SOMMAIRE: Le système institutionnel de la Communauté Européenne ne respecte pas les principes fondamentaux sur lesquels se fonde historiquement la démocratie politique. Description du fonctionnement, au niveau institutionnel et politique, de la Communauté européenne. ("Pour les Etats-Unis d'Europe", par Roberto Cicciomessere, Gianfranco Dell'Alba, Gianfranco Spadaccia - Supplément à"Notizie Radicali" N·68 du 5 Avril 1988) @sommario
Si un pays, ayant la même structure institutionnelle que celle de la Communauté européenne, demandait à adhérer à cette Communauté européenne, on refuserait certainement par carence démocratique. Par ce paradoxe on peut résumer ce que l'on appelle déficit démocratique de la Communauté. Le système institutionnel de la Communauté, en effet, ne respecte pas les principes fondamentaux sur lesquels se fonde historiquement la démocratie politique: séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et de contrôle dans divers organes; exercice du pouvoir de la part du peuple. La démocratie implique également que les processus décisionnels soient publics et contrôlables et que les droits des minorités soient respectés. Dans la Communauté, le Conseil (1), composé de membres des gouvernements des Etats-membres, réunit en soi le pouvoir législatif et le pouvoir de tendance globale, en pénétrant toujours davantage dans un véritable pouvoir exécutif, et il n'est pas sujet, en tant qu'institution communauta
ire, à un contrôle effectif de la part du Parlement européen ni de la part des Parlements nationaux. Ces contrôles nationaux, là où ils sont exercés, ne peuvent pas s'étendre au-delà du membre du propre gouvernement. Et le contrôle sur un seul membre du Conseil a un effet limité en cas de vote à la majorité. Ces pouvoirs absolus, incontrôlés, gérés la plupart du temps dans le secret le plus absolu (le Parlement européen ne réussit même pas à savoir quels représentants de quels pays se sont exprimés par exemple contre une proposition d'amendement), sont exercés par le Conseil sur toute une série de matières (2) qui avant d'être transférées à la Communauté européenne, appartenaient à la souveraineté des Etats-membres. Et ce sont des décisions législatives (3) qui, en ce qui concerne les règlements, ont une efficacité sur tous les Etats-membres de la Communauté, indépendamment de la législation interne de chaque Etat. La Cour (4) a affirmé en effet que les règlements sont immédiatement efficaces et n'
ont donc pas besoin de procédure d'adaptation de la part des Etats-membres, à l'intérieur desquels ils jouissent, dans la hiérarchie des sources, d'une valeur supérieure aux normes internes. Ces mêmes règlements se soustraient même au syndicat de la Cour Constitutionnelle italienne et les juges italiens sont tenus de les appliquer directement. Dans les secteurs dans lesquels les compétences de la Communauté européenne sont exclusives, le législateur national est donc dépourvu de tout pouvoir. Les Etats sont en fait souvent condamnés par la Cour de Justice dans les cas où ils n'adaptent pas leurs propres législations au droit communautaire. Par conséquent, si avant, le pouvoir des gouvernements nationaux sur les matières aujourd'hui devenues de compétence communautaire, était contrebalancé par des pouvoirs législatifs, de tendance et de contrôle des parlementaires nationaux, aujourd'hui ces mêmes décisions sont prises en secret dans les réunions des ministres ou des bureaucrates des Etats-membres réunis
au Conseil. Le Parlement européen (5) en fait, bien qu'il soit élu au suffrage universel et par conséquent étant l'expression légitime de la volonté populaire, n'a aucun pouvoir législatif, de contrôle, ni celui de concéder la confiance à l'organe théoriquement exécutif de la Communauté, la Commission (6). Même le droit de co-décision attribué au Parlement dans certaines matières comme le bilan, est en effet annulé par le système tout entier qui donne le dernier mot, dans chaque cas, au Conseil. Ce système qui fait preuve d'un grave déséquilibre entre les institutions et qui comporte une procédure décisionnelle complexe, non seulement, ne répond pas aux conditions requises de démocraticité, mais il se révèle également inefficace. Le Conseil en fait, retarde ou se montre toujours plus souvent incapable de décider sur les dispositions législatives essentielles pour la création-même du marché unique, qui devrait être complété, selon l'Acte unique, avant le 31 Décembre 1992. Plusieurs centain
es de directives et de règlements pour l'approche des législations nationales en matière financière, fiscale, bancaire, etc..., attendent encore d'être approuvés, en compromettant ainsi la possibilité que le marché unique soit tout à fait réalisable au 31 Décembre 1992. Et le Conseil européen (7) est surchargé de tâches qui ne sont pas exactement les siennes à cause de l'incapacité de décider du Conseil des ministres et des Conseils spécialisés dans les différentes matières de compétence communautaire.
