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Partito Radicale Centro Radicale - 11 dicembre 1996
PE/Prix Sakharov: déclaration de Shanshan WEI

DECLARATION DE MME SHANSHAN WEI-BLANK A L'OCCASION DE L'ATTRIBUTION DU PRIX SAKHAROV A SON FRERE WEI JINGSHENG

Strasbourg, le 11 décembre 1996

Monsieur le Président du Parlement européen, Mesdames, Messieurs,

C'est pour moi un grand honneur de pouvoir recevoir, au nom de mon frère, le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit, que le Parlement européen lui a décerné. Mais en même temps, je suis très triste de voir que mon frère se trouve toujours en prison et qu'il ne peut venir ici, aujourd'hui, personnellement.

Lorsque ma soeur et un autre de mes frères ont rendu visite à Wei Jingsheng en prison, le 20 novembre, et lui ont appris que le prix des droits de l'homme lui était décerné, il fut à la fois surpris et ravi que cette récompense européenne particulière - les droits de l'homme et les idées démocratiques sont nés en Europe - lui soit attribuée.

Il a été particulièrement touché d'apprendre que c'est le Parlement européen qui a décidé de l'attribution du prix des droits de l'homme, exprimant ainsi la volonté démocratique de la population européenne. Pour Wei Jingsheng, cette récompense est un acte d'encouragement et de soutien de la part de la population européenne, non seulement à son égard, mais aussi à l'égard de l'ensemble des mouvements militant pour les droits de l'homme en Chine.

une époque où le mouvement chinois des droits de l'homme doit supporter une violente pression de deux côtés en même temps - c'est-à-dire d'un côté, avec les représailles du gouvernement chinois et d'un autre côté, avec l'attitude indifférente des grands pays de ce monde - à une époque donc où de nombreux militants des droits de l'homme, autrefois très engagés, commencent à douter de la valeur et de l'importance du mouvement chinois des droits de l'homme et où beaucoup se demandent à quoi il sert de se sacrifier, cet encouragement du Parlement européen est d'une valeur incomparable -, il redonne une confiance en soi à de nombreuses personnes et les motives dans leur engagement au sein du mouvement des droits de l'homme.

C'est pour toutes ces raisons que mon frère m'a demandé d'exprimer aujourd'hui ses remerciements particuliers pour le soutien que lui apporte le Parlement européen et les citoyens européens qu'il représente.

Je voudrais maintenant vous remercier à litre personnel et au nom de l'ensemble de ma famille. Nous sommes convaincus que ce prix aidera énormément Wei Jingsheng à surmonter sa maladie et la torture dont il est victime en prison et que cette reconnaissance est un grand pas pour l'obtention de sa libération.

Merci beaucoup!

Je voudrais profiter de cette occasion aujourd'hui, pour vous expliquer la façon dont mon frère est arrivé à s'engager dans le mouvement des droits de l'homme et pourquoi il a écrit, en 1978, le traité politique "démocratie - la cinquième modernisation", pour lequel le parti communiste chinois l'a condamné à 30 ans de détention.

Le hasard a fait qu'en 1968, Wei Jingsheng est retourné dans le village d'origine de notre famille, situé dans le district de ChaoHu - province de Anhui; cette région appartient à la plaine de Jiangxiang, grenier à blé célèbre dans toute la Chine pour son sol fertile et productif.

Wei Jingsheng a vu que les paysans y menaient une vie paisible et qu'il y régnait une certaine prospérité. Personne n'aurait pu croire qu'à cet endroit, des hommes étaient morts de faim il n'y a pas si longtemps.

Un jour, Wei Jingsheng, au cours d'une promenade, passa devant des ruines; il s'étonna de ce que les maisons étaient tombées en ruine et s'étaient recouvertes d'herbe. Un parent raconta alors à mon frère qu'en 1959, la région avait été touchée par une famine importante. cette époque, l'idée que le communisme devait devenir réalité en Chine et dans le monde entier, obsédait Mao Zedong. Pour cette raison, les paysans durent livrer l'ensemble de leurs céréales à l'État, afin que Mao puisse acheter l'acier dont il avait besoin pour construire des avions et des armes et "libérer l'humanité entière". Cette année-là, à l'automne, la récolte fut exceptionnelle et l'Etat en saisit la totalité dans les "communes populaires". Les paysans furent contraints de manger dans des cantines. Voyant cela, quelques familles de paysans gardèrent secrètement une partie des céréales. Lorsque les fonctionnaires du parti le découvrirent, certains paysans furent pendus pour stockage de denrées, d'autres furent battus à mort.

