14 mars 1995
SPEAKING NOTE
Suite aux dernières évolutions dans l'affaire de l'arraisonnement illégal en haute mer du navire de pêche communautaire ESTAI et malgrè les exhortations du Conseil de l'Union européenne à l'attention du Canada , je souhaite faire le point sur trois éléments fondamentaux de ce dossier:
1 ) L'illégalité des actions entreprises par le Canada ;
2 ) La mésinformation organisée par le Canada sur la gestion des ressources dans la NAFO;
3 ) Les enjeux commerciaux.
1 ) L'ILLEGALITE DES ACTIONS CANADIENNES.
Le 03 mars le Canada adopte des dispositions nationales qui l'autorise à arrêter des navires espagnols et portugais pêchant le flétan noir dans les eaux internationales, au large des 200 milles du Canada. Par la même occasion, unilatéralement, sans consultation des autres partenaires de la NAFO et en l'absence de tous éléments scientifiques et techniques pertinents en matière de conservation, le Canada décide d'établir un moratoire de 60 jours à compter du 6 mars, pour la pêche du flétan dans la NAFO.
Par Note Verbale, le 6 mars, l'Union a exhorté le Canada pour qu'il n'applique pas cette loi prise en violation:
1 ) des règles de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer;
2 ) des règles et procédures convenues dans le cadre de la Convention régionale de la NAFO, convention à laquelle le Canada est partie comme la Communauté européenne.
De même, l'Union refuse le principe d'un moratoire, considérant qu'avec la procédure d'objection, notifiée le 3 mars à la NAFO, les navires de pêche de l'Union peuvent légalement poursuivre leurs activités de pêche.
Entre temps, le Canada persiste dans son entêtement et malgrè les promesses de ne pas arraisonner de navire, tire 3 coups de canon de 50 m/m sur un navire communautaire l"ESTAI", l'arraisonne et sous l'escorte de 5 navires canadiens celui ci est conduit au port de St. Johns.
Avec fermeté et sans délai l'Union transmet une deuxième note verbale
- demandant la libération du navire comme condition sine qua non à la reprise de relations normales entre l'Union et le Canada;
- suspendant certaines affaires pendantes et réunions intéressant le Canada.
Le 12 mars, dimanche dernier, le navire ESTAI est amarré aux quais de St. Johns, donné en pâture aux "gentils pêcheurs canadiens" et le processus judiciaire est engagé. Je confirme à cet égard qu'une caution de 5 millions de CAN$ sera certainement demandé par le magistrat qui convoquera le capitain de l'ESTAI dans quelques heures.
En conséquence et parceque le Canada n'a pas accepter de revenir à la raison, quant il était encore temps, je considère que désormais les autorités canadiennes doivent s'abstenir d'appliquer les dispositions de la loi nationale canadienne du 3 mars 1995, qui est en violation flagrante du Droit international. Je considère que c'est la seule voie qui permettra la libération du navire ESTAI, de son capitaine, de son équipage et de sa cargaison et de ce fait autorisera la reprise des relations normales entre l'Union et le Canada.
En tout état de cause je suis prête a ouvrir des négociations dès que le navire, son équipage et sa cargaison seront libérés, et ceci dès demain matin à 9 heures.
Mais ce qui est le plus grave, c'est que tout ceci ne fait que concrétiser une volonté d'expansion de la juridiction canadienne sur la Haute mer. Ce viol organisé des règles et principes de droit n'est pas un fait isolé. C'est le fruit d'une longue et pernicieuse stratégie développée par le Canada contre le Droit de la mer, le Canada s'est arrogé des droits dans un espace maritime libre, la Haute mer. Aucun Etat ne peut accepter qu'un de ses navires de pêche, opérant dans le respect des règles en vigueur, soit arrêté de force dans les eaux internationales.
D'ailleurs, comment doit on comprendre le fait qu'il y a quelques mois le Canada se soit unilatéralement retiré de la Cour Internationale de Justice pour les affaires de pêche !
