POLITIQUE DES EMPRUNTS ET DES PRETS DANS LA COMMUNAUTE
par Altiero Spinelli
SOMMAIRE: Le Parlement examine la proposition de décision de la Commission relative à la création d'un nouvel instrument financier pour la Communauté (les "emprunts Ortoli", du nom du commissaire responsable de la politique économique et monétaire), visant à encourager les investissements dans certains secteurs économiques (énergie, infrastructure, etc.).
Le nouvel instrument appuie et renforce ceux qui existent déjà (BEI, Fonds régional, Fonds social) In "Discours au Parlement européen 1976-1986", éditeur Pier Virgilio Dastoli. (PE, 11 avril 1978)
Monsieur le Président, je voudrais attirer l'attention du Parlement européen sur l'importance de notre débat et des décisions que nous prendrons, et je regrette que la discussion ait lieu à une heure où la majorité des parlementaires sont en train de dîner.
L'importance du débat est due au fait que cette fois nous n'exprimons pas simplement un avis dont le Conseil tiendra ensuite plus ou moins compte, mais que nous prenons une position qui devra conduire à une concertation de caractère législatif. En effet, lorsque nous examinons des questions présentant des implications financières considérables, dont l'adoption n'est pas imposée par des actes existants et qui ont une portée générale, et lorsque la Commission indique que l'acte en question doit faire l'objet de la procédure de concertation, le Conseil ne peut se prononcer simplement sur la proposition de la Commission, mais il doit s'engager avec le Parlement dans une procédure de concertation et ne statuer que lorsque les positions se sont considérablement rapprochées.
L'importance de ce débat m'incite tout d'abord à faire remarquer au nom de la commission des budgets qu'en élaborant cette proposition, la Commission a manqué à un engagement qu'elle avait pris à l'égard du Parlement, engagement qui avait été rappelé par le Président Jenkins le 8 février de l'année dernière:
»La Commission ne transmettra au Conseil aucune proposition sans avoir au préalable examiné sérieusement et systématiquement s'il était possible d'obtenir une approbation de la majorité de cette Assemblée .
M. Jenkins avait déclaré justement qu'il entendait ainsi rénover ce qu'avaient été jusqu'alors les rapports entre la Commission et le Parlement pour renforcer l'autorité de ce dernier avant même les élections directes.
Or, s'il est vrai que lorsque nous avons soulevé ce problème à la commission des budgets, M. Ortoli nous a rappelé qu'il avait informé, dans certains cas, le Parlement des propositions en cours d'élaboration qui seraient soumises au Conseil, il est tout aussi vrai que la Commission, en soumettant ses propositions au Conseil, se serait inévitablement heurtée à des résistances et à des réticences, ce qui n'incline certainement pas à accepter facilement n'importe quoi. Elle avait donc tout intérêt à se présenter avec le plein appui du Parlement, puisque le Conseil savait qu'il aurait dû, en dernière analyse, tenir compte de la position du Parlement et chercher avec lui une base d'accord. C'est pourquoi il eût été bon que le Parlement européen fût associé à la préparation de l'ensemble de la proposition, comme l'avait indiqué M. Jenkins, d'autant plus que les propositions de la Commission touchent à des points très délicats pour le Parlement, telles les prérogatives dont il jouit, etc.
Quoi qu'il en soit, la Page est tournée et c'est pourquoi il ne nous reste qu'à espérer que de tels inconvénients ne se présenteront plus. Quant au fond de la proposition, je rappellerai que la Commission propose qu'elle soit autorisée à contracter des prêts financiers, pour un montant maximal d'un milliard d'UCE, prêts qui devraient ensuite être accordés sous forme d'emprunts à des entreprises publiques et privées pour favoriser des investissements dans le secteur de l'énergie, de l'industrie et celui des infrastructures. La commission des budgets est favorable à cette proposition, car elle correspond à la logique de croissance de la Communauté et peut - si elle est bien appliquée - marquer une tape importante pour faire avancer l'idée d'une relance et d'une convergence progressive de nos économies. La commission des budgets propose par conséquent d'approuver la proposition, à conditions toutefois d'en éliminer certains défauts graves, qui, s'ils étaient maintenus, videraient presque certainement la proposi
tion de tout contenu.
En premier lieu, il est évident que les instruments financiers dont dispose la Communauté doivent être mis au service d'une politique de relance et d'une relance dans la convergence. Nous ne discutons pas, bien entendu, le contenu de cette politique dans le cadre de ce débat. Toutefois, il faut prendre l'engagement précis de la définir dans le cadre que j'ai écrit, faute de quoi nous resterons privés de l'instrument financier nécessaire, et il ne nous resterait que l'instrument bancaire, sans aucune perspective politique. Dans ce cas, il serait inutile de mettre en place le mécanisme proposé et il suffirait que la B.E.I. continue à faire ce qu'elle a fait jusqu'ici. Il suffirait d'augmenter son capital et de lui permettre ainsi de développer son activité. Par contre, le fait de proposer l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement montre, une fois de plus, que la Communauté entend mettre en oeuvre une politique qui aille au-delà de celle qui a été jusqu'ici suivie par la Banque européen
ne d'investissement et qui puisse contribuer à la relance de l'économie. Nous devons donc tenir présent à l'esprit que tant les décisions d'émettre un emprunt que les critères pour l'octroi des prêts doivent répondre à cet objectif.
En ce qui concerne les décisions à propos de l'émission d'emprunts, l'article 2 de la proposition prévoit que le montant global des emprunts est fixé à un milliard d'unités de compte, échelonnées sur une période qui n'est pas précisée, et appelées par tranches successives. Il appartient au Conseil d'autoriser les tranches d'emprunt et de fixer les objectif généraux de leur emploi.
Or, il nous paraît que, dans ce cas, la Commission a négligé des pouvoirs qui, en dernière analyse, échoient aussi au Parlement. En effet, s'il s'agit d'emprunts de la Communauté, ceux-ci doivent figurer d'une manière ou d'une autre au budget - c'est-à-dire avoir une garantie communautaire - et, par conséquent, ils doivent nécessairement obtenir l'accord du Parlement européen. Cet accord ne doit pas être contraignant comme celui qui intervient au sein du Conseil il faut laisser à la Commission une marge de manoeuvre qui lui permette d'agir effectivement; c'est pourquoi nous avons proposé une formule que l'on peut résumer de la manière suivante: chaque emprunt doit être décidé dans le cadre de la procédure budgétaire, sur proposition de la Commission. Simultanément, le Conseil, statuant à la majorité après concertation avec le Parlement, fixe les objectifs, de sorte que tout emprunt ait une caractérisation financière et que son contenu en soit défini. Nous pouvons admettre que, pour la première année, le mont
ant global des emprunts ne dépasse pas le miliard.