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Partito Radicale Centro Radicale - 11 dicembre 1997
Pr/Cora/Journées antiprohibitionnistes: intervention d'Hedy d'Ancona

JOURNEES ANTIPROHIBITIONNISTES DE BRUXELLES: INTERVENTION D'HEDY D'ANCONA, PRESIDENTE DE LA COMMISSION LIBERTES PUBLIQUES DU PARLEMENT EUROPEEN

Bruxelles, le 11 décembre 1997

Je vous félicite pour votre nombreuse présence à cette conférence consacrée à l'antiprohibitionisme. J'étais également présente à la dernière où j'ai d'ailleurs pris la parole. Cette fois-ci, je souhaiterais évoquer quatre remarques et vous faire part de quelques commentaires.

Ma première remarque est la suivante: on peut organiser des conférences, mais celle des antiprohibitionistes en particulier doit primer lors de la conférence de l'ONU en juin sur les conventions existantes. Je pense que - si vous êtes au courant du dernier rapport mondial de l'ONU sur la drogue - la rigidité dont l'ONU a fait preuve dans le passé et qui a bloqué chaque discussion sur la libéralisation de la politique des drogues, a désormais cédé la place à une attitude plus tolérante. Je lis dans ce rapport - et les rédacteurs l'ont écrit eux-mêmes - que les conventions internationales ne sont pas bâties de pierre. Ces mots sont très importants. Les conventions peuvent donc être changées si la volonté politique est présente. Et j'ajouterai: si la nécessité est elle aussi présente. Ma première thèse consiste donc en ce qui suit: il est absolument nécessaire de voter ces conventions en juin prochain.

Deuxièmement, quoiqu'ils écrivent eux-mêmes qu'un dialogue soit utile, j'ai jusqu'à présent eu l'expérience - et je suppose que vous partagez la même - qu'il est très difficile de mener un débat rationnel sur la politique des drogues. J'ai parfois l'impression qu'il s'agit de religion ou de croyance. D'un côté, se trouve la conviction de ceux qui soutiennent une politique plus libérale ou qui défendent même la légalisation de toutes les drogues, de l'autre côté, il y a la religion, la ferme conviction qu'on ne peut même pas aborder le sujet. Le problème réside dans le fait que ces deux camps n'ont pas souvent l'occasion de se réunir pour discuter. Vous voyagez sans doute à travers le monde et vous retrouvez partout vos partisans; ceux qui sont contre la politique libérale des drogues se retrouvent quant à eux dans leur société religieuse. Les deux positions se confrontent partout dans le monde et de temps à autre s'assoient autour d'une table. Nous nous rassemblons au Parlement européen par exemple ou dans l

a Commission que je préside. Mais là aussi il est très difficile de mener un débat normal avec les Suédois par exemple, indépendemment de leur parti politique. C'est impossible. Les émotions et la morale prennent rapidement le dessus. Ainsi, au moment où finalement nous disposons d'expériences qui, sur base d'investigations scientifiques, vont clairement dans le sens d'une prescription médicale de drogues aux toxicomanes, surgit alors la morale pour interdire cela. Le débat cesse aussitôt. Nous avons donc des données scientifiques, mais la morale s'insurge. De même, quand le laboratoire européen des drogues arriva avec les comparaisons des résultats des différentes sortes de politiques et que les chiffres des Pays-Bas laissaient voir que, par exemple, nous avions le nombre le plus réduit de décès pour cause de drogue, le plus petit nombre de personnes infectées par le HIV, le plus petit nombre de personnes qui après l'usage de drogues synthétiques trouvent la mort, les Suédois ont alors rétorqué: Ces chiffre

s sont inexacts, l'enquête doit à nouveau être réalisée. Tout cela, parce qu'on ne peut pas croire qu'une politique libérale et tolérante puisse avoir des résultats favorables. Cela reste donc sans espoir.

