18 aprile 1995.
Maurizio Turco (a cura di)
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SOMMARIO. A tre mesi dall'assunzione dell'incarico, Bonino dà le cifre dell'Azione umanitaria mondiale ed europea, per rilevarne le tremende insufficienze di fronte alla gravità "galoppante" della crisi umanitaria mondiale. Tra breve, la Commissione presenterà il suo progetto di budget al parlamento, e Bonino si augura che il dibattito non sia impostato su logiche tecnocratiche: presenta quindi alcune cifre che mostrano il divario tra disponibilità ed esigenze, certamente non diminuite durante il 1994. Porta l'esempio della exJugoslavia e del Ruanda, ma segnala che sono molti altri i focolai di drammi che non essendo raggiunti dalla "CNN" sono restati "orfani". Chiede un maggior coinvolgimento del Parlamento e del Consiglio perché sia l'iniziativa politica di prevenzione a sbloccare almeno in parte certe situazioni. Affronta quindi il problema delle mine anti-uomo e infine polemizza con le organizzazioni umanitarie che si lamentano perché l'Eu, per difendere i diritti dei suoi contribuenti, chiede maggior "v
isibilità" per il suo contributo.
M. Le Président, Honorables Membres, chers amis,
En janvier passé lors des hearings vous m'avez donné l'occasion de vous transmettre mes premières impressions sur l'action humanitaire de l'Union. Aujourd'hui mes premiers trois mois en tant que Commissaire en charge de cette politique sont presque révolus et je me présente devant vous très volontairement car je suis persuadée que vous pouvez m'aider à prendre les choix politiques difficiles que je dois affronter.
Très vite après ma prise de fonctions j'ai tenu à présenter le Rapport Annuel sur l'Action Humanitaire pour 1994. Ce rapport est entre vos mains. Nous aurons bien sûr le loisir de le discuter dans le détail lorsque le Parlement en conviendra ainsi.
Ce qui saute aux yeux des faits et chiffres cités dans ce rapport c'est la gravité de plus en plus aiguë et galopante de la crise humanitaire internationale. Où est-ce que cela s'arrête?
L'année dernière la communauté internationale toute entière a fourni certainement plus de 3 milliards et demi d'ecus en aide humanitaire officielle. En plus, les citoyens du monde y ont pris leur part. Les plus nantis ont offert leur contributions charitables. Les moins fortunés en beaucoup des régions du monde ont consenti des sacrifices en accueillant les réfugiés qui fuient devant les menaces que pèsent sur leurs vies. Les populations des pays voisins du Burundi, du Rwanda, de la Sierra Leone, du Libéria etc. supportent un fardeau très lourd.
De ces 3 milliards et demi d'écus d'aide humanitaire officielle quelque deux tiers proviennent de l'Union Européenne - Etats Membres, Budget communautaire et FED tous confondus. En 1994 le seul Office Humanitaire (ECHO) a financé des actions humanitaire pour un total de 764 million d'ECUs. En 1993 ce fut 600 millions; en 1992 on était encore à 393 millions. Et pensez qu'il y a 20 ans tout cela a commencé comme une modeste boîte de secours de quelques 5 millions d'ECUs pour aider les victimes des catastrophes naturelles.
Ces chiffres ont certainement le même effet sur vous qu'ils ont sur moi. Je n'ai pas de solution pour sortir de cette impasse. Une chose est néanmoins claire. Un dialogue quant à l'avenir, à la forme et aux conditions de cette aide humanitaire de l'Union s'impose et je voudrais qu'il commence dès aujourd'hui même avec votre concours.
Très vite aussi après ma prise de fonctions j'ai tenu à me familiariser (ne fût-ce qu'en visites-éclair) avec les deux grands théâtres humanitaires que sont l'ex-Yougoslavie et le Rwanda-Burundi. Votre Commission m'a fait l'honneur de m'écouter tout de suite après mon retour d'Afrique. Nous avons partagé notre émoi quant aux tragédies qui affligent ce continent ainsi que le sentiment d'impuissance qui nous envahit.
Nous aurons bientôt une occasion particulière de dialogue lorsque la Commission présentera au Parlement et au Conseil sa proposition de règlement concernant les lignes budgétaires de l'aide humanitaire.
J'espère que cette exercice ne va pas se dégrader en querelle technocratique de clercs, se perdre en manoeuvres pour amoindrir la capacité d'agir de la Commission, ou s'enliser en débats stériles autour de la comitologie.
