POLITIQUE DE CONCURRENCE
par Altiero Spinelli
SOMMAIRE: Le Parlement européen discute d'un rapport élaboré par la commission des relations économiques extérieures sur les problèmes créés par les pratiques de "concurrence sauvage" ou de dumping.
Spinelli reprend, également dans cette intervention, le thème amplement débattu dans le discours du 14 février 1978, des rapports entre l'Europe et les pays en voie de développement. In "Discours au Parlement européen 1976-1986", éditeur Pier Virgilio Dastoli. (PE, 11 et 12 avril 1978)
Monsieur le Président, au nom de la majorité de mon groupe, j'exposerai brièvement les raisons pour lesquelles nous voterons en faveur du rapport de Lord Brimelow et de l'amendement n 1 proposé par M. Albers.
Il est évident que, dans la mesure où l'on constate des pratiques de dumping, il y a lieu de recourir aux instruments qui permettent de les freiner. Mais il faut préciser qu'il est extrêmement difficile de constater l'existence d'un dumping, puisque, souvent, on parle de dumping simplement lorsqu'un concurrent étranger vend à des prix moins élevés que ceux pratiqués à l'intérieur de notre marché. Dans ce cas, les règlements anti-dumping ne sont pas applicables.
Lorsque je faisais partie de la Commission, j'ai entendu parler pendant des années de la nécessité de mesures anti-dumping, mais en définitive un seul cas assez macroscopique et clair de dumping s'est présenté, qui concernait la vente de certains navires japonais; malheureusement, dans les cas de ce genre, il est très difficile d'appliquer les mesures anti-dumping, parce qu'il s'agit de biens qui naissent, vivent et meurent hors de tous les contrôles douaniers.
Quoi qu'il en soit, lorsque l'on constate des pratiques de dumping, il faut prendre des contre-mesures. De la même façon, lorsque l'on assiste à ce que l'on appelle la »concurrence sauvage , c'est-à-dire lorsqu'il se produit des ruptures subites des équilibres de marché, il faut prendre des mesures semblables à celles prises pour les textiles, afin que les réajustements éventuels soient mis en oeuvre d'une manière graduelle et progressive.
Je suis par conséquent d'accord avec l'exposé des motifs détaillé fait par Lord Brimelow; je voudrais ajouter que comme Lord Brimelow et d'autres l'on fait remarquer, il est inévitable, du fait que notre économie est une économie ouverte, qu'il existe une forte concurrence. Si nous voulons contribuer au développement des pays les plus pauvres, des pays les moins avancés, nous devons accepter qu'ils soient présents sur nos marchés dans des secteurs auxquels ils ne s'étaient pas consacrés jusqu'à présent; et nous devons rappeler qu'ils auront au début, l'avantage d'un niveau de vie plus bas, et, partant, de salaires plus bas. S'ils pouvaient avoir nos salaires, ils seraient probablement très heureux, mais si nous leur imposions des salaires du même niveau que les nôtres, nous les condamnerions probablement au chômage; par conséquent, nous devons toujours insister sur la nécessité que les pays non développés se développent. Il faut également se garder de se déclarer favorables au développement d'un pays et ensu
ite, dès que ce pays commence sa propre production, de lui fermer la porte au nez en l'empêchant de vendre sur nos marchés. On ne peut pas raisonner de cette manière, nous devons toujours garder à l'esprit que notre économie a besoin de profonds changements.
Je dirai que le véritable motif de préoccupation ne réside pas tant dans le fait que l'on constate de cas de concurrence se manifeste en une période de récession: en effet, personne, en réalité, ne se préoccuperait du sort de l'industrie des fermetures éclair si à la fermeture d'une fabrique de fermetures éclair succédait l'ouverture d'une autre fabrique. Notre véritable préoccupation vient de ce qu'une fabrique se ferme et qu'il s'en ouvre pas une autre.
Il faut rester attentif au protectionnisme déguisé dont parlait notre collègue libéral, il ne faut pas céder à des mesures qui sont des mesures de protectionnisme camouflé; nous devons relancer l'économie, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler dans une autre de mes interventions, doit impliquer aussi et surtout un grand développement des pays non industrialisés, parce que ce n'est qu'à la condition qu'ils se développent que nous disposerons de nouveaux marchés qui apporteront à nos économies le ballon d'oxygène dont elles ont besoin.
Pour ces raisons, nous approuvons la résolution qui encourage la Commission à suivre le problème avec attention et à se servir de ses instruments avec intelligence, sans céder à une paranoïa protectionniste; toutefois, nous devons être coscients que les mesures proposés ne constituent pas une réponse importante au véritable problème de notre crise: la réponse importante est ailleurs.