JOURNEES ANTIPROHIBITIONNISTES DE BRUXELLES: INTERVENTION DE GEORGES PAPANDREOU, MINISTRE GREC DES AFFAIRES EUROPEENNES
Bruxelles, le 11 décembre 1997
Avant tout, je tiens à vous remercier pour votre invitation à ce débat public auquel je suis particulièrement heureux de participer.
Lune des principales raisons de ma présence ici est de faire une chose très importante, à savoir décriminaliser le débat public lui-même sur le problème des drogues. Personne dans une démocratie n'a le monopole du droit de soumettre des idées, des propositions ou des solutions. C'est pourquoi je pense que ceux qui défendent des positions controversées et radicales doivent être respectés, en particulier pour leur courage de s'exposer et de prendre des positions fortes dans la recherche de nouvelles solutions.
En tant que Ministre des Affaires européennes, je peux officiellement vous dire que mon gouvernement et moi-même croyons qu'il faut ouvrir de manière beaucoup plus large, en Europe, le débat sur ce problème et dès lors oeuvrer à créer une politique européenne plus cohérente et plus humaine en matière de drogues, avec de meilleurs résultats à la clé.
Si vous me le permettez, je dirais maintenant quelques mots sur mon opinion personnelle, que certains membres du gouvernement que je représente partagent, ainsi que certains députés du Parlement grec, alors que d'autres sy opposent. Je suis également ici parce que je crois que nous devons nous attelés à concevoir d'autres mesures, étant donné que jusqu'à ce jour nous n'avons pas résolu le problème drogue par le simple usage de la force. Je pense que la question de la décriminalisation, bien que ce ne soit pas une panacée universelle, peut certainement nous aider. Mais elle doit être complétée par l'information et l'éducation. La politique de criminalisation des usagers a échoué et elle a créé des problèmes considérables dans nos sociétés. Je commencerai par les problèmes politiques: elle a créé un milieu criminel engrangeant de vastes sommes d'argent qui minent nos institutions démocratiques, que ce soit les forces de police, les juges ou les hommes politiques eux-mêmes. Les problèmes sociaux naissent lorsqu
'on transforme en criminels des usagers de drogues sinon innocents, en les forçant à devenir l'armée involontaire du milieu, à commercialiser et parfois à trafiquer des drogues dans un monde illégal. Nous créons également une forte marginalisation touchant une grande partie de notre communauté. Le troisième problème est celui de la santé et de la sécurité des personnes. Il n'y a pas de contrôle sur ces questions tant que nous criminalisons une partie considérable du monde, tant que nous tentons de les rayer de notre esprit. De cette manière, nous ne pouvons contrôler les substances vendues, leur mode de distribution et leur mode de consommation, avec tout le cortège de maladies et souvent de morts que cette situation implique.
En tant que père d'un garçon de 15 ans, je serais nettement plus rassuré de savoir qu'une situation régulée existe, si mon fils, comme beaucoup d'autres enfants, décidait de consommer des drogues. Bien entendu je ne serais pas favorable à sa décision, mais je préférerais savoir que les drogues sont soigneusement contrôlées plutôt que d'être laissées aux mains de quelques criminels. C'est pourquoi je pense que pour casser ce circuit criminel, nous devons nous diriger vers la décriminalisation du cannabis - des drogues douces - et aussi trouver des moyens de décriminaliser les usagers de drogues dures. Nous devons dès lors concevoir des moyens d'administrer soit la méthadone soit la drogue elle-même, comme cela se fait aujourd'hui dans certains pays (la Suisse par exemple), à ceux qui sont dépendants des drogues dures.
Ceci est mon opinion personnelle et je pense que c'est une opinion qu'un nombre sans cesse croissant d'hommes politiques commencent à partager. Nous devons travailler dans cette direction au sein de l'Europe. Il existe aussi, certainement, un problème de droit international mais j'estime qu'avant de parvenir à changer les traités internationaux, il y a encore beaucoup à faire tant au niveau national qu'au niveau de lUnion européenne.
Merci.