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Spinelli Altiero - 15 gennaio 1985
Nouvelle Commission

INVESTITURE DE LA NOUVELLE COMMISSION, PRESIDEE PAR JACQUES DELORS

par Altiero Spinelli

SOMMAIRE: Le Parlement prend connaissance du programme politique de la nouvelle Commission présidée par Jacques Delors, et vote pour la première fois une proposition de résolution "d'investiture" de la Commission et d'évaluation du programme.

Spinelli avait envoyé, dans les jours précédant le débat parlementaire, une lettre ouverte à Delors publiée dans les principaux quotidiens européens, le 7 janvier 1985 In "Discours au Parlement européen, 1976-1986", éditeur Pier Virgilio Dastoli. (PE, le 15 janvier 1985)

»Cher président et ami, Etant de ceux qui seront appelés prochainement à donner leur confiance à la Commission présidée par vous, je me permets de vous soumettre quelques réflexions sur les responsabilités politiques que vous vous préparez à assumer.

Le Parlement européen a fait une expérience amère avec la Commission qui a précédé la vôtre, car ses actes - et ses omissions d'actes - ont été trop souvent en contradiction avec les paroles qu'elle lui adressait. Le Parlement voudra donc savoir avec précision et clarté si votre Commission s'engage à être son alliée dans l'action qu'il a entreprise pour redonner un sens à la construction européenne; ou bien si, vous aussi, vous vous résignez à être un secrétariat, grognard mais discipliné du Conseil, d'une institution qui, n'ayant pas eu jusqu'à présent de contre-poids valable, s'efforce depuis plus de trente ans de ramener toute la vie européenne au niveau d'accords intergouvernementaux, c'est-à-dire au niveau de réalisations précaires, tardives, insuffisantes, voire inexistantes.

Chacune des Commissions qui ont succédé à celle de Hallstein a parcouru un bout de chemin dans la direction de sa soumission à un tel Conseil. Mais chacune d'elle a eu la possibilité de voiler pour un certain temps ses capitulations. Pour vous, il n'y aura ni place ni temps pour l'équivoque. Dès votre première apparition devant lui, le Parlement sera en effet très attentif à la réponse que vous donnerez, tout particulièrement, aux deux problèmes cruciaux qu'il a formulés avec précision dans sa session de décembre.

En premier lieu, en prenant acte du fait que la majorité du comité Dooge a fait sienne la suggestion du président Mitterrand et a proposé de tenir prochainement une conférence intergouvernementale pour rédiger un traité d'union européenne, le Parlement a demandé. 1. Que la conférence soit convoquée au plus tard au mois de juin, même si quelques gouvernements devaient refuser d'y participer;

2. Que cette conférence travaille sur le projet voté par le Parlement en proposant de le modifier là où elle conviendra de le faire dans le respect toutefois »de l'esprit et de la méthode du projet du Parlement européen , (ce sont les termes du rapport Dooge);

3. Que le Parlement soit un partenaire de la conférence de manière que le traité soit prêt pour la ratification dès que, suivant des procédures appropriées de navette ou de conciliation, un même texte aura été adopté par la conférence et le Parlement, représentant respectivement les gouvernements et les citoyens de la Communauté.

Le Parlement s'attendra sans aucun doute à ce qu'au sein du comité Dooge et ensuite, du Conseil européen, vous vous rangiez avec précision et décision aux côtés du Parlement et non de ceux qui ne manqueront pas de demander que le projet du Parlement ne reçoive qu'un coup de chapeau, et que l'entreprise constituante soit remise entre les mains des diplomaties.

En deuxième lieu, en rejetant le budget 1985 et en refusant son consentement à l'usurpation de pouvoir dite »discipline budgétaire qui permettrait au Conseil d'enfermer la Communauté, et en particulier votre Commission, dans un carcan suffocant, le Parlement a exigé que le volume du budget soit décidé conjointement par le Parlement et le Conseil sur la base de propositions de la Commission, donc de votre Commission.

Le Parlement s'attendra sans aucun doute à ce que vous refusiez catégoriquement l'usurpation du Conseil et que vous vous engagiez à demander que non seulement le Parlement mais aussi le Conseil donnent leur approbation de principe à l'ordre de grandeur des recettes à prévoir pour la réalisation de votre programme quadriennal. C'est la seule manière d'établir une discipline budgétaire sérieuse.

Le nouveau budget 1985 que vous proposerez, après le rejet de décembre, devrait par conséquent:

1. S'inscrire dans ce programme quadriennal;

2. Prévoir l'émission d'emprunts pour couvrir le déficit des dépenses 1985 dans la mesure

où celles-ci dépasseraient le plafond actuel de 1 % TVA,

3. Concevoir les engagements inscrits dans le budget 1985 - mais payables dans les années successives - en fonction de l'hypothèse qu'au cours de 1985, les Etats auront voté le transfert d'une partie de la TVA à la Communauté dans la mesure nécessaire pour garantir la réalisation du programmes quadriennal;

4. Calculer l'ordre de grandeur des réductions que les Etats pourraient introduire dans leurs dépenses, comme conséquence des dépenses assurées par la Communauté.

Le Parlement élu par les citoyens de la Communauté pose ces exigences d'ordre institutionnel et budgétaire parce qu'il est conscient des droits et des devoirs qui lui reviennent de par le concept même de démocratie, et qu'il sait que ses droits et devoirs n'ont de sens et ne sont nécessaires que s'il a devant lui un exécutif fort, efficace, et disposant des moyens nécessaires pour faire les politiques communes dont l'Europe a besoin.

Votre rencontre avec le Parlement européen au mois de janvier pourrait avoir une signification historique analogue à celle de l'engagement du président Mitterrand pour l'union européenne au mois de mai 1984. Sachez oser, M. Delors!

Vôtre, Altiero Spinelli.

Monsieur le Président, sachant que l'ordre des travaux ne m'aurait pas permis d'exposer mes idées sur le discours du président de la Commission, je lui ai adressé, il y a quelques jours, une lettre ouverte publiée par quatre journaux européens et qui vous posait, Monsieur Delors, deux questions cruciales auxquelles vous auriez pu répondre aujourd'hui sans devoir entrer dans des détails prématurés.

En premier lieu, je vous avais demandé de soutenir la requête formelle du Parlement d'être associé comme partenaire - je répète: comme partenaire, et non comme organe à consulter - de la conférence intergouvernementale qui devra préparer le traité de l'Union européenne. Vous vous êtes tu.

En deuxième lieu, je vous ai demandé de prendre l'engagement de présenter dans les plus brefs délais un avant-projet de budget 1985 pour votre première année de travail, fondé sur votre vision de politique quadriennale, et non pas sur celle de la Commission Thom, en refusant en particulier la prévarication du Conseil dite discipline budgétaire. Vous vous êtes tu.

Je veux espérer que vous sortirez de ce silence dans le plus brefs délais. En attendant, je m'abstiendrai dans ce vote de confiance.

 
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