Marco PannellaSOMMAIRE: Voici des grands extraits d'un article de Marco Pannella publié sur le "Corriere della Sera" à la veille de la discussion sur la résolution Piccoli-Pannella, ainsi que le texte de la résolution même.
(MILAN - IL CORRIERE DELLA SERA - 7 FEVRIER 1988)
Le coût de la "non-Europe" est, déjà, historiquement immense, et hypothèque l'avenir d'une grande partie des sociétés européennes, méditéranéennes et d'une grande partie de l'Afrique.
C'est un coût insupportable pour le monde entier et pour ses perspectives: le monde de la démocratie politique, du droit à la vie et de la vie du droit, ne peut continuer à être tributaire et dépendant du seul peuple américain et de ses institutions, sous peine de mort des valeurs communes.
La démocratie est aussi une technologie, une manière d'être des transformations et des révolutions technologiques et sociales, historiques et scientifiques. Celle-ci requiert aujourd'hui des marchés et des institutions aux dimensions des problèmes historiques du monde, et de savoir payer le prix apparemment très élevé du respect de l'humanité et de tous ses membres. Le mythe "romantique" des Etats nationaux est devenu un gouffre mortel dans lequel notre siècle est en train de plonger depuis des décennies.
Il faut que cette conscience se traduise immédiatement en conscience et volonté politique, qu'elle devienne constitutive d'une "partie", d'un "parti": cela est peut-être en train de se produire.
La motion parlementaire qui devra être votée après-demain, le 10 février, dont le premier signataire est le Président de la Commission des Affaires Etrangères, Flaminio Piccoli, et qui est déjà souscrite par près de 200 députés, constitue un pas fondamental dans la bonne direction. Seule la nature et la sous-culture d'une si grande partie du cinquième pouvoir, en particulier du pouvoir audiovisuel, a pu faire en sorte que cette initiative soit totalement ignorée. Et ce alors que le Ministre Andreotti y avait donné son adhésion immédiate et vigoureuse, alors que l'on était à la veille d'un "Sommet européen" dans lequel les thèmes et les compromis possibles semblaient constituer les barrières infranchissables à la construction, aujourd'hui, des Etats-Unis d'Europe.
(...) Dès avant que la nouvelle de ce document fut donnée, durant les jours qui la précédèrent, des signaux de grand intérêt, de surprise et aussi d'enthousiasme arrivèrent de toute l'Europe, des membres de la Communauté exécutive aux parlementaires européens, des organisations fédéralistes mais également des milieux économiques, des milieux proches de Giscard d'Estaing et d'Helmut Schmidt.
Peut-être que le langage du document, au moins en ce qui concerne son contenu, démontre sa force: la revendication d'"Etats Généraux des peuples européens" avec l'élection en juillet 1989 des Présidents du Conseil et de la Commission par les quelques six mille parlementaires des douze pays et par ceux du Parlement européen fournit à la mémoire historique et à notre imaginaire à tous ce que Faure rappelait dans son message de soutien envoyé au Président Piccoli et à la Chambre des députés: il y a plus de cent ans Auguste Combe affirma le caractère "européen" de la Révolution de 1789, et dans la faible conscience de ce fait, ses limites et ses échecs relatifs.
La politique italienne est parfois beaucoup plus riche et vive de ce qu'on en réfère ou de ce qu'on en connaît, et c'est de cela qu'elle risque de mourir. Espérons qu'il n'en soit pas ainsi, au moins dans ce cas.