Questions orales OREJA et autres
(Rapports de la scéance pléniaire du 10 au 14 juin 1991 à Strasbourg)
MM. Marcelino OREJA (PPE, E) et David MARTIN (Soc., RU) au nom de la commission institutionnelle estiment que les propositions avancées par la présidence luxembourgeoise ne permettent pas d'envisager une véritable Union européenne. Ils demandent au Conseil et à la Commission quelles initiatives ils pourraient entreprendre pour réaliser:
l'unicité du système institutionnel et juridique;
une hiérarchie des normes communautaires;
une procédure de codécision;
une cohésion économique et sociale et une politique sociale effective;
la citoyenneté de l'Union;
une politique étrangère et de sécurité comprenant la dimension défense et démocratiquement contrôlée;
une application effective du principe de subsidiarité et la participation des régions aux questions les concernant.
Pour M. Marcelino OREJA (PPE, E), il faut avancer vers l'Europe fédérale, fondée sur le principe de subsidiarité avec un Parlement fort doté d'un véritable pouvoir de codécision, une monnaie unique, une politique étrangère et de sécurité commune. Or, note-t-il, actuellement l'Union politique est affectée par un manque d'efficacité et de démocratie. Et la procédure de codécision prévue dans le "non paper" luxembourgeois est insatisfaisante.
Pour M. David MARTIN (Soc., RU) la codécision doit s'appliquer à tout ce qui touche au principe de coopération. Il demande que le mandat de la Commission coïncide avec la fin de la législature du Parlement européen. Et de déplorer que la cohésion économique et sociale soit toujours assise entre les deux chaises que sont l'UEM et l'Union politique.
Pour M. Emilio COLOMBO (PPE, I), le "non paper" luxembourgeois aboutit à "la juxtaposition de trois communautés". Quid de la sécurité et de l'avenir de l'UEO? D'autre part, il considère que la position de la Commission en sort affaiblie. Il insiste pour que les négociations se poursuivent dans une optique fédérale ce qui permettrait aux institutions de jouer leurs rôles respectifs. Le Parlement doit avoir un pouvoir législatif dans tous les domaines. Il regrette que la Commission n'ait pas indiqué sa position en ce qui concerne la citoyenneté (les droits et devoirs des citoyens européens découlant de fait de l'Union).
Pour le président en exercice du Conseil, M. Jacques POOS, il n'y a pas lieu d'être pessimiste, bien au contraire, le texte de la présidence du 16 avril dernier a servi de base de travail et depuis, des progrès réels ont été faits sur la voie d'une véritable Union européenne.
L'unicité du système institutionnel
Nous n'avons jamais eu l'intention d'accroître le caractère intergouvernemental de l'unification européenne, ni de toucher à l'acquis communautaire. Nous voulons le renforcement de l'acquis communautaire, l'intégration dans un cadre institutionnel unique de nouveaux domaines (politique extérieure, sécurité et coopération juridique) une orientation vers un ensemble à vocation fédérale.
Hiérarchie des normes
La loi sera caractérisée par son mode d'adoption: la codécision. Le champ de l'application de loi reste ouvert. Il faudra trouver un compromis entre ceux qui veulent une application systématique de la loi à tous les domaines et ceux qui sont encore contre l'idée même de codécision.
La codécision
La procédure proposée par la présidence a reçu un accueil plutôt positif. Elle prévoit la participation pleine et entière des deux branches de l'autorité législative à l'élaboration de la loi et a pour conséquence qu'aucune des deux branches ne peut légiférer contre la volonté de l'autre. Concernant la participation de la Commission à ce processus, la présidence fera des propositions.
L'investiture
L'investiture de la Commission par le Parlement figure déjà dans le projet d'avril, en revanche la "double investiture" ne rencontre pas l'approbation d'une majorité des délégations.
Cohésion économique et sociale
Certains pensent que la présidence est allée trop loin, d'autres souhaitent qu'elle aille plus loin.
