Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
gio 26 giu. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Partito radicale
Partito Radicale Centro Radicale - 22 settembre 1999
Politique internationale/Asie

LE CONTINENT ASIATIQUE CONSTITUE UNE REELLE MENACE

Le haut fonctionnaire, spécialiste des questions stratégiques, qui dirige aujourd'hui l'Académie de France à Rome, voit venir un XXIème siècle marqué par la montée des rivalités, la course aux armements et las risques de conflit en Asie

par Daniel Vernet

Le Monde, 14 septembre 1999

La guerre du Kosovo a-telle introduit une rupture radicale dans les modes de penser à l'avenir les relations internationales ? 1

- La première constatation que l'on puisse faire est le retour de l'imprévu dans un univers fier de sa technologie. Ce qui me frappe, c'est la multitude des ajustements successifs dans la stratégie de l'OTAN. Au départ, il y a eu une entreprise diplomatique - dont les Européens sont largement les initiateurs -, appuyée par les Américains, et à laquelle se sont associés les Russes. Au moins en théorie, parce qu'au moment de Rambouillet ils n'ont pas fait front commun avec ceux qu'on appelle encore les Occidentaux.

- Avec la guerre du Kosovo, on semble être revenu à un schéma de rivalité Est-Ouest qui avait disparu après la chute du communisme?

Je ne voudrais pas idéaliser le passé, même récent, et noircir le présent. La Russie, malgré tout, me paraît désireuse de jouer plutôt un rôle positif, soucieuse d'aider à la résolution des problèmes internationaux plutôt que de reproduire un schéma d'antagonisme Est-Ouest. Les moments de tension ne sont pas le fruit d'une stratégie délibérée, mais plutôt le reflet d'un certain dépit qui a des causes multiples, le fait que les Occidentaux ne tiennent pas compte, dans certains cas, du point de vue russe, et le fait que les pays sur lesquels la Russie est supposée avoir de l'influence, en réalité, se moquent de Moscou.

Dans une position de faiblesse, la Russie essaie d'utiliser les atouts qui lui restent, entre autres le droit de veto au Conseil de sécurité. Mais ce qui est apparu clairement dans l'affaire du Kosovo, c'est que la Russie est un élément du problème autant que de la solution. La fragilité du leadership russe nuit à la continuité de la politique extérieure. La Russie est un acteur incontournable, mais un acteur à la recherche d'une identité. Pour des raisons évidentes, elle insiste, comme la Chine, sur la souveraineté interne par rapport à des principes supérieurs. Toute la question de la légitimité du Conseil de sécurité, d'un ordre international dont le Conseil serait la clé de voûte, se heurtera au fait que, entre les cinq membres permanents, on rencontre toutes les nuances possibles sur la question des rapports entre la souveraineté et les droits de l'homme. Il n'y a pas de consensus sur les valeurs.

- L'OTAN sera-t-elle alors, comme le souhaitent les Américains, l'organisation centrale de la sécurité en Europe et au-delà ?

Malgré sa victoire militaire [au Kosovo], l'OTAN peut ne pas y atteindre ses objectifs politiques ; ce serait un coup très dur porté à sa crédibilité. je ne suis absolument pas de ceux qui pensent qu'il en résulterait une prise de conscience européenne. Ce serait la mort de la défense européenne, car celle-ci ne se bâtira pas sur un échec. C'est une plante très fragile, qui ne peut pousser - dans un premier temps que dans la serre OTAN, à condition que les Européens aient vraiment la volonté de devenir responsables, comme la France et la Grande-Bretagne en ont montré la voie à Saint-Malo.

- Dans toutes les hypothèses, on pourrait assister à une revalorisation du rôle de l'ONU.

Ou bien à sa paralysie...

En cas d'alliance entre la Russie et la Chine au Conseil de sécurité ?

L'idée qu'il y ait un rapprochement, même artificiel, entre Moscou et Pékin a de quoi préoccuper. Les alliances sont souvent fondées sur des ennemis communs. Le souci de tous les occidentaux doit donc être de faire en sorte que la Russie ne soit pas mise totalement à l'écart.

- L'ONU peut-elle jouer le rôle pour lequel elle a été créée, comme cela semblait devoir être le cas après 1990 ?

L'illusion euphorique, quelques mois après la chute du communisme, a plutôt été une exception qu'une règle. Et je suis toujours très étonné d'entendre les tenants les plus orthodoxes du gaullisme vilipender l'OTAN au nom de la légitimité des Nations Unies, quand on se souvient

que le général de Gaulle disait du "machin ". Il est vrai que la fin de la guerre froide a permis pour la première fois aux Nations unies de fonctionner dans un esprit proche de celui des fondateurs, c'est-à-dire sans la paralysie due à l'antagonisme irréductible des membres permanents. En même temps, l'ONU est une machine à produire des résolutions qui sont des textes de compromis. C'est le sens qu'on donne aux mots qui compte, et pas seulement la polysémie des formules. L'enjeu est donc d'abord de savoir si les Occidentaux peuvent établir, avec une Russie en pleine phase de reconstruction de sa propre identité, un minimum de règles de comportement permettant aux compromis oratoires de se traduire par des actions efficaces. Ensuite la montée en puissance de la Chine se fera-t-elle sur la base d'une sorte de modus vivendi: je ne vous ennuie pas, si vous ne m'ennuyez pas de votre côté ? On peut avoir quelques inquiétudes en voyant la manière dont Pékin a enterré la mission de l'ONU en Macédoine, avant le

début du conflit au Kosovo. La Chine constitue incontestablement un point d'interrogation majeur.