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(1) Le Conseil, qui est composé de douze représentants, un par Etat-membre, est l'organe de décision de la Communauté. C'est à lui que reviennent pratiquement tous les pouvoirs: droit d'initiative, pouvoirs législatifs, pouvoirs de contrôle par rapport aux Commissions (voir note N·6) ainsi que les pouvoirs de nomination des membres des autres organes. La présidence du Conseil et des organes de sa compétence est assurée par roulement, pour une durée de six mois, par chaque Etat-membre. Au dessus du Conseil se situe en effet la Conférence des Chefs-d'Etats et des gouvernements qui est convoquée avec la dénomination de Conseil Européen. Toujours plus souvent, le Conseil Européen, qui devrait discuter des grands problèmes généraux de développement de la Communauté, se substitue au Conseil des ministres même dans les matières de compétence spécifique de ce dernier. Il suffit de rappeler le dernier Conseil européen de Bruxelles qui a traité des prix agricoles, des quotas laitiers et du bilan. Le Conseil
des ministres est en fait toujours plus souvent paralysé par son incapacité de représenter les intérêts communautaires, étant contraint à régler les intérêts nationaux. Le Conseil européen ne doit pas être confondu avec le Conseil d'Europe (voir note N·7).
(2) Les Traités que les Communautés européennes instituent, ont attribué à ces dernières des compétences législatives dans les matières suivantes:
Traité CEE - 1957
- l'institution d'un tarif douanier commun;
- l'instauration d'un marché interne;
- l'instauration d'une politique commune dans le secteur de l'agriculture; - l'instauration d'une politique commune dans le secteur des transports; - l'adoption de mesures qui assurent la libre circulation des personnes, des services et des capitaux; - l'adoption d'un système qui assure la libre concurrence; - l'adoption des mesures communes et convergentes dans le secteur social; - la coordination des politiques économiques des Etats-membres; - une politique commerciale commune;
- la création de propres ressources;
Acte Unique - 1987
- l'adoption de mesures vouées au renforcement de la cohésion économique et sociale entre les Etats-membres; - l'adoption de mesures vouées au renforcement des bases scientifiques et technologiques de l'industrie européenne; - les mesures vouées à la protection de l'environnement;
Traité Euratom - 1957 (C.E.E.A - Communauté Européenne pour l'Energie Atomique)
- développement de la recherche et de la diffusion des connaissances techniques; - institutions de normes de sécurité uniformes;
- mesures vouées à faciliter la réalisation des implantations de l'énergie nucléaire; - mesures vouées à assurer l'approvisionnement en minéraux et combustibles nucléaires; - mesures de contrôle sur l'utilisation des matières nucléaires; - exercice du droit de propriété des matières fissiles;
- conclusion des accords externes;
Traité C.E.C.A - 1951 (Communauté Européenne du Charbon et de l'acier)
- mesures concernant l'approvisionnement régulier du marché; - mesures concernant la parité d'accès des utilisateurs aux sources de production; - contrôle des prix;
- mesures concernant l'exploitation rationnelle des ressources; - mesures concernant l'amélioration des conditions de vie et de travail; - mesures concernant les échanges internationaux.
(3) Les Actes législatifs de la Communauté sont:
Les Règlements et les Décisions qui ont une immédiate réalisation dans les Etats-membres; Les Recommandations et les Directives qui doivent-être réalisées par chaque Etat-membre avec des actes législatifs ou règlementaires.
(4) La Cour de Justice assure le respect du droit dans l'interprétation et dans l'application des traités. Elle a en particulier les attributions suivantes:
- controverses entre Etats-membres;
- controverses entre la Cee et les Etats-membres;
- controverses entre les institutions communautaires;
- controverses entre les individus et la Cee;
- avis sur les accords internationaux;
- prononciations préjudicielles en cas de controverses pendantes devant des juridictions nationales et déférées par ces dernières à la Cour de Justice.
La Cour se compose de 13 Juges et de 6 avocats généraux, nommés en commun accord pour 6 ans par les gouvernements des Etats-membres.
(5) Formellement, le Parlement Européen détient les pouvoirs suivants:
- pouvoirs de contrôle par rapport à la Commission et au Conseil et en particulier pouvoir de censure par rapport à la Commission; - pouvoir de participation au processus législatif de la Communauté européenne; - pouvoir en matière de bilan de la Communauté.
Dans les faits, les pouvoirs de contrôle se limitent aux interrogations adressées à la Commission et au Conseil et à la possibilité d'approuver, par une majorité qualifiée des trois-quarts, la motion de censure par rapport à la Commission. Les pouvoirs de participation au processus législatif se limitent au droit d'être consulté. L'ultime décision revient dans tous les cas au Conseil qui peut, à discrétion, accueillir ou pas, les propositions de modification des dispositions législatives ou les avis du PE. Les pouvoirs en matière de bilan sont essentiellement limités aux dépenses non-obligatoires, c'est à dire, à une partie minime du bilan communautaire et dans tous les cas à l'intérieur du taux de croissance annuel décidé par le Conseil. Le Parlement Européen n'a qu'un seul pouvoir négatif, celui de repousser en bloc le bilan présenté par le Conseil, qui dans ce cas, doit représenter un nouveau projet. En pratique, même ce pouvoir a une faible incidence sur les grandes sommes du bilan, dans
les entrées comme dans les dépenses, et qui sont décidées par les Etats-membres. L'unique pouvoir effectif est celui d'exprimer un avis indispensable à l'admission d'un nouvel Etat à la Communauté et pour les accords d'association et de coopération entre la Communauté et les pays tiers. Le PE qui reste en charge pour 5 ans, est élu au suffrage universel direct. Les 518 sièges sont ainsi répartis:
- 81 pour la France, la RFA, l'Italie et le Royaume-Uni; - 60 pour l'Espagne;
- 25 pour les Pays-Bas;
- 24 pour la Belgique, la Grèce et le Portugal;
- 16 pour le Danemark;
- 15 pour l'Irlande;
- 6 pour le Luxembourg.
Bien que les Traités imposent aux gouvernements de fixer un siège unique pour les institutions communautaires, actuellement les lieux de travail du P.E. sont au nombre de trois: - Strasbourg pour les séances plénières qui se déroulent une fois par mois en moyenne, outre la session supplémentaire pour la procédure de bilan; Bruxelles pour les réunions des Commissions; Luxembourg pour les bureaux administratifs du Parlement. Cette organisation des travaux comporte, comme on peut aisément l'imaginer, un triplement des coûts de fonctionnement du P.E.
(6) La Commission a des pouvoirs d'initiative, de contrôle et exécutifs. Théoriquement et formellement, c'est un organe indépendant des gouvernements nationaux, qui devrait représenter l'élément unitaire du phénomène communautaire, tandis que le Conseil représente, au contraire, l'élément inter-gouvernemental. Mais en fait, le centre décisionnel de la communauté est resté entièrement dans les mains du Conseil. Composée par 17 personnes nommées par les Etats-membres, la Commission est formée de deux membres respectivement pour la France, le Royaume-Uni, l'Italie, la RFA et l'Espagne, et par un membre, respectivement, pour la Belgique, le Danemark, la Grèce, l'Irlande, le Luxembourg, la Hollande et le Portugal. Chaque commissaire a le pouvoir pour un secteur spécifique: par exemple: Agriculture, Bilan, Environnement, etc...
(7) Le Conseil européen ne doit pas être confondu avec le Conseil d'Europe. Cette dernière institution, née de l'accord de Londres de Mai 1949, réunit en fait 21 pays: RFA, Atriche, Belgique, Chypre, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Hollande, Norvège, Royaume-Uni, Suisse, Turquie, Grèce, Portugal, Espagne, Liechtenstein et, en tant qu'observateurs, Israël et San Marin. Elle a pour but, la réalisation d'une union plus étroite entre ses membres. Mais en fait, elle a échoué dans cet objectif en se caractérisant par contre, comme siège d'élaboration de conventions importantes. La plus connue est la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, soussignée à Rome en Avril 1950. Le respect de cette Convention est assuré par la Commission des droits de l'Homme et par la Cour des droits de l'Homme. Des traités ultérieurs ont permis le recours individuel contre la violation de la Convention. Le recours est d'abord examiné par la Commission des droits de l'
Homme et, s'il est déclaré infondé, il est remis à la Cour des droits de l'Homme ou au Comité des Ministres. Le Comité des Ministres est l'un des trois organes du Conseil d'Europe. Il est constitué par les 21 Ministres pour les Affaires étrangères des Etats-membres. Le deuxième organe est l'Assemblée parlementaire qui est constituée par 160 membres, nommés par les Assemblées législatives des pays-membres parmi les parlementaires nationaux. L'Assemblée approuve, à la majorité des deux tiers, les recommandations adressées au Comité des Ministres ou les résolutions adressées à d'autres institutions. Le troisième organe est le secrétariat général.