Le problème consiste en ce que, dès que vous voulez parlez de changements, les émotions, la morale, l'éthique politique, la notion de norme compliquent extrêmement le passage aux changements politiques. Il est extrêmement difficile d'aller demander une politique libérale en matière de drogues en Europe au Conseil des Ministres de la Justice, parce qu'ils doivent rentrer chez eux et doivent aller expliquer qu'ils vont suivre le modèle néerlandais par exemple. La maison est alors trop étroite, et la politique n'est plus vendable. M'occupant depuis des années déjà de la politique en matière de drogues, ayant également travaillé au Ministère néerlandais de la Santé Publique, et en tant que responsable de l'aspect médical du problème, aspect médical qui, aux Pays-Bas, constitue la base de la politique des drogues, j'ai appris durant toutes ces années qu'il valait donc mieux ne pas compter sur les politiciens pour changer les choses, mais qu'il était préférable de se tourner vers les gens qui travaillent sur le te

rrain.

Je ne suis pas une admiratrice assidue de la police, je n'ai pas cette mentalité-là, mais je dois vous avouer qu'au cours des ans j'ai discuté plus souvent avec des commissaires en chef de police, issus des grandes villes d'Europe - nous en avions d'ailleurs trois d'Allemagne dans notre commission il y a quelques mois de cela. Le monde de la police se prononce davantage en faveur du changement, il plaide pour une politique plus favorable en matière de drogues. Il est confronté à la situation désespérée et à l'échec de la lutte contre les drogues. Il est préférable de parler avec les personnes du terrain qu'avec celles qui s'assoient derrière une table et qui doivent s'assurer leurs électeurs. Ce débat est également facile à entamer avec les médecins et les assistants. C'est chez les gens du terrain que siègent les agences du changement. Je dois également aborder ces gens communs qui habitent les environs de lieux où beaucoup de junkies et de dealers traînent. Il est aussi aisé de dialoguer avec ces personnes

qui jour après jour sont confrontées à la misère que les conséquences néfastes des drogues entraînent chez eux. Il n'est pas facile d'habiter dans de un tel environnement. Je pense qu'il ne doit pas y avoir tellement de politiciens qui vivent là, parmi vous aussi d'ailleurs, il ne doit pas y en avoir tant. Mais jour après jour devoir habiter dans un tel environnement ravagé par les dealers et les junkies, c'est loin d'être simple. J'ai discuté avec ces personnes et elles sont ouvertes au changement. Elles disent: Prescrivez seulement de l'héroïne par ordonnance médicale, et je serai alors libéré de cette criminalité, que l'on appelle à tort la petite criminalité, parce que lorsque vous habitez un tel environnement, c'est pour vous la détérioration de votre vie quotidienne et ça, c'est de la grande criminalité. Chez ces personnes-là, se trouvent nos partenaires. Si nous voulons des changements, nous devons regarder vers ces gens et nous devons composer des coalitions.

C'était donc le point final de ma résolution, qui fut l'occasion d'une recommandation de projet au Conseil déposée par Mme Alietta et soixante autres membres du Parlement Européen concernant l'harmonisation de la législation des Etats membres en matière de drogues. Cette recommandation de projet, qui a entre autres été signée par M. Kouchner, l'actuel Secrétaire d'Etat à la Santé Publique en France, est allée à notre commission, à la Commission des Libertés Publique et des Affaires Intérieures et de la Justice, que je préside. Cette Commission a décidé que je pouvais rédiger le rapport. C'est ce que j'ai donc fait. Sur base de ce que je viens juste de vous raconter, j'ai dit que cette harmonisation avait été appliquée dans toute l'Europe à partir du haut, et cela ne nous a apporté aucun bien. Car une fois encore, si les politiciens vont harmoniser d'en haut, alors je vous assure, vous recevrez la politique la plus restrictive, ça deviendra tout à fait comme en Suède. Les politiciens veulent raconter ceci à l

eurs concitoyens: Nous sommes contre les drogues et nous menons combat contre les drogues, nous voulons veiller à ce que vos enfants ne deviennent pas la proie de la drogue. Je connais bien toutes ces histoires car hélas je suis déjà aussi vielle que les vingt ans durant lesquels je les ai entendues. J'ai donc saisi la chance pour dire à ce moment que l'harmonisation à partir du haut ne nous apporterait rien.