Il y a un troisième élément qu'il ne faut pas négliger: c'est la contestation externe de la représentativité du Conseil de sécurité. Des pays comme l'Allemagne et le japon, l'Italie, l'Inde frappent à la porte. Certains viennent de rappeler bruyamment qu'ils entendaient être reconnus comme des puissances à part entière. Pour eux, le Conseil de sécurité actuel n'est pas un organisme pleinement légitime. Cela a d'ailleurs des conséquences auxquelles les Européens doivent réfléchir. Peut-être l'ancien chancelier Kohl voyait-il le plus loin quand il disait que, à l'horizon du XXIe siècle, il y aurait un membre permanent qui serait l'Union européenne plutôt que la France et la Grande-Bretagne ou l'Allemagne. Tout cela pour dire que le fonctionnement de cet organe suprême peut être délicat et qu'il est de toute façon contesté par des membres

importants de la communauté internationale. Et je ne parle pas des fameux rogue states [les "Etats parias", comme l'Irak] chers aux Américains, mais de pays qui ont l'ambition de jouer un rôle positif.

Certains de ces Etats contestent la relativité du concept de souveraineté nationale appliqué par les Occidentaux...

Selon que vous serez puissant ou misérable... La souveraineté est plus ou moins relative. Aujourd'hui, le droit humanitaire, le droit d'ingérence, etc., tout cela va dans le sens d'une prise en compte de facteurs autres que la seule souveraineté. Les Etats sont de plus en plus interdépendants, et la manière dont un Etat règle ou ne règle pas ses problèmes internes a beaucoup plus de répercussions internationales qu'auparavant.

Il n'en reste pas moins que l'intervention au Kosovo a relancé la critique contre la politique du "deux poids, deux mesures".

C'est un pont aux ânes. L'ONU a tiré au moins cette leçon de la Société des nations qu'il y a des pays qui sont plus égaux que d'autres. Ceux qui ont pensé les Nations unies ont clairement distingué entre des grandes puissances qui ont des responsabilités, mais aussi des privilèges particuliers, et les autres. Quant à l'Europe, elle est engagée dans un processus d'intégration qui a atteint un degré d'avancement tel que certains comportements ne sont plus acceptables par les Européens eux-mêmes. Il y a une volonté des Européens de ne pas admettre européen au-dessous d'un certain niveau de respect des droits de l'homme. Bon gré mal gré, les gens qui vivent sur le continent européen partagent le sentiment d'appartenance à une même civilisation. On est plus sévère avec Belgrade parce qu'on se sent plus proches des Serbes.

Cette entreprise d'intégration ne touche pas au même degré les autres continents.

Le paysage est contrasté. Au-delà des tensions, les Amériques montrent une réelle capacité d'intégration. L'Afrique est composée de pays pauvres, mais peu peuplés, qui font l'objet d'une sorte de cogestion internationale. Au Moyen-Orient, la problématique est connue, maîtrisée, et les acteurs sont plus ou moins contrôlés. Il n'en va pas de même en Asie, où se trouvent les grandes puissances de demain. C'est le seul continent où la course aux armements se poursuit, avec une Chine dont on a vu à quel point elle pouvait se sentir frustrée et nourrir un nationalisme exacerbé. La Chine, les ambitions de l'Inde, les rivalités, les conflits, tout cela constitue une réelle menace. Les puissances extérieures ne peuvent pas faire grand-chose. Il existe au Moyen-Orient des stabilisateurs que l'on ne voit pas en Asie. Toute réflexion sur l'ordre international doit tenir compte de ce potentiel d'éloignement, d'antagonisme que recèle cette région, d'une nature, différente de ce qui se passe ailleurs.

Diriez-vous que les relations entre les puissances asiatiques ressemblent à celles qu'entretenaient les puissances européennes avant 1914?

Non. Il n'y a pas de précédent, ne serait-ce que par les masses humaines concernées en Asie et la nature des armements disponibles. Les modèles sont différents. Par exemple, le concept de dissuasion nucléaire ne joue pas de la même manière pour des pays qui ont des centaines de millions d'habitants. Nous avons à faire à un défi d'une nature tout autre, qui dépasse les possibilités de l'hyperpuissance américaine. La conclusion est que le maintien d'un lien de sécurité très fort entre l'Amérique et l'Europe est indispensable pour les deux.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail