PROCEDURE BUDGETAIRE POUR 1979: ORIENTATIONS GENERALES DU PARLEMENT EUROPEEN
par Altiero Spinelli
SOMMAIRE: Le Parlement européen examine ses orientations budgétaires pour 1980, ajoutant une phase préliminaire aux étapes prévues dans la procédure d'élaboration du budget de la Communauté, telle que le prévoit le traité CEE (voir la note introductive au discours prononcé par Spinelli le 7 juillet 1977).
Il y a lieu de relever que dans cette phase l'Assemblée prépare la voie au Parlement européen qui sera élu au mois de juin suivant. In "Discours au Parlement européen 1976-1986", éditeur Pier Virgilio Dastoli. (PE, le 16 mars 1979)
Monsieur le Président, en présentant ce rapport sur les orientations de la politique budgétaire, on aurait pu choisir - pour utiliser une expression américaine - un 'high profile', plutôt qu'un 'low profile'. C'est en fait la dernière fois que le Parlement actuel a la possibilité d'exposer ses idées en matière de budget, secteur où, d'ailleurs, tout compte fait, le Parlement a remporté des succès et qui reste l'un des meilleurs chapitres de l'histoire du Parlement européen, celui-ci ayant réussi peu à peu à acquérir un contrôle et un pouvoir réels et contribué à mettre en route un processus d'adaptation du budget lui-même à certaines nécessités de politique générale.
L'on pouvait donc, dans ce cas, laisser un témoignage. L'ultime témoignage s'appelle, en latin, 'testamentum' ce qui signifie précisément dernière volonté, mais aussi témoignage. Nous aurions dû rendre ce témoignage sur la manière dont nous aurions souhaité ou dont nous souhaiterions que soit conçu le budget pour la nouvelle année, pour fournir justement, une indication précise aux parlementaires directement élus, auxquels il aurait peut-être été utile que ceux qui ont désormais acquis une certaine expérience parlent clairement.
La commission des budgets - et M. Bangemann, d'accord avec l'opinion qui prévaut au sein de la la commission elle-même - a prèferé, au contraire, le 'low profile', en présentant un rapport plutôt insignifiant. Un rapport significatif aurait été un rapport qui ne se serait pas borné, comme c'est le cas ici - à passer simplement en revue les problèmes en suspens qui, comme Lord Bruce l'a fait observer à juste titre, reviennent sur le tapis chaque année, mais un rapport qui, tout en évoquant très rapidement les problèmes eux-mêmes, aurait mis l'accent sur un ou deux points principaux qu'il y a lieu d'aborder de front pour améliorer la structure du budget, en précisant que le Parlement, s'il n'avait pas obtenu gain de cause dans ce domaine, n'aurait pas pu adopter le budget.
C'est de cette maniére que l'on définit une stratégie dans un processus de développement et de formation d'une politique quelle qu'elle soit et donc, également de la politique budgétaire de la Communauté. Au contraire, le présent rapport ne contient rien de tout cela. Prises isolément, toutes les choses qui y sont dites sont acceptables, mais il manque un fil conducteur, à savoir l'indication de la politique budgétaire que le Parlement veut suivre.
Compte tenu des derniers événements importants, qui laissent peut-être espérer maintenant une conclusion, pour l'essentiel, positive pour le Parlement, grâce, précisément, à la fermeté dont celui-ci a fait preuve, nous devrions inviter la Commission à présenter le budget d'une manière différente de celle dont elle l'a présenté jusqu'à présent. Tout budget sérieux doit reposer sur une politique conjointe des recettes et des dépenses, sur une vision exacte du volume global que pourraient avoir les recettes et que devraient avoir les dépenses.
La Commission nous a, depuis le début, habitués à des budgets de dépenses, en justifiant sa position à peu près en ces termes: ce sont là les dépenses, qui, croyons-nous, doivent être effectuées par la Communauté. L'addition de celles-ci donne ce que nous demandons au titre de la quote-part TVA nécessaire pour couvrir les dépenses, en remplacement des contributions versées dans le passé par les Etats.
Selon moi, la Commission devrait présenter une analyse des possibilités de développement des recettes de la Communauté, indiquer la dimension que doit avoir le budget de la Communauté parce que celui-ci a une incidence sur la vie de nos peuples. Ce n'est pas quelque chose que l'on puisse réaliser d'une année à l'autre. C'est cependant la direction dans laquelle il faut aller, ce qui explique la nécessité, pour la Commission, de tracer le cadre de la situation économique générale, d'indiquer la charge contributive générale qui pèse aujourd'hui sur les citoyens de la Communauté, de proposer une éventuelle répartition différente, de manière à pouvoir, par exemple, pour l'an prochain, compter sur un développement donné, établir un ordre de grandeur général, qui serve aussi à faire comprendre quel est l'ordre de grandeur des dépenses.
Telle est la véritable réponse à apporter au problème qui a été soulevé d'une manière inexacte par le Conseil. Le Conseil estime en effet devoir fixer dès le début le taux maximal d'accroissement qu'on est ensuite tenu de ne pas dépasser. On ne peut fixer le taux maximal au début: la logique, les règlements et le Traité s'y opposent. La fixation du taux maximal doit intervenir à la fin, par accord entre le Parlement et le Conseil, et non par l'effet d'une décision unilatérale.
Il y a lieu, par conséquent, d'avoir une vision générale des possibilités financières, pour que le Parlement ne prête pas non plus le flanc à l'accusation - injuste, mais inévitable dans la logique actuelle du système - de dépenser trop et de ne pas se soucier de qui doit payer et comment. Je ne dis pas que le rapport Bangemarin aurait dû apporter une réponse à cela, mais il aurait dû au moins inviter la Commission à agir dans ce sens, ce qui, du même coup, lui aurait conféré un high profile.
En outre, parlant des diverses politiques de la Communauté, notre collègue Bangemman indique que cette liste n'obéit pas à un critère systématique. Ce n'est pas ainsi que l'on doit procéder. Nous aurions dû souligner les données fondamentales auxquelles la Communauté est confrontée, à savoir le problème de la lutte contre le chômage, de la relance économique, de la restructuration et de la reconversion industrielles, et demander qu'une solution soit apportée à ces problèmes, en indiquant les insuffisances ou tout simplement les lacunes que l'on peut déceler au niveau des politiques et des programmes.
C'est de cette manière qu'auraient dû être présentées les orientations en matière de budget, conformément, du reste, aux idées exprimées ici par la quasi-totalité des tendances politiques. Nous ne présenterons pas d'amendements parce que l'intention du Parlement de s'en tenir à un very low profile est également confirmée par le choix du jour fixé pour cette discussion - le vendredi - jour où de très nombreux parlementaires sont absents et où le représentant du Conseil et même le commissaire responsable, c'est-à-dire la personne à laquelle nous devrions nous adresser, sont absents de l'hémicycle. C'est pour cette raison que nous nous abstiendrons lors du vote.