question d'épuration ethnique. A aucun moment, Son Excellence n'a donné l'ordre à Zeljko d'assassiner des gens. Cela veut tout dire.-

RD'abord, qu'entend-on par purification ethnique ? Qu'entend-on par crime de guerre ? Je vais vous dire ce qu'est la purification ethnique. Au Congo, votre roi Léopold II a fait exterminer trois millions de personnes. Il a même utilisé à cette fin des régiments de cannibales, car il trouvait trop coûteux de faire appel aux soldats de l'armée régulière pour ces massacres. De cette manière, il a réalisé des économies sur le ravitaillement de ses troupes. Et je n'invente rien. Relisez vos manuels d'histoire.-

RJe sais seulement que 440 soldats de l'armée yougoslave ont été sévèrement punis parce qu'ils ont fait des choses que l'on ne peut tolérer de la part d'un soldat yougoslave. Il y a toujours des gens qui vont trop loin, mais nous les avons sanctionnés pour leurs actes.-

HUMO: Vous ne répondez pas à la question. Je ne parle pas de l'armée yougoslave régulière ou de Léopold II. Qu'en est-il d'Arkan et de ses tigres. Sont-ce des exterminateurs ?

DI STEFANO: RIl n'a jamais tué de prisonniers. Il a veillé à ce qu'ils soient toujours bien traités.-

HUMO: Que faut-il alors penser de ces charniers que l'on retrouve aujourd'hui au Kosovo ?

DI STEFANO: RRien, ce sont des choses qui arrivent.-

HUMO: Vous trouvez excessive l'indignation suscitée par le génocide ?

DI STEFANO: RMonsieur Raznjatovic a lui-même dit que ce qui s'était passé au Kosovo était très grave. Mais qu'est-ce qu'un génocide ? Les Américains au Vietnam, était-ce un génocide ? Vous devez connaître la situation au Kosovo. Il ne reste plus que 24.300 Serbes dans cette région. Ils vivent des moments très difficiles, car les terroristes de l'UCK, l'armée de libération albanaise, ne désarment pas. Et c'est la faute des Américains. Clinton protège les meurtriers. Tout allait bien au Kosovo jusqu'à ce que les Américains s'en mêlent. Ils ont dit aux Albanais: RExigez votre indépendance. Nous vous donnerons des armes-. Si les Américains font de même en Belgique demain, les deux groupes linguistiques se livreront rapidement à des massacres.-

Général des Tigres

HUMO: Arkan et ses Tigres sont également soupçonnés d'avoir été impliqués dans la purification ethnique du Kosovo. Des membres de la police et des troupes spéciales du ministère de l'Intérieur opéraient au Kosovo. Pendant les troubles dans cette région, Monsieur Raznjatovic se trouvait à Belgrade à l'Hôtel Hyatt. Il vous y a accordé des interviews. Il n'y avait pas de Tigres au Kosovo. -

HUMO: Vous faisiez aussi partie des Tigres.

DI STEFANO: RJe suis un Tigre et je le reste en temps de paix. Je suis le numéro deux après Arkan. Je suis un général des Tigres, j'ai plus de 11.000 hommes sous mes ordres. Et j'en suis fier.-

HUMO: Etes-vous allé au front avec les Tigres ?

DI STEFANO: (silencieux, le regard baissé, le visage marqué par la colère) RJe suis général, mais je n'ai jamais été en service actif sur le front. Néanmoins, si des troupes étrangères avaient foulé le sol sacré de la Yougoslavie, notre territoire souverain Si jamais on en arrivait là, je revêtirais mon uniforme de général et je conduirais mes troupes au combat, jusqu'à la mort.-

HUMO: Comme un général italien ?

DI STEFANO: RComme un Yougoslave, mais j'agirais de même pour l'Italie.-

HUMO: Vous sentez-vous Yougoslave ?

DI STEFANO: RJe suis citoyen yougoslave. Lorsqu'un pays vous offre sa protection et tant d'avantages, vous devez vous comporter en conséquence. Vous devez être prêt à donner votre vie pour ce pays. Mais je suis en fait un homme de paix et je crois surtout au dialogue. Nous voulons négocier, mais les Américains s'y refusent.-

HUMO: Si Arkan est vraiment innocent, pourquoi a-t-il tenté de passer un accord avec la justice belge ? Pourquoi a-t-il voulu se rendre ?

DI STEFANO: RIl n'a jamais voulu se rendre. C'est de la pure fiction, un conte de Grimm. Zeljko ne se rendra jamais.-

HUMO: Connaissez-vous l'avocat belge Pierre Chomé ?

DI STEFANO: RJ'ai lu son nom dans le journal. Mais je ne lui ai jamais parlé, je ne l'ai jamais rencontré. Il a sans doute essayé de faire de la publicité pour son cabinet d'avocat.

HUMO: Chomé a tenté de garder l'affaire secrète. Il trouvait très ennuyeux qu'elle éclate au grand jour.

