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Partito Radicale Centro Radicale - 21 ottobre 1999
Chine/Droits de l'homme/Visite de Jang Zemin en France

POURQOUI IL FAUT PARLER DES DROITS DE L'HOMME AVEC LA CHINE

Le débat sur les droits de l'homme risque de perturber la visite en France du président Jiang Zemin. Pourtant, cette discussion est nécessaire et peut être utile.

Par JEAN-LUC DOMENACH

Jean-Luc Domenach est sinologue.

Libération, Le jeudi 21 octobre 1999

Pourquoi parler des droits de l'homme avec les responsables chinois? D'abord parce qu'eux-mêmes en parlent de plus en plus, à cause de la pression internationale. Ensuite, parce qu'en la matière la parole de la France a du poids.

Comme les précédentes cérémonies franco-chinoises, la visite en France du président Jiang Zemin (de vendredi à mardi) risque d'être peu ou prou gênée par le débat sur les droits de l'homme. Et, comme précédemment, l'on verra des partisans du réalisme regretter que des désaccords inutiles et vagues portent ombrage au développement des relations franco-chinoises. Et pourtant...

Je voudrais montrer ici que la discussion sur les droits de l'homme est nécessaire et qu'elle peut être utile, à condition qu'elle soit le plus possible débarrassée d'illusions et de simplifications. Comment définir la situation des droits de l'homme en Chine? Sans doute, en disant à la fois deux choses. La première, la plus importante, est que la Chine est au monde l'un des pays où l'on condamne le plus à mort, où la situation des détenus est la pire et où la répression politique demeure la plus puissante. Sans entrer dans des querelles de chiffres que la propagande chinoise ne facilite pas, disons que les exécutions capitales se comptent par milliers, les détenus par millions (avec une mortalité encore notable dans les camps) et les détenus plus ou moins directement politiques par dizaines de milliers. La seconde proposition est que, malgré cela, la tendance de l'évolution est positive. La politique chinoise est beaucoup moins meurtrière qu'à la haute époque de Mao Zedong, la population des camps a plutôt

baissé, la proportion des prisonniers politiques a beaucoup décliné et l'espace alloué à l'autonomie individuelle s'est élargi.

Pourquoi parler de ces problèmes avec les responsables chinois? Pourquoi aller contre la conception classique (mais jamais complètement respectée) du droit qui est que chaque Etat est maître chez lui? Pour deux raisons simples, dont la première est qu'eux-mêmes en parlent de plus en plus. A cause de la pression internationale, ils ont été contraints d'édifier en la matière une ligne assez bancale, qui privilégie les droits économiques et sociaux et l'indépendance des Etats mais n'ignore plus les grandes aspirations humanitaires et politiques (comme on l'a vu dans l'affaire du Timor). Membre de l'ONU, la Chine n'ignore plus ses grands principes, elle a même signé (sans toujours les ratifier) deux grandes conventions internationales, l'une sur lesdroits économiques et sociaux, l'autre sur les droits civils et politiques. Le débat chinois sur les droits de l'homme vient aussi de réelles divisions: les unes, politiques, opposent conservateurs et libéraux, mais d'autres découlent de la pression diffuse et irrégul

ière de la population. Celle-ci est sans doute obsédée d'ordre public et de progrès matériel, mais elle admet de moins en moins aisément (y compris dans les campagnes) les abus et les injustices perpétrés (de façon d'ailleurs variable) par les différents rouages du pouvoir.

Une autre raison doit nous pousser, nous Français, à parler de droits de l'homme aux responsables chinois: c'est qu'en la matière notre parole a du poids, pour de bonnes et de mauvaises raisons. Le cliché est, en Chine, que les Français ne sont pas doués pour l'économie, mais pour la culture, et que leur avis compte en matière politique: depuis 1789, nous sommes la patrie de la liberté et de l'indépendance, et, comme telle, regardés tantôt avec distraction, tantôt avec un véritable intérêt. Après le massacre de Tiananmen en juin 1989, ce cliché a drainé vers Paris la moitié des dissidents chinois en fuite. Les dirigeants de Pékin ont depuis longtemps compris le parti qu'ils pouvaient tirer, en matière internationale, de notre capacité de dissonance. Ils ne peuvent pas ignorer complètement notre dissonance en matière humanitaire. Peut-être même seraient-ils déçus que nous n'ayons pas notre opinion sur leur société - au même titre d'ailleurs qu'eux-mêmes n'hésitent pas à laisser transparaître leur perception d

'un déclin de la France ou de l'Europe. Mais comment parler de droits de l'homme à des partenaires puissants et habiles? Il est trop facile de faire la leçon aux diplomates et aux hommes d'affaires français, qui sont comptables de résultats tangibles. La Chine est un partenaire important de la France en matière de sécurité, mineur mais réel en matière économique, et elle lui a déjà fait payer en 1993-1994 - jusqu'à un certain point que l'histoire élucidera - ses ventes d'armes à Taiwan. Mais elle a montré, dans l'affaire du Timor, qu'elle n'était plus imperméable à l'argument des droits de l'homme - à condition, naturellement, de ne pas en être la cible et de conserver un droit de veto sur sa mise en pratique.

