POLITIQUE COMMUNE DANS LE SECTEUR DE L'AERONAUTIQUE
par Altiero Spinelli
SOMMAIRE: Le Parlement européen examine la situation de la politique commune dans le secteur de l'aéronautique, sur la base d'une question orale adressée à la Commission.
Spinelli intervient à ce sujet en connaissance de cause puisqu'il est à l'origine - en qualité de commissaire responsable de la politique industrielle durant la période 1970-1976 - de la proposition d'un programme d'action pour l'aéronautique européenne (novembre 1975), qui se trouve encore dans les tiroirs du Conseil. In "Discours au Parlement européen 1976-1986", éditeur Pier Virgilio Dastoli. (PE, le 13 janvier 1977)
Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord remercier le commissaire Davignon pour les informations qu'il a fournies sur l'intention de la Commission de procéder sans tarder selon des directives qui me semblent correctes, à l'inscription des huit millions d'uc que le Parlement a eu la sagesse d'imposer à un Conseil réticent et qui offrent à la Commission une première possibilité d'intervention concrète et efficace, et pas seulement verbale, en matière de politique aéronautique.
Il me semble toutefois que la partie la plus intéressante de la question de M. Guldberg a été négligée tant par M. Cifarelli que par M. Davignon. En effet, l'essentiel est de créer une industrie aéronautique européenne et non pas, bien que ce soit également important, de participer à la recherche.
M.Guldberg rappelle que le Parlement, appuyant également en cela les propositions de la Commission contre le Conseil, a décidé de créer un poste portant sur les aides à l'industrie aéronautique.
Pour sa part, le projet de la Commission prévoit d'établir un programme de transformation progressive, étalée sur plusieurs années, des aides nationales en aides communautaires. je crois qu'il s'agit-là de l'aspect fondamental du problème. En revanche, de nombreux collègues ont réclamé des consultations. Mon expérience personnelle en matière de consultation, expérience acquise pendant six ans, peut se résumer comme suit: en un premier temps, les gouvernements ont même refusé de participer aux discussions; puis, finalement, ils ont accepté. Les gouvernements, ou les ministres et les hauts fonctionnaires que ceux-ci avaient délégués, nous ont dit qu'il ne pourraient prendre en considération qu'un programme commun que les sociétés productrices auraient dû éventuellement présenter.
Nous avons donc entrepris des consultations, des discussions avec les sociétés productrices, toutes très bien intentionnées, toutes parfaitement conscientes qu'une solution européenne serait leur planche de salut. Au terme d'un long travail de concertation, ces sociétés nous ont dit qu'elles ne seraient disposées à présenter un programme commun que si les gouvernements se mettaient d'accord sur la manière d'accorder les crédits, mais comment de sociétés productrices pourraient-elles présenter un programme commun alors que chaque Etat membre applique une politique d'aide qui lui est propre?
C'est un cercle vicieux. Tant que la Communauté, la Commission, le Parlement se contenteront de tenir de beaux discours sur la nécessité de l'indépendance de l'Europe, à démontrer combien il serait intéressant d'avoir tel ou tel type d'avion, alors que les moyens qui conditionnent la mise en oeuvre des programmes font défaut, nous continuerons en effet à assister à la décomposition de cette importante industrie en Europe. Pour éviter ce phénomène, il faut poser le problème avec précision; si nous nous contentons de réclamer pour notre budget communautaire quelques crédits à ajouter aux aides nationales, nous ne recevrons toujours que des miettes sans aucune valeur, parce que ce qui comptera, ce seront les aides importantes que la Grande Bretagne et la France et, plus modestement, l'Allemagne et l'Italie, accordent à leurs industries.
Il convient donc d'avoir un programme qui permette, en cinq ou sept ans, de réduire progressivement les aides nationales jusqu'à leur disparition complète. Ce n'est qu'avec un tel programme qu'il sera utile d'inviter les sociétés à participer à des consultations, etc.
Enfin, Monsieur le Commissaire, je voudrais insister, non seulement en mon nom mais également au nom de mon groupe, pour que le Parlement n'abandonne pas cette idée capitale de la transformation progressive des aides nationales en aides communautaires. En dehors de cela, il n'y aura que »bavardages communautaires sur l'aviation et nous ne parviendrons pas à résoudre complètement le problème. Nous resterons comme on dit en français, sur notre faim.