A peine l'hiver était-il arrivé, qu'il n'y avait plus de céréales dans les cantines des communes populaires. Avant le printemps, on ne trouvait plus non plus la moindre écorce d'arbre ou racine comestible dans la région, la population, dans sa misère, ayant recherché tout ce qui pouvait se manger pour survivre. Peu à peu, un grand nombre de personnes privées par 1 gouvernement chinois de leur droit à se nourrir, moururent de faim. Même la direction du parti s'était engagée dans la lutte contre le stockage de denrées et fouillait les maisons des paysans. Le chef du village lui-même, qui avait confisqué la dernière récolte des paysans, mourut finalement de faim. Pas un seul habitant du village ne resta en vie. Dans cette famine catastrophique causée par le gouvernement, sans doute plus de 20 millions de personnes sont mortes dans les campagnes. Et ce n'est que le chiffre admis officiellement par le gouvernement; le chiffre véritable est peut-être double.

Lorsque mon frère, qui a grandi dans la capitale, l'apprit, il fut bouleversé. Pékin, personne n'avait eu connaissance de ces événements qui s'étaient passés 10 ans plus tôt. Il prit soudain conscience du fait que, pendant qu'il vivait sans soucis à Pékin, un grand nombre de ses compatriotes, parmi lesquels se trouvaient aussi des membres éloignés de sa famille, vivaient dans une grande misère.

La mort de ces millions de personnes passa presque inaperçue, personne n'en acceptant la responsabilité et il fut exclu qu'unetelle chose puisse se reproduire à l'avenir. Devant une situation aussi insupportable, mon frère commença, à partir de ces événements, à écrire ses pensées politiques dans un cahier, nourrissant ainsi l'espoir de contribuer à faire sortir le peuple chinois de la misère dans laquelle il se trouvait.

Lorsqu'en 1978, les paysans exprimèrent leur insatisfaction vis-à-vis de la situation dans des journaux muraux sur le mur de la démocratie à Pékin et que, pour la première fois dans l'histoire de la République populaire de Chine, les idées démocratiques furent publiées, mon frère profita de l'occasion pour publier sur "le mur de la démocratie", les pensées qu'il avait couchées sur papier pendant les dix dernières années. Il exigeait la liberté de la presse, afin que le peuple soit informé de la mauvaise situation dans laquelle le pays se trouvait; il demandait des élections démocratiques, de sorte que les hommes politiques agissant de manière irresponsable puissent à l'avenir être remplacés; il demandait le multipartisme, la sauvegarde des droits de l'homme et l'indépendance du système judiciaire.

A cette époque, mon frère ne se contenta pas d'écrire des articles politiques dans lesquels il exprimait son engagement pour les droits politiques de ses compatriotes, il accueillit aussi de nombreux paysans venus à Pékin pour montrer leur misère au gouvernement central; ainsi, son petit logement s'était transformé en "centre de refuge". Souvent, il payait lui-même leur billet pour leur permettre de retourner dans leur village.

En raison de son engagement politique pacifique, il dut alors passer 14 années en prison. cette époque, presqu'aucun contact avec les autres personnes ne lui était permis et sa santé s'aggrava. Puis, lorsqu'il fut relâché en septembre 1993, il concentra ses efforts sur deux missions: d'abord, il se remit à écrire des articles dans lesquels il réclamait des droits pour les citoyens chinois, puis il apporta son soutien aux victimes du régime politique qui lui demandaient de l'aide, notamment, aux familles des victimes du massacre de la place Tienanmèn du 4 juin 1989.

En 1979, la démocratie en Chine était le rêve de quelques rares personnes - en 1989, c'était le rêve de millions d'hommes qui manifestaient pour la liber-té sur la place de la "paix céleste".

Malgré des protestations venant du monde entier, les hommes au pouvoir en Chine condamnèrent à nouveau mon frère à 14 ans de prison, prétextant qu'il avait prévu de renverser le gouvernement. Jamais Jingsheng ne s'est fait l'apôtre de la violence, jamais il ne l'a utilisée. C'est un mensonge que de lui reprocher d'avoir planifié la chute du gouvernement. Certes, toute personne en Chine critiquant le gouvernement, exigeant un système multipartite et la démocratie, est déclarée ennemi de l'Etat.

Les régimes dictatoriaux - et par là, je ne pense pas seulement à la Chine - ne redoutent rien d'autre que l'opinion publique et la critique justifiée de la cruauté de leur régime.

