Proposition de résolution sur la Tunisie selon l'article 49 du règlement
déposée par Olivier Dupuis, Marco Pannella, Emma Bonino, Gianfranco Dell'Alba, Benedetto Della Vedova, Maurizio Turco et Marco Cappato au nom du groupe TDI
Le Parlement européen
- vu la déclaration de Barcelone des 27 et 28 novembre 1995;
- vu l'article 2 de l'accord euro-méditerranéen;
- vu le Pacte national tunisien du 7 novembre 1988;
- vu sa résolution sur les droits de l'homme en Tunisie du 26 mai 1996;
A. prenant acte des recommandations faites par le Comité des Nations Unies contre la Torture aux autorités tunisiennes;
B. prenant acte du Rapport Spécial des Nations Unies sur la liberté d'expression et d'opinion en Tunisie;
C. profondément préoccupé par la détérioration croissante des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Tunisie ainsi que par la constante augmentation des violations dont sont victimes les opposants politiques de toute tendance, les familles de prisonniers et les défenseurs des droits de l'homme;
D. rappellant que l'Union ne peut en aucune façon continuer à cautionner une telle dérive policière, autocratique et antidémocratique;
E. rappellant aux autorités tunisiennes les engagements contractés lors de la signature des conventions internationales sur les droits civils et politiques ainsi que de l'accord d'association avec l'Union Européenne;
F. extrêmement préoccupé par l'état de santé du journaliste tunisien Toufik Ben Brik qui a entamé le 3 avril 2000 une grève de la faim afin que son passeport lui soit restitué, sa liberté de déplacement garantie, sa liberté d'opinion et d'expression pleinement reconnue et afin qu'il soit mis un terme à toute forme de harcèlement à son encontre ainsi qu'à l'encontre de sa famille;
G. soulignant qu'au cours des dernières années de telles pratiques ont été mises en oeuvre par les autorités tunisiennes à l'encontre de nombreux opposants politiques et de militants des droits de l'homme tunisiens et, notamment, à l'encontre de Mme Radia Nassraoui, de MM. Khémaïs Ksila, Mohammed Moadda;
H. déplorant les réactions de rejet et de répression du gouvernement de Tunis à l'égard des requêtes légitimes de M. Ben Brik et de nombreux autres militants des droits de l'homme, attitude contraire aux engagements pris par la Tunisie lors de la signature de l'Accord d'Association UE-Tunisie;
I. condamnant les violences dont ont été victimes le 26 avril dernier de nombreux militants des droits de l'homme qui manifestaient leur soutien à Taoufik Ben Brik et condamnant en particulier les agressions à l'encontre de plusieurs dirigeants et militants de différentes associations oeuvrant en faveur de la défense des droits de l'homme et pour l'établissement de l'Etat de Droit en Tunisie;
J. profondement attristé par la manière dont ont été organisées les funérailles du Président Bourguiba;
K. déplorant la condamnation de M. Jalel Zoghlami, frère de M. Ben Brik, à trois mois de prison ferme par la justice tunisienne pour soi-disante "voie de fait contre agents dans l'exercice de leurs fonctions, attroupement illégal et incitation des citoyens à la révolte" et extrêmement préoccupé par son état de santé suite à sa décision de commencer en prison une grève de la faim;
L. préoccupé par les informations relatives à l'arrestation d'une dizaine de responsables des forces de sécurité tunisiennes ayant manifesté des critiques à l'encontre de la gestion de la crise par le gouvernement tunisien;
M. ayant pris connaissance de l'appel du Conseil de l'Ordre national des avocats tunisiens à la grève générale du 28 avril dernier pour protester contre les violences policières et pour la conquête des libertés démocratiques, constatant le large suivi qui a été donné à cet appel et soulignant le fait qu'il constitue un signal important du profond malaise existant aujourd'hui dans de larges couches de la population à l'égard de la politique autoritaire du régime de M. Ben Ali;
N. regretant que la Tunisie n'ait pas encore aboli la peine de mort;
O. considérant négativement le contrôle et la censure directs et indirects exercés par les autorités tunisiennes sur la presse locale et étrangère ainsi que les contrôles et les filtres imposés par les autorités tunisiennes à Internet allant jusqu'à la censure du site des Nations Unies;
