Strasbourg, le 15 juin 2000.
Débat d'urgence sur les libertés fondamentales en Serbie et au Kosovo - intervention d'Olivier Dupuis
Dupuis (TDI). - Monsieur le Président, chers collègues, cette résolution affronte de façon précise un certain nombre de problèmes concrets. Je ne vais pas les répéter, notre présidente, Doris Pack, les a expliqués mieux que nous ne pourrions le faire. Je veux seulement souligner la question des prisonniers kosovars, comme l'a fait aussi Mme Schroedter. C'est un problème fondamental et il faut persévérer dans notre action, même si nous savons que nous n'avons pas beaucoup d'armes pour peser sur le régime de Belgrade. Évidemment il y a aussi toutes les répressions en Serbie. Mais pour la première fois, je vous avouerai que je nourris un certain optimisme quant à l'évolution du régime de Belgrade, quant à la possibilité de le voir assez rapidement s'écrouler. Je songe notamment au mouvement des étudiants, le mouvement Otpor plus ou moins clandestin, et à ce sujet, je pense que l'acharnement avec lequel il est réprimé et poursuivi par les sbires de Milosevic est un bon signe de sa force. Cela dit, je pense qu'il
est temps, chers collègues, que le Parlement européen et aussi la Commission et le Conseil engagent un débat - et je sais que la présidente de notre délégation ne partage pas tout à fait ce point de vue - sur le statut futur du Kosovo, sur le statut futur de la Bosnie, et donc aussi, directement, sur celui de la Serbie. L'incertitude qui entoure aujour-d'hui le statut définitif du Kosovo est une source d'instabilité, une source d'encouragement aux extrémismes de tous bords, une source de non-développement, parce que cette situation n'encourage certainement pas les investissements étrangers. Il est un autre fait qui doit retenir notre attention: la présence, dans un pays de moins de deux millions d'habitants, de plus de cinquante mille occidentaux avec un niveau de vie de 10 fois, 15 fois, 20 fois supérieur à celui des Kosovars ne va pas sans poser de nombreux problèmes en termes de discriminations et d'inégalités, ne va pas sans effets secondaires, pas toujours si secondaires que cela d'ailleurs, très impor
tants et souvent très délicats, voire carrément négatifs. Disant cela, je ne remets pas du tout en cause le rôle de la KFOR, le rôle des Nations unies au Kosovo, mais nous ne pouvons pas penser et concevoir une "occupation" du Kosovo pendant de longues années sans courir de grands risques. Donc, il faut que nous affrontions sans tabous la question du statut final de ce qui était l'ex-Yougoslavie. Six ans après la signature des accords de Dayton, c'était en 1995, avec une Bosnie qui n'est toujours pas un pays où les choses fonctionnent bien, avec une Bosnie composée de deux, voire trois entités, il est urgent que nous mettions à plat tous ces problèmes et que la Commission et le Conseil nous proposent des moyens de dépasser ces situations qui ont été conçues comme transitoires. Il faut qu'ils nous proposent des voies de sortie pour mettre en place une situation à partir de laquelle il sera possible d'imaginer l'intégration de ces pays à l'Union européenne. En particulier, je pense qu'on ne peut pas éluder l'i
dée d'une fédération entre le Kosovo et l'Albanie, qu'on ne pourra pas éviter non plus des rattachements entre certaines parties de la Bosnie et la Serbie. C'est le résultat d'une politique qu'assurément nous n'avons pas voulue, nous les radicaux, mais qui a été voulue par la communauté internationale et nous ne pouvons plus nous fermer les yeux.
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