PROGRAMME D'ACTIVITE DE LA PRESIDENCE ALLEMANDE DU CONSEIL
par Altiero Spinelli
SOMMAIRE: Le Parlement examine la liste conventionnelle de promesses contenues dans le programme semestriel de la présidence du Conseil, assuré du 1er janvier au 30 juin 1983 par le gouvernement allemand.
C'est, on le sait, durant ce semestre de présidence, et à l'occasion du Conseil européen de Stuttgart (juin 1983), que les gouvernements de la Communauté adoptent la »Déclaration solennelle sur l'Union européenne . In "Discours au Parlement européen, 1976-1986", éditeur Pier Virgilio Dastoli. (PE, le 11 janvier 1983)
Monsieur le Président, il y a certainement quelque chose de décevant, je dirais même de fantomatique, dans ce rite semestriel du nouveau président du Conseil qui vient nous exposer la liste de ses désirs. Nous savons parfaitement que ses pouvoirs sont très limités, qu'il ne peut nous garantir la réalisation d'aucune des choses dont il nous parle. Nous comprenons en outre, en particulier, la difficulté qu'éprouve le gouvernement allemand qui assume cette responsabilité à un moment où le fait d'être l'un des membres les plus influents du Conseil est compensé par la perspective imminente d'une élection au résultat très incertain.
Mais à côté de tous ces éléments négatifs, il faut enregistrer le fait que celui qui nous parlait était M. Genscher, un Européen connu, un Européen convaincu, un Européen qui, depuis longtemps, est responsable de la politique étrangère de la République fédérale allemande, qui connaît les drames de cette Communauté, qui a eu parfois, durant toutes ces années, quelques visions sur l'avenir de l'Europe et qui nous parle à un moment qui marque un tournant pour sa vie politique personnelle. Il aurait pu nous parler avec un certain détachement, en puisant dans ses pensées les plus profondes, plutôt que dans les dossiers de sa représentation permanente et du secrétariat du Conseil. Pour cette raison, la déception engendrée par son discours est plus grande que d'ordinaire dans des situations semblables.
Parlant au nom des communistes et apparentés italiens, je ne m'arrèterai que sur quelques aspects, parce que je n'ai pas davantage le temps d'exprimer nos préoccupations.
En matière de coopération, M. Genscher nous a parlé des graves problèmes que nous posent les pays en voie de développement, et il touche par exemple au problème de leur endettement. Que propose-t-il? Consolider cette dette, la réduire, l'annuler? Et pourtant, de telles décisions devront sous-tendre très tôt notre politique à l'égard du tiers monde. Il nous parle de l'engagement que l'Europe doit prendre pour éviter que le processus de paix ne s'enlise, pour que soient exploitées toutes les chances de faire avancer la détente et d'arrêter la course aux armements avec la volonté de réussir. Il ne dit pas un mot sur les fortes pressions exercées quotidiennement sur chacun de nos pays, à l'Ouest non moins qu'à l'Est, pour saper cet accord fragile et incertain qui s'est établi entre nos pays, pas un mot sur la nécessité de renforcer cette unité des volontés, y compris sur le plan de la coopération politique. M. Genscher nous parle de la lutte contre le chômage comme première priorité, et tout ce qu'il nous propos
e est un accroissement des dépenses pour la formation professionnelle et un soutien d'une ampleur non précisée à la petite et moyenne industrie. C'est vraiment trop peu, Monsieur Genscher, pour un si grave problème!
Vous mentionnez, Monsieur Genscher, le développement du marché intérieur, comme deuxième tâche prioritaire, et vous n'avez pas un mot pour dire que, si les frontières internes sont l'occasion de beaucoup d'abus, elles sont essentiellement dues au fait que les taux de la TVA varient encore largement d'un pays à l'autre et que rien n'est entrepris pour les harmoniser. Et vous ne consacrez que quatre lignes à la nécessité d'entreprendre enfin la politique commune des transports! Connaissez-vous, Monsieur Genscher, la résolution du Parlement européen qui propose d'engager contre le Conseil une action auprès de la Cour de justice pour ne pas avoir rempli les taches que le Traité lui imposait dans ce domaine?
Vous parlez, troisième priorité, de l'élargissement, et rien dans vos propos n'indique si le Conseil approche ou non de la conclusion!
Je ne m'arrête pas sur la longue liste des étapes qui devraient être franchies pour faire avancer les politiques communes, mesures sages dans la plupart des cas, la capacité du Conseil de prendre des décisions étant cependant l'inconnue par excellence. Vous êtes conscient, Monsieur Genscher, qu'il n'est pas possible, dans cette situation, d'avancer avec le système institutionnel que nos peuples s'étaient donné il y a vingt-cinq ou trente ans; vous l'avez répété plusieurs fois. Vous savez que le plan dit Genscher-Colombo piétine, pour ne pas dire qu'il est déjà sur une voie de garage. Vous savez pertinemment que ce Parlement a l'intention de proposer aux gouvernements et aux parlements de nos pays un projet de traité instituant enfin cette union dont la réalisation est prévue par les traités et invoquée dans d'innombrables déclarations: or, vous ne trouvez pas un mot pour en parler!
Monsieur Genscher, ce n'était pas cet ensemble de mots vagues et de silences savants ou embarrassés que nous attendions de vous aujourd'hui. Vous ne serez donc pas étonné que nous ne vous ayons pas applaudi.