POLITIQUE COMMUNE DANS LE SECTEUR DE L'INDUSTRIE NAVALE

par Altiero Spinelli

SOMMAIRE: Le Parlement européen examine la situation de la construction navale dans la Communauté sur la base d'une question orale adressée à la Commission. Spinelli, en sa qualité de Commissaire pour la politique industrielle, avait été à l'origine des premières actions de la Communauté dans ce secteur en crise. In "Discours au Parlement européen 1976-1986", éditeur Pier Virgilio Dastoli. (PE, le 16 janvier 1979)

Monsieur le Président, je ne m'attarderai pas sur le problème de l'industrie de la construction navale, car on en a dejà parlé et on devra y revenir, je le pense assez rapidement. Je voudrais vous dire qu'en écoutant M. Davignon, ai été un peu surpris par le fait qu'en fournissant des informations sur les diverses initiatives de la Commission, on a oublié de mentionner une initiative qui, si elle a été mise en oeuvre, représentait, à mon avis une certaine importance. Il s'agit d'une proposition de règlement présentée par la Commission et concernant l'utilisation de fonds pour intervenir dans les industries qui traversent une crise profonde afin d'en faciliter la restructuration et la reconversion. Parmi ces industries, l'exposé des motifs cite expressément celle de la construction navale.

Nous aurons l'occasion de revenir sur l'argument à propos de l'examen de cette proposition de règlement, mais je voudrais que, dans sa réponse. M. Davignon nous dise déjà s'il a l'intention de prendre en considération une intervention sérieuse avec des moyens appropriés et s'il a entrepris une étude en ce qui concerne l'importance des moyens communautaires nécessaires à cette action de reconversion et de restructuration ou bien s'il se contente des chiffres symboliques inscrits au budget. La question revêt d'autant plus d'importance du fait que M. Davignon lui-même nous a dit à juste titre que la crise de l'industrie de la construction navale ne se resoudra pas cette année, mais se prolongera au cours des deux prochaines années. Nous devons donc nous préparer à agir justement en cette période.

La Communauté peut donc contribuer à stimuler une oeuvre de reconstruction, de restructuration et de reconversion, dans la mesure où elle dispose aussi de moyens pour pouvoir exercer une influence dans un sens ou dans l'autre" autrement elle ne peut que faire des recommandations et dire aux Etats: »accordez une aide qui a telle ou telle caractéristique même si au fond nous savons par expérience qu'il n'est pas possible de déterminer la nature effective de ces aides nationales qui maintiennent sous des formes variées et cachées les structures actuelles.

La chose est importante, car dans le cas de l'industrie de la construction navale, nous nous trouvons devant un problème assez grave qui ne peut être résolu que de façon modeste par des mesures de restructuration. Il doit être résolu en grande partie par des mesures de reconversion, de création d'autres emploie, même de réserve, car les chantiers, ne l'oublions pas, présentent une élasticité technique assez grande, en ce sens que leur véritable fabrication est celle des navires proprement dit, et lorsqu'elle ne construit pas un navire, la manutention des principales structures ne coûte guère, même si elles ne sont pas employées.

En conséquence, le problème consiste à avoir une solution de remplacement, autre que les allocations de chômage, qui donne la possibilité de faire d'autres travaux au cours des périodes où l'on doit restreindre l'activité des chantiers pour la reprendre ensuite au bout d'un certain temps. Il est donc évident que la reprise de l'activité des chantiers, s'il y en a, ne sera pas due à telle ou telle mesure de protection, mais au fait que parallèlement à la reprise économique, la demande dans le secteur commencera à augmenter.

Je voudrais faire une dernière observation marginale: il ne faut pas dramatiser plus qu'il n'est nécessaire et présenter les choses de manière à donner l'impression que la situation est pratiquement désespérée; au contraire, il faut y porter remède.

Si l'on compare la part de la production de l'industrie de la construction navale européenne au cours des années 60 avec celle des années 74-75 (je mets à part justement ces deux dernières années où la crise a été plus forte), on constate indiscutablement une forte diminution. Nous ne devons pas oublier cependant, "il s'agit d'une diminution en pourcentage qui est due à l'augmentation considérable du nombre de pétroliers construits au Japon. Du point de vue quantitatif, en fait, la production de la construction navale européenne au cours de cette période a été en augmentation et non en diminution.

En conséquence, la crise que nous traversons, tout en étant structurelle, revêt un certain nombre de caractères conjoncturels qu'il faut corriger, non certes en recourant à un état de chômage mais plutôt par une activité intense de reconversion.