Communiqué de presse
"Après l'audition des plus hauts magistrats du Royaume, des responsables de la Gendarmerie qui n'ont eu de cesse de demander toujours plus de répression, plus de moyens pour continuer et intensifier la guerre à la drogue avec des méthodes qui mettent en péril les libertés fondamentales de tout citoyen et donc finalement les règles de la démocratie, aujourd'hui nous pouvons mesurer la faillite incroyable du système carcéral, la misère inhumaine, physique et morale, dans laquelle vivent des milliers de personnes, détenus et gardiens, victimes pour la plus part de la prohibition et de l'anti drogue".
Groupe de travail parlementaire sur les drogues.
Séance du 19 mars 1996: LA DROGUE EN PRISON
AUDITIONS du DR VAN MOL, chef de service auprès de l'administration pénitencière, de MONSIEUR VANWINGH, directeur de la prison de ST GILLES, de MONSIEUR MENTENS, directeur de la prison de Termonde, et de MONSIEUR LIBERT et MONSIEUR BOSMANS, visiteurs de prison.
Le docteur Van Mol a commencé son intervention par déplorer la perte de tout contrôle sur les services médicaux des prisons suite A la situation catastrophique de la toxicomanie dans toutes les prisons du Royaume. Cela concerne, pour la Belgique, quelque 7500 détenus et 4500 surveillants. Il suffit de rappeler quelques chiffres : en 1970, on enregistrait un pour cent de détenus pour faits de drogue, aujourd'hui, près de 50 % sont concernés. De plus beaucoup de drogués arrivent dans un état déplorable : pour une cinquantaine de patients séropositifs qui sont dans un état grave, cela coûte cinq millions de fb par an à la collectivité.
"SEUL REMEDE POUR LES DROGUES..SEVRAGE FORCE.
Malgré la drogue qui circule en prison avec toute la violence qui l'accompagne pour maintenir les circuits d'approvisionnement, le docteur Van Mol préconise le sevrage physique des toxicomanes afin de protéger les autres détenus, car dit il ce sont avant tout des délinquants dont la thérapie a échoué. Le sevrage forcé en milieu carcéral présente une situation d'ailleurs plus favorable qu'à l'extérieur ou les services sociaux sont obligés de leur courir après.
"NI WHISKY, NI METHADONE!"
En ce qui concerne les traitements de substitution, à la méthadone, le Dr Van Mol s'y oppose complètement : si le toxicomane n'est pas soutenu par un encadrement psycho social adéquat, la méthadone n'est qu'une drogue en plus. "Comme si pour les alcooliques, on leur donnait du whisky en prison!""PAS DE LIBRE TRAITEMENT EN PRISON"
Le docteur Van Mol s'est ensuite étendu sur la question du libre choix du médecin : le droit à la santé est un droit fondamental. Ainsi, en pratique chaque détenu a le droit d'avoir d'un médecin de son choix, mais il ne peut être question de passer outre l'avis du médecin des établissements pénitenciers. Vu certaines procédures en référé, les juges ont estimé que les traitements à la méthadone devaient être administrés en prison. Cette situation est absurde car en cas de refus de prescription de tout psychotrope, chacun pourrait s'en fournir à l'extérieur, par des médecins qui prescrivent trop facilement.
Le directeur de la prison de Tremonde, Monsieur MENTENS, où existe une section anti drogue a ensuite décrit l'expérience menée depuis 1991 dans sa prison : dans un cadre ouvert, avec des contrats de travail, des possibilités de loisirs et nombres de contrôles et de tests pour détecter la présence de drogue, quelque 121 détenus volontaires et motivés ont pu bénéficier d'un meilleur environnement carcéral sans drogue.
"LA REPRESSION A FAIT FAILLITE"
La commission parlementaire a ensuite entendu Monsieur VANWINGH, directeur de la prison de ST Gilles. Rappelant l'augmentation spectaculaire des détenus pour faits de drogue et aussi la promiscuité incroyable qui existe entre eux, entre drogués et non drogués et surtout les mineurs d'âge qui les côtoyent (130 en Belgique), il a dit sa conviction que l'approche répressive ne donne aucun résultat. Le nombre de toxicomanes ne diminuant pas, la répression fait plus de mal que de bien. Il faut donc aller vers la dépénalisation progressive des drogues.
Interrogations sur les bancs des députés
de Madame Van de Casteele (VU), à l'adresse du Dr Van Mol, disant que le cannabis, légalisé ou non, ne serait pas mis plus à disposition des détenus que l'alcool;
du Docteur Van Erps (CVP) qui se demande ce que font les consommateurs en prison ? Pourquoi n'existe-t-il pas des centres d'accueil spécialisés pour toxicomanes détenus ?,
de Vincent Decroly (ECOLO) qui s'interroge sur la politique menée depuis des années :il y voit la position intenable du personnel des prisons, la répression des drogues en prison qui provoque le passage obligé vers les drogues dures, car elles sont moins détectables et plus performantes, les différences de traitements entre chaque prison, les privations de soins qui sont de la non assistance à personne en danger.
de Monsieur Van Deurzen (CVP), étonné par les propos de Mr Vanwingh : existe-t-il d'autres moyens que la répression pour certains toxicomanes ?
de Monsieur Viseur(PSC) qui demande s'il faut une libéralisation totale ou partielle des drogues ?
de Frans Lozie (AGALEV) qui se demande finalement ce que font les dealers en prison ? Il serait plus avantageux de leur confisquer leurs biens."LA PRISON CONFIRME LE ROLE DE VICTIME"
Ensuite dans un large exposé, Vincent Libert, responsable de programme de formation en milieu carcéral a démonté tous les mécanismes pervers auxquels les différents acteurs sont confrontés.
"La réalité est polymorphe : ce qui guide nos réflexions, c'est la peur du produit, la peur du toxicomane. Cela conduit à la répression. La solution sera toujours provisoire et partielle. Envers les toxicomanes en prison, nous demandons la même souplesse que l'on demande aux familles."
"Le problème de la drogue en prison, en réalité c'est le dosage :ni trop, ni trop peu, sinon c'est ingérable.
"En fait l'incarcération confirme pour le toxicomane son rôle de victime: c'est un grand danger contre l'idée qu'il vaudrait mieux tenter de les responsabiliser. Mais ceci demanderait d'autres moyens, d'autres énergies.
Vincent Libert conclut en axant son travail de prévention vers une meilleure valorisation du personnel carcéral, garantie la meilleure pour la réinsertion des toxicomanes.
"LEGALISATION ET RESPONSABILITE"
Monsieur Bosmans de l'association CAPITI pour l'assistance aux détenus a dénoncé la loi de '75, qui est une loi de rupture, et qui postule l'incapacité individuelle à gérer de manière responsable sa consommation de drogue. Une loi d'interdit total qui n'offre aucune possibilité de domestication de l'usage, ni de pouvoir le transmettre aux générations suivantes comme pour les drogues légales.
Il préconise dès lors de revoir la loi, de légaliser en faisant la distinction entre usage doux et dur des drogues, de s'aligner sur les normes de l'alcool et de sortir l'usage des produits de la clandestinité.
Coordination Radicale Antiprohibitionniste
REM 5.08, 97 rue Belliard, 1047 Bruxelles