Le message doit être très clair sur ce point, aujourd'hui le Canada n'a pas seulement arraisoné un navire de l'Union pour satisfaire ses besoins internes et cacher son innéficacité en matière de gestion des pêches, le Canada a pris en otage la Communauté internationale en la mettant devant le fait accompli.
Pour compléter le tableau et revenir à la situation présente, je dois également vous faire part de la terreur que les autorités canadiennes font actuellemnt régner sur toute la zone NAFO, par un véritable harcélement radio et aérien.
2 ) LA MESINFORMATION SUR LA POLITIQUE DE CONSERVATION DES RESSOURCES DE P CHE.
Quant à l'argument avancé du côté canadien, qui laisse à penser que cette mesure permet d'améliorer la conservation des ressources halieutiques, je tiens à porter à votre connaissance plusieurs éléments.
Le premier est que "la protection de la ressource" est un argument vidé de sens, puisque l'Union européenne a toujours déclaré que dans aucun cas elle n'accepterait le dépassement des limites de capture prévues pour 1995, telles que fixées, unanimement, par la NAFO , c'est à dire 27.000 tonnes de flétan noir.
En fait, ce que le Canada souhaite occulter c'est que la querelle porte non pas sur "COMBIEN ON PEUT PECHER", puisque l'Union, comme toute les Parties contractantes de la NAFO, est d'accord, mais sur " QUI PEUT PECHER ?"
Le deuxième élément, c'est que contrairement à ce qui a été également rapporté par les autorités candiennes, la répartition du TAC de 27.000 tonnes, telle que décidée le 1er février par la NAFO, est caduque du fait de l'objection présentée par la Communauté européenne le 3 mars dernier, conformément aux règles et procédures de la NAFO.
D'ailleurs, il faut souligner que les prétentions canadiennes en visant à augmenter très sensiblement leur possibilités de pêche par rapport à ces dernières années, + 500%, en passant de 12 à 60 %, reflètent l'inexistence de véritables préoccupations "écologiques" du coté canadien. Par contre cette approche tenderait plutôt à démontrer l'existence d'intérêts économiques très importants!
Dernière exemple en date, de cette mésinformation du coté canadien, la déclaration de Mr. TOBIN hier au soir, indiquant que 79% de la cargaison à bord de l'ESTAI étaient des juvéniles. Ce que Mr. TOBIN s'est bien caché de dire, c'est qu'aucune limitation NAFO n'existe quant à la taille minimale du flétan, de plus il serait intéressant de savoir qu'elle est la composition des captures des autres navires et notamment des canadiens. N'oubliez pas que le Canada prétend pêcher 60% des 27 000 tonnes du TAC !!! J'ajoute que biologiquement, seuls les juvéniles sont chalutables.
En des termes plus généraux, pour bien faire comprendre que l'Union n'accepte plus d'être le bouc émissaire d'une faillite de la politique de gestion des ressources canadienne, je rappelle que:
3 ) LES ENJEUX
Je serais extêmement brève sur ce point car les données parlent d'elles mêmes.
Pour votre information sachez simplement que dans le secteur de la pêche le bilan des intérêts économiques entre l'Union et le Canada est plus profitable au Canada qu'à l'Union.
En effet, les exportations de l'Union à destination du Canada représentent 20 millions d'ECUS contre 300 millions d'ECUS pour les importations en provenance du Canada, dont 50.000.000 ECUS pour le homard.
Vous comprenderez dès lors que si des actions de retorsion devaient être mise en oeuvre celles ci ne pourront se limiter aux seuls échanges commerciaux de produits de la pêche.
CONCLUSION.
Autant je me réjouis des dernières décisions du Conseil à l'encontre du Canada, notamment celles visant à annuler ou reporter après le dénouement de cette affaire toute une série de réunions et mesures vis à vis du Canada ce qui démontre la solidarité nécessaire entre les Etats membres et la Commision pour dénoncer cet acte de piraterie;
autant je persiste a considéré que le retour à la normalité doit être précedé d'une initiative significative du coté canadien. Cette initiative ne peut être qu'un retour à la situation d'avant le 3 mars 1995.