POLITIQUE EUROPEENNE CONTRE LE CHOMAGE

par Altiero Spinelli

SOMMAIRE: Le Parlement européen examine le rapport de la commission des affaires sociales sur les problèmes du chômage dans la Communauté.

Spinelli aborde, une fois de plus, le thème de la nécessité d'une relance globale de l'économie européenne centrée sur les rapports entre l'Europe et les pays en voie de développement.

Au cours de ce débat, le Président du Parlement européen communique à l'Assemblée la nouvelle de l'assassinat d'Aldo Moro. In "Discours au Parlement européen 1976-1986", éditeur Pier Virgilio Dastoli. (PE, 9 mai 1978)

Monsieur le Président, la majorité du groupe communiste et apparentés votera en faveur de la résolution de M. Lezzi et des modifications qu'il a présentées aux propositions de la Commission. Notre vote sera positif, car, de tout façon il s'agit de mesures destinées à lutter contre le chômage et nous ne pouvons donc pas adopter une position négative.

Ceci étant, nous devons toutefois préciser que notre jugement sur l'ensemble de cette proposition n'est guère favorable: je voudrais m'arrêter brièvement sur trois aspects fondamentaux de ces propositions pour appuyer mon affirmation.

La première critique - qui a déjà été formulée par d'autres - concerne le fait qu'il s'agit d'une goutte d'eau qui tombe dans un désert, car il m'a été dit que l'ensemble de ces aides pourra servir à procurer du travail à 100-150 mille personnes, alors que la masse des jeunes chômeurs dépasse les 2 millions de personnes. Evidemment il s'agit d'une mesure tout à fait insuffisante. Cette insuffisance paraît d'autant plus grande si l'on pense qu'à côté du grave problème du chômage féminin. Il faut reconnaître que notre société est actuellement organisée de façon à favoriser relativement les hommes et les adultes et à défavoriser au contraire les femmes et les jeunes en général; dans notre société, il y a donc quelque chose qui dépasse le cadre de la situation économique et qui doit être changé.

Ceci signifie - et j'en arrive maintenant au second aspect - que pour résoudre le problème du chômage, nous devons commencer par penser à une stratégie d'ensemble de l'emploi, en ne nous intéressant pas seulement à un secteur aussi important cependant que celui des jeunes, mais en considérant ce que sont aujourd'hui les caractéristiques fondamentales de l'emploi, quels sont les motifs pour lesquels le système ne réussit pas à absorber plus d'une quantité déterminée de main-d'oeuvre et quels sont les moyens qui doivent être adoptés pour remédier à cet état de choses. l ne faut pas nous cacher que si on pense simplement à revenir purement et simplement aux règles du marché, une partie seulement de la main-d'oeuvre de nos pays sera absorbée, tandis qu'une partie de la population restera en chômage. Il est évident qu'il faut réviser d'une façon assez approfondie - et cela a déjà été souligné ici même - les programmes pour l'avenir; il faut réviser le rapport entre l'enseignement et le travail de façon à ce que l

'enseignement ne soit pas une période de la vie n'ayant aucun rapport avec le travail et qu'il prépare au contraire en temps voulu les jeunes générations au travail; il faut probablement structurer d'une façon différente les divers secteurs et même l'organisation proprement dite du travail, laquelle, pour pouvoir fonctionner convenablement selon les règles du marché, doit dans certains secteurs, être organisée d'une façon non conforme aux règles du marché - et ceci afin de garantir une certaine possibilité de travail minimum à tous.

Dans les quelques minutes qui m'ont été accordées, je ne peux pas développer ces idées, mais je voudrais vous rappeler que notre situation nécessite une stratégie d'ensemble du problème de l'emploi, stratégie qui doit tenir compte de tous les divers aspects du problème; dans ce contexte, nous examinerons ensuite en particulier le problème des jeunes, celui des femmes et celui des personnes âgées, etc.

Le troisième aspect dont il faut tenir compte est celui de la nécessité d'une relance: même en cherchant à mieux organiser l'emploi, nous ne pouvons pas sérieusement éliminer cette chape de plomb que représente le chômage si nous n'adoptons pas une politique de relance qui procurera de nouveaux emplois; il est très facile en effet de dire qu'il faut créer des emplois mais si ensuite on ne fait rien, on reste dans le domaine des bonnes intentions.

Pendant une période de temps assez longue, notre économie devra être orientée de façon nouvelle afin de susciter des énergies, de favoriser les investissements et le travail; c'est ainsi que l'on réduira progressivement le chômage. En outre, ceci serait un sujet à aborder d'une façon réaliste - comme je l'ai déjà souligné à d'autres occasions - et il ne suffit pas de discuter, comme on l'a fait jusqu'à maintenant, sur l'inflation ou sur la déflation; on ne peut pas prétendre que des pays, comme l'Allemagne ou le japon, dont la situation est un peu moins grave, soient vraiment partisans d'une politique de développement de la consommation de façon à favoriser marginalement les autres pays, car il ne s'agirait alors que de solutions brèves, passagères et en définitive cela ne résoudrait rien. Nos pays développés doivent s'engager à fournir des ressources à tous les pays qui sont en voie de développement, en se persuadant du fait que les aides, les transferts de ressources, de moyens, de financements des projets

de développement des pays encore en retard, ne sont plus seulement une assistance que nous leur donnons, mais aussi une assistance que nous nous donnons à nous-mêmes, car de cette façon nous contribuons à ouvrir de nouveaux marchés et de nouvelles possibilités de travail pour nos entreprises; dans une perspective économique analogue - avec un nouvel élan et une nouvelle vigueur - nous pourrons affronter de façon efficace les problèmes de l'emploi, les problèmes de l'insertion des jeunes et de l'insertion de femmes.

De toute façon, dans l'espoir que la Commission et le Parlement aborderont l'étude de ces problèmes d'une façon globale avant de passer aux problèmes particulier, nous soutiendrons la résolution de M. Lezzi qui approuve les propositions de la Commission.