AFP 21/3/1995

BRUXELLES L'impossible retour des réfugiés rwandais dans leur pays va contraindre la communauté internationale à poursuivre son effort humanitaire, mais cette situation ne pourra pas durer longtemps, a déclaré mardi à Bruxelles le Haut commissaire aux réfugiés (HCR) des Nations Unies, Mme Sadako Ogata.

Mme Ogata s'était déplacée à Bruxelles pour rencontrer les responsables de la Commission européenne, et notamment le commissaire européen chargé de l'aide humanitaire, l'Italienne Emma Bonino, qui s'était rendue la semaine dernière au Rwanda, au Zaïre et au Burundi.

L'Union européenne et les Etats membres sont les plus importants contributeurs au budget du HCR: 243 millions de dollars en 1994 sur un budget total de 1,06 milliard de dollars.

Mmes Ogata et Bonino ont étudié les différentes actions humanitaires menées dans le monde et décidé d'intensifier les relations bilatérales entre le HCR et la Commission européenne en raison de la multiplication des "micro conflits" et des crises humanitaires qu'ils engendrent.

Un groupe composé de hauts fonctionnaires des deux institutions se réunira fin avril début mai dans ce but, a annoncé Mme Bonino.

"La tâche est énorme et je ne sais pas si nous pourrons continuer longtemps", a déclaré Mme Ogata. "La solution est le retour de ces réfugiés dans leur pays, mais les Rwandais ne sont pas tout à fait prêts pour une réconciliation nationale", a t elle ajouté.

"L'aide ne peut pas durer indéfiniment. Elle a un impact financier énorme", a pour sa part souligné Mme Bonino. Dressant le même constat que Mme Ogata, le commissaire européen a estimé que l'effort financier de la communauté internationale "devrait se poursuivre pour permettre à ces réfugiés de rester dans les camps, mais en leur disant que ce ne sera pas éternel", a t elle ajouté.

Le gouvernement rwandais affirme que parmi les réfugiés, pour l'essentiel des Hutus, se cachent les responsables du génocide qui a coûté la vie à 500.000 Tutsis et Hutus modérés l'année dernière. Les autorités rwandaises entendent que ces criminels soient jugés, mais le système juridique au Rwanda est encore inexistant.

Les autorités rwandaises estiment en outre être dans l'incapacité d'accueillir tous les réfugiés, d'autant que, selon elles, près d'un million de Tutsis qui avaient fui leur pays, il y a 20 ans, sont rentrés au Rwanda.

L'enjeu pour le HCR est désormais d'assurer la sécurité dans les camps de réfugiés rwandais, menacés par des ruptures d'approvisionnement, et d'aider à une amélioration de la situation au Rwanda afin de permettre le retour des réfugiés, a déclaré Mme Ogata.

Or les demandes sont énormes et les appels de fonds lancés auprès de la communauté internationale tardent à obtenir une réponse, a souligné Mme Ogata.

La Commission européenne vient ainsi de débloquer d'urgence 6.000 tonnes de nourriture stockées au Soudan pour permettre la poursuite de l'approvisionnement des camps de réfugiés rwandais au Zaïre, en Tanzanie et au Burundi, a annoncé Mme Bonino.

"Mais l'effort pour alimenter ces 2,2 millions de réfugiés dépasse les possibilités d'action à long terme de la communauté internationale", a averti le commissaire européen.