Vous pouvez discuter de cela, vous pouvez être en désaccord avec moi, mais hélas, je l'aurais volontiers désiré, cela aurait été si simple si le Conseil des Ministres avait dit: Nous harmonisons tout le problème dans l'Europe entière, vers la politique la moins restrictive et la plus tolérante. Mais de cela il n'est nullement question. S'ils vont harmoniser - regardez la politique d'asile - ce sera alors dans le sens de la politique la plus restrictive. C'est en tous cas mon opinion.

J'ai donc dit dans ma résolution que ce que nous devions faire, c'était écouter les gens du terrain. Nous ne devons pas harmoniser au plus haut niveau, nous devons donner l'espace aux expériences locales, aux initiatives locales, à ceux qui ont affaire à la pratique quotidienne, c'est là que nous devons nous mettre à l'écoute. Nous devons donc - et cela se trouve aussi dans la résolution - faire grandir cette harmonisation dans le temps, mais commencer au niveau le plus bas, là où le problème se joue. Il nous faut écouter et observer ce que l'on amène à ce niveau local aux expériences, aux initiatives et aux impulsions. Nous devons veiller à ce que les gens aient un contact entre eux, à ce qu'ils échangent des expériences et des données scientifiques entre eux. Cela constitue l'enjeu de cette résolution.

Le deuxième point est que si vous deviez faire cela, vous iriez rapidement à l'encontre des conventions de l'ONU dont je vous ai parlées. Celles-ci forment comme un véritable étau qui empêche des expériences locales semblables et des innovations dans la politique en matière de drogues. Je vais vous citer un nombre d'exemples de la politique néerlandaise qui vont à l'encontre de ces conventions de l'ONU.

Premièrement, notre politique à l'égard des drogues douces, de la marijuana et du haschich. Vous réagissez comme si une telle chose était particulière, or, je peux vous assurer que nous avons enquêté et que, mis à part la Suède, l'usage des drogues douces n'est plus poursuivi nulle part ailleurs dans l'Union Européenne. On tait cela, on dit toujours que c'est le cas aux Pays-Bas, mais cela se déroule de la même façon presque partout. On ne peut même pas commencer cette répression parce qu'alors les prisons seraient encore plus pleines alors qu'aujourd'hui, elles contiennent déjà 70 % d'actes criminels pouvant être en rapport avec la drogue. Nulle part dans l'Union à l'exception de la Suède on ne poursuit donc les consommateurs de drogues douces. Aux Pays-Bas, on peut en acheter dans ce qu'on appelle des koffieshops, c'est unique et aussi très provoquant. Mais pensez-vous qu'avec cela nous ayons résolu le problème ? Absolument pas. La politique néerlandaise est très ambiguë parce qu'on peut bien en vendre à l

a porte d'entrée mais on ne peut pas en acheter à la porte arrière. Cela n'a pas été réglé aux Pays-Bas. Et on n'en est pas capable parce que la convention de l'ONU l'interdit.

C'est donc très hypocrite, cela n'a pas de sens de pouvoir vendre à la porte d'entrée et d'en être interdit à la porte de derrière. En outre, on ne peut vendre de petites quantités aux consommateurs si on ne peut pas en faire provision. C'est donc là une première barrière. Il est impossible d'avoir une véritable politique rationnelle des drogues douces aux Pays-Bas à cause de la barricade des conventions de l'ONU.

Les expériences sur l'héroïne constituent un deuxième exemple. De grandes villes comme Amsterdam et Rotterdam ont demandé des expériences à grande échelle de distribution d'héroïne aux toxicomanes. Non, a dit l'ONU, on ne peut pas. Qu'a-t-on fait alors? On a commencé la distribution d'héroïne par prescription médicale pour 25 à 50 personnes. Ce sont des mesures sans envergure. La convention de l'ONU empêche qu'on s'y prenne d'une façon intelligente. Une ville comme Amsterdam sait exactement comment elle devrait le faire. La police, l'assistance, les docteurs, les psychiatres sont tous d'accord sur le sujet. La convention de l'ONU l'interdit et que fait-on - c'est aussi typiquement néerlandais - on le fait un peu.

