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Partito Radicale Centro Radicale - 18 ottobre 1999
Réforme des Nations Unies

Le rêve de Kofi Annan

par Claire Tréan

Le Monde, 17-18 octobre 1999

Lorsqu'ils se sont rassemblés, comme chaque année, en septembre, pour leur Assemblée générale à New York, les représentants des Etats membres de l'ONU avaient tous à l'esprit les événements récents: la résistance que le président indonésien venait d'opposer à une intervention de l'ONU au Timor-Oriental les jours précédents, le temps que la province soit mise à sac par les milices, et aussi la façon dont l'OTAN, quelques mois plus tôt, avait ignoré le Conseil de sécurité pour lancer de son propre chef une opération militaire au Kosovo. Aux yeux de tous ceux qui croient encore à sa mission de paix, l'ONU, dans les deux cas, s'en tirait assez mal en se révélant incapable d'empêcher les exactions massives contre des civils qui caractérisent la plupart des conflits modernes. Mais il a fallu que le secrétaire général, Kofi Annan, mette les pieds dans le plat, à l'ouverture de la réunion de New York, pour que cette question devienne un thème officiel de débat. L'intervention de Kofi Annan, devant l'Assemblée généra

le et dans un article paru au même moment dans la presse internationale (Le Monde du 22 septembre), est d'abord un constat d'échec d'une rare sévérité. Faillite au Rwanda, où l'ONU a laissé s'accomplir le génocide, dit en substance le secrétaire général ; faillite au Timor, où on lui reprochera d'avoir fait trop peu, trop tard ; faillite de la Sierra Leone au Soudan, de l'Angola à l'Afghanistan, où il y a des gens qui attendent davantage que des paroles de compassion. L'inertie de l'institution laisse se perpétrer les pires crimes - comme au Rwanda ou au Kosovo -, elle ouvre le champ aux interventions pacificatrices d'Etats qui, peu soucieux de caution internationale, s'arrogeront à leur gré le droit d'interprétation des valeurs universelles. Pour Kofi Annan, cette paralysie est une tragédie. L'ONU a, à ses yeux, une fonction civilisatrice à laquelle il ne faut pas renoncer. Elle seule peut incarner l'intérêt général et une légitimité supérieure à toute autre. Il faut pour cela qu'elle se réforme. Sans s'ave

nturer à aucune recommandation concrète, le secrétaire général indique la voie à suivre - par quoi il est déjà assuré de se mettre à peu près tout le monde à dos : Il faut, dit-il, que l'ensemble des nations arrive à un consensus non seulement sur la nécessité de réprimer les violations massives et systématiques des droits de l'homme où qu'elles aient lieu, mais aussi sur la manière de décider de l'action nécessaire, de son moment et de ses acteurs.

Il y a dans cette phrase, en filigrane, le programme d'une révolution : la redéfinition par l'ONU de ses missions pour qu'y soit pleinement intégrée non pas un droit mais une obligation d'intervention humanitaire, assortie de nouveaux mécanismes de décision et de nouveaux moyens, et à laquelle ne pourraient plus faire échec ni le droit de veto qui bloque les décisions au Conseil de sécurité, ni le principe de souveraineté à l'abri duquel des Etats martyrisent leurs propres populations.

Le secrétaire général avait tapé dans le mille, et son discoursa incité bon nombre des intervenants qui le suivaient à la tribune de l'ONU à modifier leur prose in extremis, dans un sens ou dans l'autre. Parmi les réactions qu'il a provoquées, on a surtout remarqué, parce qu'elles étaient les plus virulentes, celles de certains pays du tiers monde s'élevant contre la remise en cause du principe de la souveraineté nationale. Sans même aller jusqu'à l'intervention militaire, il suffit de songer par exemple à la résistance farouche qu'ont opposée ces dernières années l'Algérie, le Congo démocratique de Laurent-Désiré Kabila ou les pays d'Asie à propos du Timor pour mesurer l'allergie de ces pays à tout projet de légalisation d'un droit de regard de la communauté internationale sous une forme ou une autre. Cette attitude cependant n'est pas celle de l'ensemble des pays en voie de développement. Pour de nombreux pays d'Afrique par exemple, le pire, au regard de ce qu'a souffert leur continent ces dernières années

, a été la non-intervention de la communauté internationale, pas le contraire.

UNE NOUVELLE NORME

C'est aussi ce que dit Kofi Annan, dont l'interpellation s'adresse en premier lieu aux plus puissants pour leur refus d'agir ou pour la sélectivité de leurs interventions. La prétendue exemplarité de l'opération de l'OTAN au Kosovo - supposée fonder un nouveau type d'intervention, morale, humanitaire - est de ce point de vue quelque peu hypocrite dès lors que les Etats qui l'ont menée n'étaient guère résolus à transformer l'essai pour en faire, comme le souhaiterait Kofi Annan, une nouvelle norme pour l'ONU. Cela supposerait en effet que les plus puissants des pays membres non seulement engagent de nouveaux moyens (en particulier pour que l'ONU puisse agir rapidement, ce qu'actuellement elle ne sait pas faire), mais aussi qu'ils perdent une part de leur pouvoir de décision au profit des Nations unies et une part de leur pouvoir au sein même du Conseil de sécurité. Le droit de veto, tel qu'il est actuellement dévolu aux cinq membres permanents du Conseil, est l'une des causes de l'inertie ; on l'a vu à propos

du Kosovo. Mais qu'espérer de l'ONU lorsque est directement en cause l'un des membres permanents, à propos de la Tchétchénie par exemple ou du Tibet demain, si la question se posait ?

Kofi rêve, dira-t-on, tant le système paraît difficile à amender. Les grandes puissances vont lui opposer l'attentisme et s'efforcer de préserver leur marge de manoeuvre dans la gestion pragmatique des crises, au cas par cas. Kofi rêve sans doute. Il a vécu personnellement, aux pires moments - celui du Rwanda, celui de la Bosnie -, la vanité d'être responsable en titre des opérations de maintien de la paix à l'ONU. Aujourd'hui, depuis le secrétariat général où il fut mis en selle par les Américains, il se fait un devoir de rêver à voix haute. Il se rattache, ce faisant, au vaste mouvement qui est en train de faire bouger des montagnes dans un autre domaine : celui de la justice et de la lutte contre l'impunité. Là non plus, rien n'est encore définitivement gagné : certains Etats du tiers-monde se braquent contre l'ingérence suprême qu'est le projet de Cour pénale internationale, tandis que certains autres l'attendent impatiemment ; la France - ingénieuse et prudente, novatrice et conservatrice - balise ; les

Etats-Unis se passionnent pour le projet, mais se démènent (notamment en cherchant à conclure des accords bilatéraux d'extradition) pour qu'au moins leursressortissants échappent à cette juridiction supra-nationale. La justice universelle n'est certes pas encore pour demain, mais déjà le principe de la souveraineté nationale dans ce domaine est lapidé. Le Conseil de sécurité sauve les meubles, mais tout juste. Kofi Annan rêve, mais qui aurait parié il y a dix ans sur le fait que cent vingt Etats approuveraient la création de ce tribunal international ? Et si s'impose progressivement l'idée que certains crimes doivent être punis par la communauté internationale, comment pourrait-on s'opposer à l'idée que celle-ci a, plus encore, le devoir de les empêcher?

 
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