P. condamnant le recours aux campagnes de presse diffamatoires à l'encontre d'opposants et de militants des droits de l'homme organisées par les autorités tunisiennes au travers d'articles calomnieux et de publications anonymes;
Q. convaincu que le processus de modernisation de la Tunisie ne pourra être mené à bien sans l'instauration d'un système pleinement démocratique, permettant notamment l'émergence d'une opposition qui puisse se constituer en alternative démocratique et électorale au gouvernement en place;
R. regrettant que les autorités tunisiennes n'aient pas voulu saisir l'occasion des dernières élections présidentielles pour organiser des élections véritablement libres et équitables et démontrer par là leur volonté d'établir un véritable Etat de Droit;
S. regrettant la décision des autorités tunisiennes d'empêcher Me Radia Nasraoui de participer à une rencontre organisée par Amnesty International en Belgique;
1. demande à la Présidence en exercice du Conseil de convoquer dans les plus brefs délais une réunion extraordinaire du Conseil d'association UE-Tunisie qui ait à son ordre du jour la question des droits de l'homme en Tunisie, la question des derniers événements ainsi que la grave dérive autoritaire constatée depuis désormais plusieurs années en Tunisie;
2. demande aux autorités tunisiennes de mettre un terme immédiatement à toute violation de droits de l'homme, toute politique et pratique visant à restreindre ou à annuler les libertés fondamentales des citoyens tunisiens;
3. demande aux autorités tunisiennes de promouvoir sans délai dans les secteurs politique, judiciaire, social, culturel et économique les réformes indispensables à l'établissement d'un véritable Etat de Droit fondé sur le respect et la promotion des libertés fondamentales et des Droits de l'Homme;
4. demande que tous les prisonniers d'opinion soient libérés, que soit promulguée une loi d'amnistie générale pour tous les Tunisiens poursuivis ou jugés pour leurs opinions ou pour leurs activités politiques pacifiques et demande la grâce pour M. Hama Hamami;
5. demande qu'une révision de tous les procès qui se sont déroulés dans des conditions contraires aux normes internationales reconnues en matière de procès équitable ait lieu rapidement, à commencer par celui de M. Jalel Zoghlami;
6. demande aux autorités tunisiennes d'adopter toutes mesures permettant de combattre les pratiques avérées de torture;
7. demande aux autorités tunisiennes d'instaurer rapidement un moratoire sur les exécutions capitales, et ce dans le cadre d'un processus de réformes visant à la complète abolition de la peine de mort;
8. demande aux autorités tunisiennes de renoncer à la pratique de confiscation et de remise arbitraires des documents de voyage;
9. invite les autorités de la République tunisienne à procéder à la révision du Code de la presse et de toute la législation pertinente de manière à garantir effectivement le principe de la liberté d'expression et d'information ainsi qu'à la révision de la loi sur les associations et à la législation pertinente de manière à ce que la liberté d'association relève d'un régime déclaratif et non plus d'un régime d'autorisation préalable;
10. demande à la Commission et au Conseil qu'en l'absence de signaux clairs des autorités tunisiennes quant à leur volonté d'apporter des réponses aux requêtes légitimes du peuple tunisien et de la communauté internationale en faveur de l'établissement de la démocratie et de l'Etat de Droit, la procédure de suspension de l'Accord d'association UE-Tunisie soit mise en oeuvre;
11. demande qu'une mission d'évaluation de l'Union soit envoyée le plus rapidement possible en Tunisie pour y rencontrer des représentants des différentes organisations oeuvrant pour les droits de l'homme en Tunisie et des représentants de la société civile;
12. demande aux autorités tunisiennes de lever tous les obstacles à l'organisation en toute indépendance d'un congrès de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme;
13. demande aux autorités tunisiennes de procéder à la reconnaissance légale de l'association RAID et de garantir la liberté d'action au secrétaire tunisien d'Amnesty International, ainsi qu'au Conseil National des Libertés en Tunisie;
11. Charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil et aux autorités de la République tunisienne.