Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
sab 03 mag. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Partito radicale
Partito Radicale Centro Radicale - 15 giugno 2000
Serbie/Kosovo:
La situation ne se débloquera pas tant que les Occidentaux ne garantiront pas à la Serbie un territoire stable en échange de l'autodétermination des Albanais.

Le piège du Kosovo

Par PATRICE CHAMPION

Patrice Champion est l'ancien directeur du centre culturel français de Belgrade (1990-1994).

Libération, le mercredi 14 juin 2000

Il y a peu de chances de voir la situation s'améliorer au Kosovo, il y a même plus à redouter qu'elle ne se détériore dans un avenir proche. La raison en est que nous n'avons pas su cerner ce contre quoi nous combattions. Ce n'est pas polémiquer que de constater que nous avons beaucoup tâtonné dans notre approche des conflits balkaniques de cette dernière décennie.

Nous avons commencé par refuser de prendre parti en adoptant une attitude de neutralité et, ce faisant, nous avons encouragé l'agression serbe. Dans un deuxième temps, en 1995, nous avons haussé le ton envers les Serbes et avons abouti au compromis de Dayton. Enfin, en 1999, nous nous sommes résignés à faire la guerre aux Serbes, tout en le niant, au nom des droits de l'homme, pour aboutir encore à un compromis, celui de la résolution 1244 de l'ONU. Dans le même temps, nous avons enfin désigné l'ennemi, Milosevic, dont la diabolisation a été l'un des leitmotive des discours guerriers des dirigeants occidentaux, pendant les bombardements de l'Otan contre les infrastructures de la Serbie. Cette mise en cause directe et radicale du président yougoslave s'est accompagnée d'une disculpation de son peuple, considéré comme la victime innocente de son chef.

Si Milosevic doit être tenu comme le principal responsable des guerres qui se sont succédé entre 1991 et 1999 sur le territoire de l'ex-fédération yougoslave, il s'agit de définir avec précision ce qu'est Milosevic, ce qui fait sa force et lui donne son pouvoir. Il est l'incarnation d'une idéologie, plus encore d'un esprit, d'une mystique. Les deux traits marquants de cet esprit, et qui se nourrissent l'un l'autre, sont une conception circulaire de l'histoire et une identité nationale déterritorialisée.

Expliquons-nous: l'histoire, dans l'esprit serbe qui a nourri la politique de Milosevic, est conçue comme un éternel retour. Les ennemis d'autrefois sont redevenus les ennemis d'aujourd'hui. L'histoire est un cercle qui menace d'annihiler le centre où se tient l'âme du peuple serbe. D'où l'idée de vengeance légitime, qui provoque chez un peuple une fusion charnelle et mystique avec un esprit ou un corps national. Cet esprit n'a pas été sans évoquer, dans une partie de notre mémoire collective, et donc personnelle, une sorte de trouble affectif, comme une nostalgie reconnaissante.

Quant à l'identité nationale serbe, l'autre versant de l'esprit serbe, elle est celle d'une nation errante, qui lui donne le sentiment désespéré et exalté d'être un grand peuple élu pour un destin grandiose et funeste tout à la fois. Sa géographie est partout et nulle part. Elle est en même temps tombale et céleste.Sa hantise paradoxale est d'être située dans le temps et dans l'espace.

Faute d'avoir bien défini à quel ennemi nous avions affaire, nous nous trouvons aujourd'hui pris au piège: les incidents vont se multiplier au Kosovo, le sang des victimes serbes va ressourcer l'esprit serbe qui, une fois de plus, nous surprendra par les ravages qu'il sait produire. La République serbe de Bosnie est en elle-même un abcès de fixation qui n'est pas près d'être crevé. Quant au Monténégro, et même la Macédoine, ce sont autant de cartes que Milosevic peut manipuler quand il jugera le moment opportun.

Que faut-il donc faire? La politique qui semble être suivie aujourd'hui par les responsables occidentaux est d'attendre la chute de Milosevic. C'est très insuffisant pour trois raisons: premièrement, parce que rien ne nous dit que son successeur mènera une politique différente. Deuxièmement, parce qu'on constate que l'opposition ne s'oppose pas (sa faiblesse, soit dit en passant, est à la mesure de notre faiblesse dans notre stratégie à l'égard de Milosevic), et est bien loin de renverser le pouvoir en place. Et troisièmement, il n'est jamais bon d'attendre et de laisser l'initiative à l'adversaire.

La conclusion s'impose d'elle-même: si l'on est déterminé à réussir la paix, il faut tarir l'une des deux sources de l'esprit serbe d'où Milosevic tire toute sa force, en redonnant à la Serbie une géographie et une identité précises, seules conditions permettant au peuple serbe d'intégrer notre contemporanéité. En d'autres termes, il faut libérer la Serbie du masque yougoslave, lui garantir son territoire et accompagner la séparation nécessaire des Albanais du Kosovo. Le sang kosovar, lui, n'est pas tout à fait sec.

Si la Serbie l'accepte, c'est de bon gré que l'Europe engagera un dialogue avec elle et s'attachera à lui apporter tout son soutien dans la construction d'un Etat de droit, démocratique et fort, et économiquement moderne. A l'Europe donc de convaincre la Serbie que cette Yougoslavie croupion est devenue sa prison, et que son indépendance dans des frontières stables est la condition indispensable de son renouveau. Soyons nous-mêmes certains que le peuple serbe, lassé des conséquences maléfiques de sa folie, en concevra des raisons d'espérer. Au cours des six mois qui viennent, la France assumera la présidence européenne. Il lui incombe de prendre des initiatives fortes, au nom de l'Union européenne, mais aussi en son nom propre, car elle a des responsabilités historiques à l'égard de la Serbie. Ce pourrait être aussi l'occasion de montrer à la Serbie et à d'autres que la construction européenne n'efface pas les nations, ni la mondialisation l'histoire.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail