(Questions orales HERMAN - docs B3-550 et 828/91)
(Rapports de la scéance pléniaire du 10 au 14 juin 1991 à Strasbourg)
Où en sont les travaux en matière d'Union économique et monétaire dans le cadre de la Conférence intergouvernementale, s'inquiètent les parlementaires.
Est-il acceptable de s'acheminer vers une structure où la Commission et le Parlement auraient un rôle réduit tandis que celui du Conseil et du Conseil européen serait accru? Que pensent-ils de la proposition britannique d'un "écu fort", celle de l'Espagne favorable à "un écu non dévalué", par rapport à la proposition de la Commission d"un écu gelé"?
Au cours de la période transitoire, quelle institution assumera la gestion de l'écu privé et de l'écu public et, qui sera chargé d'en promouvoir l'usage, avec quels moyens?
Le Conseil comme la Commission peuvent-ils expliquer la différence existant entre convergence et cohésion. Quels sont les moyens prévus pour les renforcer, avant le passage à la troisième phase.
Pour la période transitoire, un nouveau schéma est-il envisageable et si oui, avec quels objectifs?
Telles sont les questions posées par M. Fernand HERMAN (PPE, B) au nom de la commission économique et monétaire.
Illustrant son propos, M. HERMAN a fait part d'une triple inquiétude du Parlement devant l'évolution des négociations relatives à l'Union monétaire. Il s'inquiète de la dérive intergouvernementale notée dans le "non paper" de la présidence luxembourgeoise. En effet, facce à une banque centrale, il n'y a que le Conseil au lieu des trois institutions. Le Conseil Ecofin tend à créer une deuxième communauté de l'Union monétaire avec des règles et des principes propres et c'est la France qui s'acharne le plus à dépouiller le Parlement et la Commission de tout contrôle. Renforcer ainsi l'exécutif au niveau européen serait catastrophique: "20 gouvernements forts font un exécutif impuissant".
Deuxième inquiétude, la dérive antidémocratique. Sur 28 dispositions du "non paper", 25 se prennent à la majorité qualifiée au Conseil, 4 seulement impliquent le Parlement européen; une fois de plus le rôle du Parlement européen et des parlements nationaux est effacé.
Troisième inquiétude, la dérive des calendriers. Le Sommet de Rome adoptait un calendrier précis avec le passage à la deuxième phase en 1994 or, on est en train de parler de mise en place d'un "institut monétaire" en 1996 qui serait remplacé ultérieurement par une banque centrale... Tout cela n'est guère sérieux.
Le Président en exercice du Conseil, M. Jacques POOS, a répondu qu'il avait proposé aux différentes délégations de:
rester en accord avec l'esprit de Rome;
préserver un parallélisme entre l'intégration institutionnelle et les efforts en matière de convergence;
respecter les réalités économiques et sociales de la Communauté;
tenir compte de la nécessité d'une décision unanime à douze tout en évitant le blocage;
respecter le calendrrier;
tenir compte du fait de l'indivisibilité de la souveraineté monétaire et de l'accord de transférer le pouvoir monétaire au niveau central au début de la troisième phase;
préparer les populations à l'usage d'une monnaie unique, d'un écu fort et stable;
assurer le passage de la coopération monétaire du SME à l'approche de l'Union.
A noter qu'un pays a rappelé qu'il n'était pas en mesure d'accepter que soit imposée une politique monétaire unique et une monnaie unique.
Répondant ensuite aux questions posées par la commission économique et monétaire, le président en exercice a précisé que la proposition de la présidence tenait compte des différentes propositions présentées lors des négociations. En ce qui concerne l'Union monétaire, il a précisé qu'avant le passage à la troisième phase, les politiques monétaires sont étroitement coordonnées mais restent nationales. En ce qui concerne le rôle du Parlement européen et de la Commission, rien ne permet de conclure qu'il sera réduit.
L'objectif est l'instauration d'une monnaie unique, l'écu comportant au stade final la définition et la conduite d'une politique monétaire et de change unique. Dès le début de la phase transitoire, le développement de l'écu sera une des missions essentielles du futur Conseil des gouverneurs. La suggestion de la création d'un institut monétaire européen paraît intéressante; celui-ci reprendrait les fonctions exercées actuellement par le FECOM et doncc aussi la gestion de l'écu.
La convergence vise les politiques économiques et budgétaires (taux d'inflation, emploi, déficit public, compétitivité), la cohésion économique et sociale vise les disparités structurelles qui subsistent entre les pays de la CEE (PNB par tête, niveau de développement, infrastructures). Enfin la proposition de la présidence au sujet de la période transitoire en ce qui concerne notamment la convergence et la mise en place des instituions trouve un large soutien des Etats.
Dressant un bilan de l'état des travaux, le Président de la Commission, M. Jacques DELORS estime que l'on a bien avancé sur le versant de l'Union monétaire, notamment sur le contenu du statut de la Banque centrale européenne. Certes des nuances demeurent sur la question de savoir qui décide et conduit la politique extérieure. En revanche, versant union économique, trois problèmes se posent: la nature et la portée de la coopération entre les politiques nationales, la conception même d'une politique économique qui, selon l'orateur ne doit pas être réduite à la politique monétaire et budgétaire, l'ampleur des contraintes qui pèseront sur les Etats membres en matière budgétaire.
Des divergences existent également en ce qui concerne la prise en compte de la cohésion économique et sociale, le rôle de l'écu dans le processus d'intégration monétaire, la période de transition et les structures institutionnelles. L'approche institutionnelle de la Commiission est claire, elle veut une banque centrale indépendante et ne demande aucun accroissement de ses pouvoirs.
Les motivations de la Commission sont au nombre de trois: assurer la cohérence dans l'ensemble de la Communauté, renforcer l'efficacité, faciliter le contrôle démocratique. Dans ce cadre, il est normal que le Conseil européen fixe les grandes orientations de la politique en raison de son rôle d'impulsion. Quant au Parlement, il doit être associé à l'établissement de la législation secondaire et être en mesure par un vote d'approuver ou non les orientations générales de l'UEM et les modalités d'application. Et de s'élever contre le projet de la présidence luxembourgeoise de transformer la Communauté économique et monétaire en une "seconde Commission qui ne serait responsable devant personne".
Calendrier: la Commission entend rester dans le cadre fixé par le Conseil européen, passage à la deuxième phase au 1er janvier 1994 et la troisième en 1996, si certains pays éprouvent des difficultés, il est prêt à leur accorder une période de transition supplémentaire de deux ans. Pour ce faire, il est important de mener à bien la première phase, c'est-à-dire de progresser dans la surveillance multilatérale et dans la convergence.
L'écu: il faut bloquer la composition de l'écu et aider à sa diffusion (mais sur ce point, les Douze ne sont pas d'accord).
Convergence et cohésion: plus il y aura de convergence, plus on aura de croissance, d'emmplois et de solidarité. La cohésion économique et sociale est indispensable afin de donner toutes les chances aux régions en retard et en crise de la Communauté. En revanche, il n'est pas nécessaire de créer un fonds de compensation entre Etats membres, cela ne vaut que pour un système fédéral.
Le Parlement ignoré
M. Alman METTEN (Soc., NL) s'est violemment élevé contre les propositions de la présidence qui ignore tout contrôle démocratique de la part du Parlement européen et des parlements nationaux. Seule la codécision peut remédier au déficit démocratique, a-t-il affirmé avec vigueur. Quant à la création d'un "institut économique et financier", il représente une menace pour la Communauté.
M. Bouke BEUMER (PPE, B) a deux sujets d'inquiétude, le respect du calendrier décidé au Sommet de Rome, l'ignorance du rôle du Parlement européen. Et de poser un certain nombre de questions: que veut dire convergence exactement? Comment arrivera-t-on à la cohésion économique et monétaire? Quid du statut de l'institut monétaire après la première phase? Enfin, il n'est pas contre une période de transition plus longue pour les pays qui éprouveraient des difficultés.
Une transition courte
A l'inverse, M. Patrick COX (LDR, Irl.) s'est prononcé pour une phase transitoire courte avec la création d'un institut monétaire qui serait doté de responsabilités et se transformerait le plus vite possible en une banque centrale. Il se demande quand on pourra déécider que la convergence est suffisante et souhaite qu'en matière de cohésion, l'on veille à ce qu'il y ait une répartition égale des ressources entre les différents pays de la Communauté. A ce propos, proposera-t-on d'autres instruments que les fonds structurels?
Pas de "Schengen monétaire"
M. Ben PATTERSON (DE, RU) s'est réjoui que le premier Ministre britannique ait indiqué qu'il espérait signer bientôt un document sur une seule parité européenne et de ce que le nouveau dirigeant de la Bundesbank veuille aller rapidement vers une monnaie unique. Peut-on obtenir que le système d'une banque centrale soit meilleur que celui de la Bundesbank, demande-t-il? L'écu sera-t-il aussi fort que le deutsch mark? Il s'est prononcé contre une Europe à deux vitesses. En effet, rien ne serait pire qu'un "Schengen monétaire".