Le gouvernement chinois a plusieurs fois proclamé,que WeiJingsheng était un criminel. Mais quel crime Wei Jingsheng a-t-il commis? Le gouvernement chinois l'a exprimé très clairement: Deng Xiaoping, vétéran du parti et ancien homme le plus puissant du pays a, au début des années 1980, tenu un célèbre discours, diffusé en 1986 à l'opinion publique, sous le nom de "document nr.1 "; ce discours dit: "Il y a quelques personnes qui exigent de nous que nous fassions preuve de tolérance envers les dissidents. Wei Jingsheng n'est aucunement un dissident. Wei Jingheng est un représentant de la "libéralisation bourgeoise". Mais nous ne pouvons en aucun cas nous incliner devant eux!".

Vous me permettez, maintenant, de demander ce que signifie "libéralisation bourgeoise"? Quel paragraphe du code pénal chinois est violé par l'idée de "libéralisation bourgeoise"?

Par la suite, Deng Xiaoping s'exprima ainsi: "nous n'avons pas à craindre que l'on dise de nous que nous ne respectons pas les droits de l'homme. Nous avons arrêté Wei Jingsheng et nous n'allons certainement pas le libérer. Où est le mal? Les étrangers ne continuent-ils pas à faire des affaires avec nous?"

On peut conclure de ces paroles que la direction du parti communiste n'est pas seulement tout à fait consciente de l'innocence de Wei Jingsheng et du fait que son incarcération représente très clairement une violation des droits de l'homme mais, bien que les détenteurs du pouvoir chinois soient décriés par d'autres comme étant des assassins, ils continuent à ne pas avoir le moindre scrupule, car pour eux, il n'y a qu'une seule devise: "l'essentiel c'est que l'on fasse des affaires avec nous et nous n'avons pas besoin de nous inquiéter du reste".

Ce comportement tyrannique n'est pas seulement caractéristique de Deng Xiaoping, il correspond aussi aux méthodes du gouvernement dirigé par le parti communiste. Le gouvernement chinois avait épouvanté le monde entier avec le massacre du 4 juin 1989. Un an plus tard, il décidait qu'à l'époque son comportement était convenable et que dans le futur, en pareille situation, il agirait plus rapidement, plus durement et bien décidé à couper l'opposition à la racine.

Bien que ce régime inhumain l'ait obligé à passer ses plus belles années dans l'obscurité des prisons chinoises, mon frère s'est opposé depuis toujours à toute dictature, d'une manière tempérée et rationnelle.

En 1993, alors que la colère de la population chinoise envers le gouvernement - sous le signe du massacre du 4 juin - était encore perceptible, Wei Jingsheng demanda à nouveau à ses amis, engagés dans le mouvement démocratique, de rester attachés au principe de la sincérité, de la raison et de la non violence.

Ses mots furent: "Si l'on veut mettre la Chine à l'abri de ce cercle vicieux qui fait que, à la violence d'un côté, on répond par la violence d'un autre côté, il ne faut surtout pas, comme l'a fait le parti communiste, s'engager sur la voie menant au pouvoir en utilisant des organisations clandestines et, finalement, s'emparer du pouvoir par la force des armes. Lemouvement démocratique chinois doit rester attaché aux principes de la sincérité, de la raison et de la nonviolence".

Aujourd'hui, un an après la nouvelle condamnation de mon frère, tout le monde, dans le monde occidental , doit se rendre compte que soutenir le régime communiste, c'est comme soutenir un groupe de tyrans. Chacun devrait reconnaître que le- fait de tolérer les incroyables méthodes de répression que le parti communiste applique vis-à-vis des efforts pacifiques et raisonnables des démocrates chinois, a comme conséquence pour la Chine qu'elle laisse passer la chance d'un changement harmonieux.

Il ne faudrait pas accepter que le gouvernement chinois produise une forte injustice sociale, qu'il attise de cette manière la haine et soit à l'origine d'un chaos social, comme par exemple dans les régions du Tibet et de Xinjiang (région autonome) dans lesquelles le gouvernement chinois opprime cruellement les minorités.

Malgré tout, les hommes d'État du monde entier se laissent séduire par le mirage du grand marché chinois de demain" et fixent leur attention sur "les affaires avec la Chine". C'est de ce point de vue que la devise Deng Xiaoping "L'essentiel, c'est qu'ils fassent des affaires avec nous" continue malheureusement à s'appliquer.

Ce qui différencie le Parlement européen des hommes d'Etat européen, c'est son sens de la justice; il se fait ainsi l'esprit de la démocratie, caractéristique tellement déterminante de la population européenne.

J'espère vraiment que les gouvernements de tous les Etats européens vont, encore une fois, méditer sur la volonté de leurs citoyens et prendre exemple sur l'attitude du Parlement européen.

Au nom de mon frère Wei Jingsheng, je vous remercie encore une fois du fond du coeur: merci beaucoup!

 
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