Le dossier social
L'élargissement du champ d'application de la majorité qualifiée devrait faciliter la mise en oeuvre de la Charte sociale européenne.
La citoyenneté
Le citoyen européen bénéficiera, outre des droits déjà reconnus dans le Traité, de nouveaux droits fondamentaux, tels que la libre circulation, le libre séjourr, le droit de vote aux élections municipales et européennes et une meilleure protection dans les pays tiers.
Politique étrangère et de sécurité
La présidence prévoit l'information et la consultation du Parlement sur les choix fondamentaux et les grandes orientations de la politique étrangère et de sécurité commune.
La subsidiarité
Ce principe est reconnu par toutes les délégations.
Participation des régions
La présidence a soumis un projet de texte prévoyant l'instauration "d'une comité des régions" à caractère consultatif auprès du Comité économique et sociale.
Le principe de la codécision au Parlement-Conseil pose pour M. Karel DE GUCHT (LDR, B) le principe de la légitimité démocratique de la Communauté. Il espère une codécision qu'il qualifie de positive, c'est-à-dire qu'en cas de rejet d'un texte par le Parlement à une très grande majorité, le Conseil en tirerait les conséquences. Il estime que le Parlement doit pouvoir censurer s'il le faut la Commission, à la majorité relative. Il s'interroge sur le risque que pourrait faire peser l'intégration de l'assemblée parlementaire de l'UEO dans les institutions communautaires.
De son côté, M. Derek PRAG (DE, RU) insiste sur la nécessité pour le Parlement de pouvoir participer au processus législatif. Et de souhaiter pour le Parlement de nouvelles prérogatives qui éviteraient au Conseil d'avoir le dernier mot. Il espère que des procédures de concertation efficaces pourront s'instaurer entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Et de rappeler que les représentants démocratiquement élus du Parlement européen n'acceptent pas d'être inféodés aux représentants du COREPER et de fonctionnaires non élus.
La représentation politique européenne traverse une crise profonde, note Mme Claire JOANNY (Verts, F) pour qui les abandons de souveraineté consentis par les Etats membres devraient être compensés par une réforme institutionnelle. Elle ne peut accepter l'absence d'avancée démocratique revendiquée depuis si longttemps et insiste pour l'unicité de l'architecture européenne, seule capable d'apporter de nouvelles compétences à l'Union dans le cadre du principe de subsidiarité.
"Les peuples de l'Europe de l'Est tiennent la Communauté pour un modèle", précise M. Maurice DUVERGER (GUE, I) qui se demande si la grande Europe de l'Atlantique à Vladivostok ne va pas régresser. Et de dénoncer "l'autocratie" qui règne au sein de la CEE. Il demande que le Parlement soit doté des mêmes prérogatives que les parlements nationaux en Europe: pouvoir d'initiative, de vote et de contrôle. "Que faisons-nous ici, allons-nous rejouer la comédie italienne d'autrefois?". Il espère que quelle que soit la sensibilité des partisans du fédéralisme ou du confédéralisme, tous s'entendent pour réclamer l'application du principe de codécision inttégrale entre le Conseil et le Parlement. Et de menacer de brandir l'épée de Damoclès constituée par l'article 144 du Traité qui permet au Parlement de censurer la Commission.
M. François MUSSO (RDE, F) constate que la conférence intergouvernementale est à michemin de l'échéance prévue. Tout en espérant qu'elle arrivera à conclure ses travaux pour le mois de décembre, il souhaite voir défini ou redéfini le rôle de chacune des institutions.
Mais l'unicité, ajoute-t-il, ne doit pas faire confondre harmonie et uniformisation.
Estimant que la Commission doit garder ses prérogatives, il souligne que le Parlement est la seule Assemblée éluee de l'Europe des Douze et doit se voir reconnaître un pouvoir législatif.