{Le Conseil s'occupera de la proposition en premier lieu. Mais n'oubliez pas que ce sera une proposition au titre de l'Article 189C du Traité avec en conséquence la double lecture au Parlement. Je suis certaine que le Parlement ne manquera pas de placer cette affaire dans son contexte politique.}
D'ici-là une autre démarche va vous (nous?) préoccuper en tant qu'Autorité Budgétaire. Permettez-vous de vous parler "chiffres" de nouveau. Parce que l'arithmétique budgétaire de l'aide humanitaire de l'Union Européenne ne colle plus.
Déjà les lignes budgétaires pour l'aide humanitaire que vous avez si solidement appuyées et votées s'épuisent. Les fonds de l'article 254 du FED ont déjà été totalement épuisés - y compris le fameux virement de 150 MECUs des reliquats du FED qui n'a plu à personne, mais qui fut indispensable pour faire face aux exigences de la crise rwandaise. Vous aurez donc à vous prononcer sur une proposition de la Commission de libérer la réserve humanitaire inscrite au Budget de l'année 1995.
Mais même si vous êtes d'accord pour libérer cette réserve de 323 MECUs pour s'ajouter au total de 256 MECUs déjà inscrit sur les lignes, vous n'arriverez qu'à un total 579 MECUs. Il existe par conséquent un "déficit" - si je peux m'exprimer ainsi - de 185 MECUs par rapport aux 764 MECUs dépensés l'année dernière, malgré le fait que , hélas! les conflits et problèmes de toute nature ne sont pas en recul par rapport à 1994.
Si je vous bombarde ainsi de chiffres c'est à cause d'un dilemme.
En ex-Yougoslavie la paix n'est pas sur le point de revenir, les besoins humanitaires persistent, les fonds pour la réhabilitation - là où elle est possible - n'existent guère. L'aide humanitaire reste la principale action de "solidarité européenne" devant la porte même de l'Union.
En même temps les partis au conflit multiplient leurs convoitises sur l'aide humanitaire, ils la détournent à leurs fins, y compris l'alimentation et le soin de leurs combattants, et ils jettent sans cesse de bâtons dans les roues des organisations humanitaires.
On est tenté de croire que l'action humanitaire aide quelque part aussi à encourager les combattants à poursuivre et à multiplier leur violence !
Les arguments pour réduire - encore plus que nous l'avons déjà fait en 1994 - notre financement de l'action humanitaire en ex-Yougoslavie, deviennent de plus en plus forts. Mais il nous appartient de bien peser le pour et contre politiquement.
Dans la crise au Rwanda-Burundi on estime les besoins du maintien de l'aide humanitaire en 1995 à $ 500 millions pour toute la Communauté internationale. Sans parler des risques d'aggravation supplémentaire de crises dans la région des Grands Lacs. Et sans parler de crises actuelles et potentielles ailleurs dans ce continent meurtri qui est l'Afrique.
Et ailleurs aussi dans le monde les exigences humanitaires sont là. Face aux grands drames de notre époque on oublie facilement les crises dites "orphelines" où les caméras de la TV ne s'aventurent guère: Afghanistan, Tadjikistan, Sud-Sudan, etc.
Si ECHO fut présent en plus de 60 pays en 1994, c'est justement parce que sa responsabilité est humanitaire et non pas fonction de ce qu'on appelle désormais la "CNN-isation".
Car l'aide humanitaire de l'Union s'est toujours voulue politiquement neutre, même si cela pose un fort problème de gestion et réduit notre capacité de choix pour mieux ménager nos ressources humaines et financières limitées.
Devant ces choix la Commission devra et saura prendre ses responsabilités. Dès maintenant elle veut associer le Parlement à cette exercice politiquement délicate et difficile.
Dans ce contexte de choix et d'alternatives on parle beaucoup de la Prévention des conflits ou de la diplomatie préventive. Trop souvent ce débat est resté théorique devant le constat de nos limites. A ce stade de son développement institutionnel, l'Union Européenne n'a guère vocation à intervenir militairement là où il y a des crises declarées. Il faut comprendre les raisons et les causes de cette attitude. Mais d'un autre côté il ne faut pas confondre les rôles comme on a parfois tendance à faire. L'action humanitaire n'a pas à se substituer à la volonté et à l'action politique, qui constitue, elle, le seul e instrument pour affronter efficacement les crises et les situations de conflit.
Dans ce contexte, je ne peux que vous encourager à poursuivre activement la concertation entreprise avec vos collègues de la Commission des Affaires Extérieures et de la Sécurité afin que le Parlement s'affirme comme autorité morale et instrument de pression sur les acteurs politiques de l'Union et de ses Etats Membres en matière de prévention de conflits et de diplomatie préventive.