Aussi réduite qu'elle soit, l'évolution de la position chinoise est en fait révélatrice d'une mutation de la politique internationale à laquelle la France et ses voisins européens participent encore plus directement. Depuis plusieurs années, et notamment depuis l'affaire du Kosovo, leurs diplomaties se montrent de plus en plus conscientes de la montée des enjeux humanitaires dans le monde contemporain. A la fin de mars dernier, devant la commission des droits de l'homme des Nations unies, Charles Josselin a tenu, sur cette question générale et sur ses applications au cas chinois, un discours très clair, à peine moins vigoureux que celui du ministre des Affaires étrangères allemand, Joschka Fischer. Ce discours a été facilité par le fait que la crise asiatique a fortement diminué, provisoirement au moins, la validité des propos tenus au début de la décennie, sur les valeurs asiatiques censées exonérer les pays de cette région de l'observation des droits de l'homme: reconnaissons tout de même que les dirigeant

s chinois ne s'en étaient guère servis... La question n'est donc pas de déterminer comment parler des droits de l'homme: on en parle, de toute façon et de toutes les façons possibles. Les temps ont changé. Qu'on s'en félicite ou non, les droits de l'homme sont devenus un élément fort du débat politique mondial. Quoi qu'on pense de l'affaire du Tibet, par exemple, celui-ci constitue un chapitreimportant des relations sino-occidentales. Et les relations interétatiques sont de plus en plus fragiles devant les mouvements d'opinion. Le dalaï-lama doit sa force aux opinions publiques bien plus qu'aux organes d'Etat, voire (comme Pékin l'affirme) aux services secrets d'Occident. Les diplomates chinois se plaignent souvent que les médias occidentaux leur soient hostiles: c'est qu'ils comprennent mal l'autonomie des opinions publiques - y compris, parfois, de la leur...

Que le débat sur les droits de l'homme soit désormais une part intégrante de la relation franco-chinoise n'implique pas pour autant, loin de là, qu'il soit plus facile. D'abord, parce que de part et d'autre les positions sont largement opposées, et en partie hésitantes (et donc, au moins du côté chinois, d'autant plus fermes). Ensuite, parce que - les diplomates ont beau jeu de le faire remarquer - la préoccupation des droits de l'homme ne dispense pas de construire une politique, loin de là. Le principe des droits de l'homme ne peut suffire à fonder une politique d'Etat. Mais s'agissant notamment des rapports avec des Etats totalitaires, prédateurs ou despotiques, il doit y contribuer. Comment? La discussion sur ce point est nécessaire, mais par nature souvent confuse. Si le Quai d'Orsay disposait d'un véritable institut diplomatique, elle pourrait sans doute être éclaircie... Deux suggestions peuvent toutefois être émises, qui pourraient élargir le faible espace commun aux diplomaties française et chinoise

en la matière. La première consisterait tout simplement à prendre note des désaccords et à en faire des sujets de discussion bilatérale. En la matière, l'acquis est déjà réel: il existe entre juristes français et chinois un débat, et même, dans certains cas, une coopération fructueuse, dont les effets sur l'intelligentsia et la haute fonction publique chinoises sont réels et pourraient être renforcés. De nouveaux sujets de débat pourraient être la place des droits économiques et sociaux dans les droits de l'homme ou encore le rôle de l'Etat et du droit dans le processus de développement. Une deuxième suggestion serait de prendre appui sur la position chinoise en faveur de la multipolarisation du monde pour lancer un débat commun sur les conditions politiques, sociales et culturelles d'une évolution que les deux diplomaties entendent promouvoir. Un tel débat ne serait pas inutile en France, où l'on se gargarise souvent de déclarations d'intention. Il ferait aussi apparaître les contradictions de la politique

chinoise, qui désigne l'influence américaine mais détruit les monuments de la culture chinoise, exporte ses élites en Occident, américanise ses villes et maintient sous contrôle la vie sociale et culturelle.

 
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