Attention, dit-il, "il n'est pas question d'accorder d'une main ce qui serait repris de l'autre": il faut pouvoir partager toutes les prérogatives législatives dans tous les domaines, souligne-t-il.
L'annonce par le Président du Conseil en exercice de la création d'un comité consultatif des régions associé au comité économique et social satisfait M. Jaak VANDEMEULEBROUCKE (Arc, B) pour qui le volet régional est extrêmement important. Et de citer les propos du Président de la Commission, M. DELORS à Rome, partisan d'un dialogue direct avec les régions dans un souci d'efficacité. Il se déclare partisan d'un conseil des régions et demande que la Commission puisse prendre contact directement avec ces dernières.
Les périodes les plus brillantes de l'histoire européenne ne sont pas celles de l'unicité des Etats et des empires, rappelle M. Yvan BLOT (DR, F) qui cite les cités grecques, les villes d'Italie sous la renaissance ou les villes anséatiques en Allemagne.
La création d'un Etat supranational "ne garantit rien", mieux vaut une coopération entre les Etats, dans un cadre confédéral démocratique qui ferait une meilleure place aux parlements nationaux.
Il considère que le Conseil des ministres n'a pas un fonctionnement démocratique et dénonce "les pouvoirs exorbitants" de la Commission qui exerce un monopole. Il estime que cette dernière devrait jouer un rôle de seecrétariat général, pas plus.
M. Vassilis EPHREMIDIS (CG, G) taxe de "vagues" les déclarations du Conseil. "Cessons donc de tourner autour du pot", s'exclame-t-il, définissons des objectifs clairs. Il souligne qu'un fonctionnement vraiment démocratique des institutions nécessite d'amender les articles du traité de Rome. Et de réclamer que le Parlement soit en mesure d'exercer ses prérogatives. D'autre part, quid de la politique de défense?
Et de demander en conclusion que l'Europe n'ouvre pas sélectivement sa porte à certains pays et pas à d'autres.
Pour le Président de la Commission, M. Jacques DELORS, les perspectives de l'Union politique s'ordonnent autour de quatre thèmes: la structure du Traité, le renforcement des pouvoirs du Parlement européen, les dispositions sociales, l'avenir des régions.
La structure du Traité
Celle-ci suppose une harmonie, même si le processus de construction est graduel. Il se déclare partisan d'une Europe fédéraliste qui constitue la forme la plus achevée en matière d'efficacité et de transfert de pouvoir. Il souligne la nécessité de progresser dans les domaines des pouvoirs judiciaires, de la protection des personnes et de la politique extérieure.
Le renforcement des pouvoirs du Parlement
Il souligne que le principe de codécision voudrait que tout texte législatif soit voté à la majorité qualifié. Ce qui aurait, ajoute-t-il, pour mérite la simplicité (il n'y aurait plus de sujets secondaires) et permettrait une meilleure application du principe de subsidiarité. Ainsi, une distinction pourra s'opérer entre le bloc législatif et le bloc réglementaire. Il se déclare d'accord pour la création d'un Comité de conciliation, la vocation de la Commission n'étant pas de jouer le rôle de "filtre".
Les dispositions sociales
Le Traité en l'état ne permet pas d'avancer, dit-il. Il se prononce pour que la majorité qualifiée s'applique à nombre de dispositions sociales tout en excluant ce qui a trait au régime de sécurité sociale des pays membres, des disparités étant encore trop grandes.
L'avenir des régions
L'architecture des Douze repose sur trois échelons d'administration: communautaire, national, régional. Et de considérer que la collectivité régionale est la plus proche des citoyens. Observant que deux Etats (Allemagne et Belgique) possèdent des structures régionales et que les autres pays n'en ont pas, il propose deux formules:
soit associer au Comité économique et social, un comité des régions, ce qui aurait l'inconvénient de réunir des élus et des non-élus;
soit faire siéger auprès de la Commission une assemblée des régions qui présenterait trois ou quatre fois par an les projets.