Un mot sur les partenaires de la Commission dans l'action humanitaire. A part son "action directe", surtout dans certaines parties de l'ex-Yougoslavie, la Commission privilégie le partenariat comme principe fondamental de son travail. ECHO a signé un Contrat Cadre de Partenariat avec quelques 150 acteurs humanitaires dont les grandes agences des Nations Unies, la famille de la Croix Rouge, et la plupart des ONG compétentes dans le domaine humanitaire.
Vous connaissez sans doute des organisations humanitaires qui se plaignent d'un excès de zèle bureaucratique de la part des services de la Commission. Il n'est pas facile de trouver un équilibre entre, d'un côté, les souhaits des partenaires d'être soumis à un minimum de contrôle et, d'un autre côté, les exigences de ceux qui ont la charge de gérer les fonds publiques.
Nous nous efforçons quand même de faire mieux. A cette fin un dialogue s'est instauré entre ECHO et les partenaires dans le but de retrouver des améliorations à cet instrument, le Contrat Cadre de Partenariat, qui a fait ses preuves.
Nous avons été très sensibles aux démarches de certains de nos partenaires, notamment le CICR, demandant que le mandat d'ECHO soit élargi à permettre le financement de leurs actions en matière de protection des victimes. Nous trouvons cette démarche bien justifiée et je suis persuadée que cette extension du mandat sera consacrée dans le cadre de l'approbation de la Base Légale.
Le problème des mines anti-personnel choque l'opinion publique européenne - et tue quotidiennement son lot de victimes pour la plupart civils.
J'ai eu le privilège de participer au Hearing que votre Commission a organisé dernièrement avec vos collègues des Affaires Extérieures et de le Sécurité et je me réjouis de l'impulsion politique supplémentaire que cette heureuse initiative a fourni dans un dossier particulièrement meurtrier.
En ce qui concerne mes responsabilités particulières, ECHO continuera à s'occuper de déminage là où personne d'autre parmi les services de la Commission soit présente ou là où une action de déminage est essentielle pour que l'aide humanitaire puisse passer.
Mes collègues responsables pour le développement se chargent des projets de déminage dans le cadre des activités de réhabilitation dans les régions où les mines constituent un fléau particulier empèchant la reprise en sécurité de l'agriculture après les conflits.
Les aspects spécifiquement politiques visant à interdire l'exportation voire la production des mines anti-personnel font actuellement l'objet de discussion au sein de la PESC. {A ce sujet le Conseil Affaires Générales du 10/4 a adopté un projet d'action commune en 3 points.}
Permettez-moi un dernier mot à propos de la visibilité. Je commence à être irritée par les plaintes de certaines organisations humanitaire et quelques-uns de leurs amis politiques selon lesquelles la Commission s'affaire trop à rendre son aide humanitaire plus visible. Vous conviendrez avec moi qu'il y a plus qu'un brin d'hypocrisie dans tout cela.
Soyons honnêtes: beaucoup des grandes acteurs humanitaires réussissent bien leur visibilité tout en faisant financer une partie importante de leur action par de l'argent dont l'origine est la poche du contribuable européen. Les Etats Unis avec toute leurs remarquables ressources de relations publiques sont omniprésents à titre de la publicité - leur égal en tant que donateur, l'Union Européenne, est nulle part.
Si l'on peut nous reprocher quelque chose dans ce domaine, c'est notre incapacité de faire connaître à l'opinion publique l'ampleur et l'engagement de l'effort de l'Union, et non pas le contraire, comme certains le prétendent!
La croissance faramineuse de l'aide humanitaire de l'Union atteint des dimensions politiques dramatiques. Les risques que l'opinion publique européenne s'en fatigue et retire son consentement à cet effort sont réels.
Nous avons aussi grandement besoin de mieux informer les populations qui reçoivent cette aide. Je suis certaine de pouvoir compter sur votre appui sur ce point ainsi que sur les autres aspects de l'action humanitaire.
Je vous rappelle pour finir que le contraire de la visibilité c'est l'INVISIBILITE. Je me demande si c'est exactement cela l'objectif de eux qui nous reprochent nos efforts dans le domaine de la visibilité. Veulent-ils vraiment l'INVISIBILITE de l'Union Européenne dans un domaine si sensible et politique comme celui de l'aide humanitaire?
J'espère que non. Merci beaucoup.