J'ai entendu un troisième exemple à la radio ce matin. L'XTC et d'autres drogues artificielles se trouvent sur liste noire aux Pays-Bas. Maintenant, on commence un contrôle officiel d'XTC dans les fêtes house, puisque récemment de fausses pillules sont apparues sur le marché. De la part des pouvoirs il existe donc un contrôle des pillules qui figurent sur la liste noire. Là, je suis d'accord. J'entends par là que tout vaut mieux que des jeunes qui meurent à cause de l'usage de mauvaises substances. Par contre, je vous affirme que par ces conventions, un pays avec une politique aussi libérale que les Pays-Bas est entravé de toutes parts et empêché de créer une véritable politique.

C'est pour cela que je suis entièrement satisfaite de la recommandation 12 du rapport que j'ai rédigé et qui précise: désirant que le Conseil (le Conseil Européen Des Ministres) se prononce en faveur de la révision des conventions '61, '71, et '88 de l'ONU, l'année prochaine en juin, durant l'Assemblée Générale prévue sur les drogues, afin que les partis ayant conclu un traité reçoivent la permission de ne plus maintenir passible de peine l'usage de drogues illégales, de régulariser le commerce et la production de cannabis et de ses produits dérivés et d'autoriser la prescription médicale de méthadone et d'héroïne.

Miracle des miracles, une majorité de la Commission des Affaires Intérieures et de la Justice y a adhéré. Le rapport, les dix recommandations que j'ai rédigées ont reçu une majorité à la Commission. On en parlera en janvier à l'assemblée plénière et je ne suis pas optimiste concernant le résultat. D'où cela vient-il ? Cela provient du fait de l'arrangement du groupe du Labour au sein de la fraction socialiste, parce que si nous mettons de notre côté les socialistes, les ARE, les Verts, et tous les autres partis de gauche plus un nombre de démocrates-chrétiens des pays du Sud, alors cette partie aura la majorité. Le Labour est grand. Dans notre fraction (socialiste) il y a 69 membres du Labour, dont peut-être 9 oseront s'écarter de la ligne du parti et dont 60 s'abstiendront ou voteront contre un rapport progressiste et libéral de ce type. Pourquoi ? Parce que Tony Blair et son gouvernement ont posé un tabou absolu sur toute discussion à propos des drogues. Ils ne pourront pas le maintenir longtemps, mais bie

n jusqu'en janvier lorsqu'il faudra voter le rapport à l'assemblée plénière.

Maintenant, il se produira peut-être un miracle: que l'intelligence triomphe du sentiment, qu'elle l'emporte sur la religion et la morale. Selon ma morale, la répression à l'encontre les drogues doit absolument être considérée comme une lutte perdue. C'est un combat perdu d'avance. Le moment est arrivé d'échanger cette lutte contre une méthode pragmatique, basée sur des données, issues d'une enquête scientifique à partir d'expériences pratiques. Aussi si je perds en juin, il nous faudra, à tous, une fois encore répandre ces recommandations, parce qu'elles sont vraiment peu connues.

Il y a dix ans, lorsque moi aussi je siégeais dans ce parlement et avant que je ne devienne ministre, il était sans précédent qu'un rapport semblable ne soit confié à une commission. C'est donc déjà un petit pas en avant. Nous faisons une prière pour janvier. Je demeurerai toujours optimiste et je suis satisfaite avec de telles petites avancées.

Je vous souhaite beaucoup de succès dans votre combat intelligent et nous attendons de voir ce que la conférence de l'ONU nous apportera. Ce qui se discutera au plus haut niveau en juin sera en effet de la plus grande importance pour la population et pour le monde de la pratique sur le terrain.

 
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