Une péréquation financièree
Mme Brigitte ERNST de la GRAETE (Verts, B) a rappelé que le 10 octobre 1990 les Verts avaient refusé de voter le rapport du Parlement sur l'union économique et monétaire. En effet, l'union monétaire sera un progrès seulement si elle est mise au service d'une politique visant au bien-être du citoyen, ce qui exige une avancée sur le plan social et en matière de protection d'environnement. Or les directives sociales sont bloquées, l'agence européenne de l'environnement n'est toujours pas mise en place et l'harmonisation fiscale n'avance pas (rien sur la fiscalité de l'épargne, pas d'équilibre entre les revenus du travail et du
capital, pas de prise en compte de l'environnement dans la fiscalité. La cohésion économique et sociale reste au stade du discours et l'écart entre les régions riches et pauvres de la Communauté se creuse; les fonds structurels représentent O,2% du PIB interne de la Communauté. Et de demander qu'on s'engage dans la voie d'une péréquation financière à l'exemple des Etats fédéraux. Elle estime qu'une Europe monétaire à deux vitesses pourrait être envisagée. Elle est d'accord pour une banque centrale indépendante mais le Conseil et le Parlement doivent être associés à la définition des orientations politiques et pouvoir suivre la gestion de la banque centrale.
M. Roberto SPECIALE (GUE, I) estime inacceptable de méconnaître et de sous-estimer à ce point le rôle du Parlement européen. Il a ensuite rompu une lance en faveur du développement des régions de la Communauté.
Pas d'Europe à deux vitesses
Pour M. Pierre LATAILLADE (RDE, F), l'Union monétaire doit être l'affaire de tous et une union à deux vitesse ne respecterait pas le principe même du marché unique. Les Européens doivent marcher ensemble et ceci suppose la réduction des disparités économiques, le renforcement de la cohésion sociale et la participation de toutes les monnaies européennes au mécanisme de change du SME. Or, les conditions préalables à une coordination étroite des politiques économiques sont loin d'être réunies. Il est donc pour le moins prrématuré d'envisager à moyen terme un transfert de compétences en matière monétaire de la part des Etats membres. Et l'orateur de conclure, avant tout il faut garantir la résorption des inégalités régionales et l'amélioration de la cohésion sociale, notamment au moyen des fonds structurels et du budget de la Communauté, d'autre part, l'Union monétaire ne pourrait être atteinte sans mise en place des instruments nécessaires à la réalisation de la cohésion économique et sociale.
Mme Dorothée PIERMONT (Arc, A) s'est exclamée pourquoi l'UEM? Parce que la RFA veut racheter à bon compte la RDA? Parce que la France veut dominer le deutsch mark? Parce que la Communauté veut s'assurer une position concurrentielle par rapport au Japon?
L'Europe à la dérive
Après le grand marché, la grande fiscalité, la grande monnaie unique, nous aboutirons à un grand gouvernement unique, s'est exclamé M. Jean-Claude MARTINEZ (DR,F) qui récuse la "dérive matérielle et organique" à laquelle nous assistons. Dérive matérielle avec comme hochet la monnaie unique, l'écu, alors qu'on veut créer un carcan budgétaire. Dérive organique avec la mise en place d'une banque centrale dotée d'une indépendance totale qui serait soi-disant contrôlée par l'opinion publique. Alors qu'en réalité cette banque centrale serait en "osmose totale avec la banque mondiale, le FMI... c'est-à-dire avec tout le pouvoir cosmopolite". Avant de s'engager plus loin, il faut demander au peuple par référrendum s'il veut arrêter ou continuer ce "suicide collectif".
Le commissaire CHRISTOPHERSEN a indiqué que trois Etats membres, l'Italie, le Portugal et l'Espagne allaient présenter une stratégie en matière de convergence. La convergence devrait entraîner une croissance de l'emploi et du revenu réel. La cohésion économique et sociale: l'UEM ne doit pas aller à son encontre mais devrait permettre au contraire de développer les régions périphériques. La Commission fera une évaluation du fonctionnement des fonds structurels et la soumettra au Parlement. Accepter un écu dur qui aura valeur courante comme le propose l'Espagne aboutirait à un dééséquilibre.
Pour M. Gérard CAUDRON (Soc., F), l'Union économique et monétaire n'est pas une fin en soi. Il met en garde contre une politique qui serait simplement monétariste. Constatant que le premier stade l'UEM a privilégié les capitaux par rapport aux salaires, il demande que la deuxième et la troisième réduisent les inégalités. Il souhaite que la dimension sociale soit réaffirmée.
Il demande que le budget européen passe à 3% du PNB contre 1 actuellement.
Refusant toute politique de laissez-faire laissez-aller, il insiste pour un meilleur contrôle par les institutions démocratiques.
Aux intervenants, le commissaire CHRISTOPHERSEN souligne l'importance des transferts consentis par la CEE: ainsi, la Grèce a reçu 5% de la valeur de son PNB tandis que l'Irlande en recevait elle, 9. Il souhaite que less différents Etats membres utilisent à plein les possibilités qui existent.