DI STEFANO: RAlors cet homme est un menteur pathologique. Monsieur Raznjatovic a un seul avocat : moi. Je vous le dis, aucune négociation n'est actuellement en cours entre Zeljko et la justice d'Europe occidentale ou le tribunal pénal international de La Haye.-

HUMO: Toute cette histoire n'est vraisemblablement pas une bonne chose pour Arkan. Il est devenu le rat qui veut quitter le navire en perdition de Milosevic. Sa vie est-elle en danger ? A-t-il beaucoup d'ennemis à Belgrade ?

DI STEFANO: Je vous dirais ce que Zeljko affirmerait s'il était ici : RJ'habite Ludisebogdena, nr 3 à Belgrade. Je conduis une jeep américaine et mon bureau est situé Ludisebogdena, nr 3, au premier étage. Ceux qui ont un problème à régler avec moi savent où me trouver.-

HUMO: Arkan n'a pas peur ? Il n'a pas l'intention de fuir ?

DI STEFANO: RZeljko, fuir ? Vous plaisantez ! On ne fuit que lorsque l'on a peur. Or, Zeljko n'a peur de rien. Qu'a-t-il à craindre ? Absolument rien.-

Les américains et Milosevic

HUMO: Aurait-on voulu piéger Arkan en le discréditant à Belgrade ? La famille Chomé aurait-elle des contacts avec des services américains de renseignement, comme la CIA ?

DI STEFANO: RC'est possible, mais si c'est le cas, le plan est ridicule. S'ils veulent poursuivre Zeljko, il se justifiera devant le tribunal. Nous n'avons pas de problème à cet égard. Si le destin veut qu'il paie-.

HUMO: Il va donc accepter de comparaître à La Haye ?

DI STEFANO: RN'oubliez pas, n'oubliez pas que le tribunal pénal international de La Haye est un forum politique où siègent de hauts magistrats en quête de promotion. Ces magistrats abandonnent dès qu'ils ont obtenu ce qu'ils souhaitaient. Le tribunal pénal international ne risque pas de juger Zeljko, pas plus que Son Excellence le président Milosevic, le président Radovan Karadzic ou le général Mladic. Quelles seraient les conséquences s'ils n'étaient pas condamnés ou s'ils étaient reconnus innocents ? Tant les Américains que l'OTAN veulent à tous prix que ces personnalités restent là où elles sont. S'ils arrêtaient tous ces soi-disant criminels de guerre pour les déférer devant le tribunal de La Haye, ils n'auraient plus aucune raison de maintenir des troupes dans les Balkans.-

RJ'ai été impliqué dans les négociations qui se sont déroulées entre le Président Karadzic et La Haye il y a deux ans. J'avais des contacts avec Graham Blewitt, le deputy prosecutor de La Haye. Le président Karadzic acceptait de comparaître moyennant quelques garanties. Il voulait que des observateurs indépendants assistent au procès, que les débats se déroulent dans une langue qu'il comprend, qu'il puisse disposer des mêmes possibilités et des mêmes informations que le ministère public et qu'il puisse comparaître sans menottes. Des conditions fort acceptables selon moi. RSi vous n'êtes pas d'accord-, ai-je répondu à Blewitt, Rvous n'avez qu'à venir à Pale, en Bosnie, où son Excellence vit. Le procès se tiendra là-bas-. Mais cette proposition n'a pas abouti et les négociations ont été interrompues.-

RJ'ai immédiatement compris pourquoi. J'ai vu les accusations portées à l'encontre du Président Karadzic et j'ai su d'emblée qu'il leur serait difficile de les rendre incontestables. Ils auraient perdu la face. Les Américains avaient d'autres projets. Ils sont agressifs et veulent contrôler toute la région des Balkans. Ils ne souhaitent pas établir le dialogue. Ils sont les plus forts, ce sont eux qui décident. Pour sauvegarder les apparences, ils organisent des conférences sur les Balkans sans même y convier la Serbie. C'est comme cela que procédait Adolf Hitler.-

HUMO: Peut-être ne veulent-ils pas négocier avec Milosevic.

DI STEFANO: RIls ont moins de mal à traiter avec lui. Business. Ils n'ont jamais créé de problèmes lorsqu'ils pouvaient vendre des armes. Ils ont d'ailleurs toujours continué à en vendre. Vous ne pensez tout de même pas que nous n'achetons des armes qu'aux Russes. Nous nous procurons encore des armes auprès des Américains. Je répète qu'en ce moment, le régime du président Milosevic achète encore des armes aux Américains.-

HUMO: Officiellement ?

DI STEFANO: RBien sûr que non. L'achat d'armes est effectué par des moyens détournés, par le biais d'intermédiaires russes. Mais le gouvernement américain le sait et l'approuve.-

HUMO: Qui sont ces intermédiaires ?

DI STEFANO: RJe ne suis pas impliqué dans les transactions, mais je les connais. Il s'agit de marchands d'armes, surtout britanniques et américains. Les Américains vendent n'importe quoi à n'importe qui. Mais je ne m'en fais pas. C'est la guerre. La guerre, cela signifie que l'on tue des gens. Et il faut des armes pour tuer. C'est logique. Pure common sense, du bon sens.-

Raf Sauviller

(traduit du néerlandais)

 
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