REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE
INTERVENTION DE
Son Excellence Abdelaziz BOUTEFLIKA
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ALGERIENNE
DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE
AU " SOMMET DU MILLENAIRE"
New York, 6 Septembre 2000
Madame et Monsieur les Co-Pr sidents,
Monsieur le Secr taire G n ral,
Mesdames et Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Ce sommet est exceptionnel d'abord par le nombre particuli rement important des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui y participent. Il l'est aussi par sa solennit et par sa charge symbolique. Car nous nous trouvons ß l'ouverture d'un nouveau mill naire, et nous voulons ici tre les interpr tes de nos peuples et exprimer leurs inqui tudes et leurs interrogations, en ce qui concerne leur devenir et celui de leurs g n rations futures.
S'il est devenu banal de faire tat des progr s effarants de la science et de la technologie, il n'en reste pas moins que leurs effets sur notre vie quotidienne et sur celle de nos soci t s ne sont pas encore tous connus et peuvent donner lieu aux sp culations les plus hasardeuses. La conqu te de l'espace et les avanc es souvent ahurissantes de la g n tique peuvent donner l'impression d'une puissance d sormais illimit e acquise par l'homme sur la nature et sur l'univers, mais laissent subsister sur terre des maux qui frappent la plus grande partie de l'humanit et auxquels nous ne trouvons pas encore de solution. Le d veloppement des moyens de communication, encore impensable il y a seulement quelques ann es, a certes r duit les dimensions de notre monde, mais a-t-il pour autant augment le sentiment de solidarit parmi les hommes et parmi les peuples ? Nous savons que ce r tr cissement de notre univers conduit vers une mondialisation inexorable, ß laquelle nul d'entre nous ne peut chapper et qui pr sage da
ns un futur peut- tre pas tr s lointain, un v ritable bouleversement dans les structures et dans les comportements de nos soci t s et de la communaut mondiale dans son ensemble.
Ces changements inqui tent par leur ampleur, leur brutalit et surtout parce qu'ils semblent chapper ß notre volont . Il faut s'y soumettre, s'y adapter ou se condamner ß rester en marge de la vie moderne, dans l'incapacit de d terminer son destin ou d'agir sur lui' Dans cette course folle dans laquelle nous entra nent les nouvelles d couvertes de la science et de la technique, saurons-nous conserver un semblant de libre-arbitre, arr ter nos choix, fixer nos priorit s et pr server les valeurs morales sur lesquelles se sont construites nos civilisations ?
L'angoisse l gitime que suscitent ces questions est encore plus sensible dans nos pays sous-d velopp s, o· nos structures conomiques, sociales et m me culturelles sont plus vuln rables ß ces agressions du progr s et aux contraintes d'une mondialisation qui s'insinue progressivement mais in luctablement dans notre vie de tous les jours et qui r duit chaque jour davantage notre espace de libert . A l'aube du XXI si cle, c'est donc avec la plus grande incertitude et non sans inqui tude que nous nous demandons quelle place occuperont nos pays dans le monde de demain, un monde fond sur la loi inexorable de la puissance et r gi par les r gles inflexibles du march .
Pourrons-nous encore faire entendre notre voix dans les d bats qui vont d cider de notre avenir, ou bien retomberons-nous dans une sorte de servitude d guis e o· nous redeviendrons les objets conscients ou inconscients de calculs dont les dimensions nous d passent largement ? L'id e de d mocratie a fait son chemin dans le monde et commence ß impr gner la vie politique dans nos pays ; la culture d mocratique se r pand ß travers les couches sociales en m me temps que se d veloppe le niveau intellectuel de nos populations. Par contre, la vie internationale s' loigne de plus en plus de la pratique con d mocratique, concentrant le pouvoir de d cision aux mains des grandes puissances et au mieux ß celles des pays d velopp s.
Mais lß encore, les choses sont en train de changer car, sous l'effet de la mondialisation, m me les d cisions de nature politique sont command es par des consid rations conomiques, ce qui met en sc ne les puissances conomiques le plus souvent multinationales et met en exergue les lois du march qui dominent d sormais le champ de la diplomatie traditionnelle.
Comme vient de le dire un conomiste distingu , observateur averti de la sc ne internationale : " Les n gociateurs ß l'ancienne n'ont plus d'autre r le que celui de suppl tifs des commis voyageurs de haut vol des banques et des multinationales.".
Pour tout dire, le monde est en train de se d shumaniser, et c'est ce qui suscite dans tous les pays du Sud cette angoisse dont j'ai parl , et qui est pour nous une caract ristique de notre entr e dans le troisi me mill naire. Alors que la prosp rit des pays riches augmente et s'oriente vers des perspectives encore plus prometteuses, nos pays v g tent dans un sous-d veloppement que le poids d'une dette persistante les emp che ß jamais de vaincre. Pourrons-nous donc un jour nous lib rer de ce joug crasant et consacrer enfin nos ressources ß notre d veloppement et au bien- tre de nos populations ? Nous commen ons ß peine ß nous tenir debout qu'on nous engage dans une comp tition o· nous n'avons aucune chance de rivaliser avec des concurrents autrement mieux arm s que nous. La mondialisation rapproche certes tous les peuples du monde, mais elle exclut la notion de solidarit qui tend ß tre remplac e par celle, plus rigide et plus spartiate, de la comp titivit .
Ce sommet extraordinaire doit prendre conscience des dangers que rec le l' volution actuelle du monde. C'est un cri d'alarme que nous sommes venus pousser ici, non pas pour ternir l'exaltation que nous partageons avec tous de voir l'homme tendre sa puissance et sa domination sur la nature, mais pour mettre en garde contre le prix qu'il y aurait ß payer si la plus grande partie de l'humanit se trouvait marginalis e dans une soci t internationale fond e sur la notion exclusive du profit mat riel.
L'ONU reste pour nous l'organisation capable d'enregistrer nos craintes et de tenter d'y trouver des r ponses ad quates, Cette organisation a surv cu ß tous les avatars de la communaut internationale et nul ne peut mettre en doute les services ind niables qu'elle a rendus ß la paix dans le monde. Sans doute faudra -t-il bien qu'elle se pr te ß un ravalement qui la remette au go t du jour, et ß ce sujet, les analyses et les suggestions contenues dans le rapport du Secr taire G n ral nous paraissent tout ß fait pertinentes. Pour ne signaler que l'une des observations de ce rapport, il est vident que le jeu des relations internationales qui se faisait exclusivement entre les Etats, fait intervenir de plus en plus et dans des domaines de plus en plus vari s, ce qu'on est convenu d'appeler la soci t civile, repr sent e par les Organisations Non Gouvernementales. Je pense personnellement que le r le des ONG doit tre reconnu et qu'il est de l'int r t de tous de pr ciser le statut des ONG dans l'activit intern
ationale.
Mesdames, Messieurs,
Je me limiterai ß ces quelques observations, puisque le temps de parole nous est rigoureusement limit . Je souhaite que ce sommet aboutisse ß une prise de conscience des certitudes et des appr hensions de nos peuples, au moment o· l'humanit fait son entr e dans un nouveau mill naire.
Je vous remercie