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Partito Radicale Centro Radicale - 6 ottobre 1998
PE/Levée d'immunité de M. Le Pen: déclaration de J.F. Hory

Parlement européen - Strasbourg, le 6 octobre 1998

LEVEE D'IMMUNITE DE M. LE PEN: EXPLICATION DE VOTE DE JEAN-FRANCOIS HORY

Tout ce que disent, font et représentent M. Le Pen et ses amis m'est odieux. Rien n'est plus étranger à la famille politique à laquelle je me rattache - celle du radicalisme - que l'antisémitisme - et le racisme qui sont au fondement même de l'idéologie d'extrême-droite.

Pour cette fois, M. Le Pen est menacé de poursuites par un Parquet allemand pour avoir réitéré ses propos abjects sur les chambres à gaz de l'Holocauste qu'il considère comme un détail de l'Histoire. M. Le Pen a beau se débattre dans ses arguties lexicales et sémantiques, chacun sait bien que sa véritable position est celle du négationnisme. Il m'a été donné, comme à beaucoup de nos collègues, de visiter les camps de la mort et d'y d'écouvrir l'entreprise industrielle et rationalisée d'extermination de millions de gens tués non à raison de ce qu'ils avaient fait, ni de ce qu'ils avaient dit, pas même de ce qu'ils pensaient mais seulement pour ce qu'ils étaient. Rien ne peut atteindre ce degré d'inhumanité mais notre esprit sait que cette horreur ne pouvait être perpétrée que par des humains. Nul n'a le droit de l'oublier: les chambres à gaz et les fours crématoires ne sont pas un détail, ils sont la partie infernale de notre propre monde.

Tous les responsables politiques doivent donc comprendre - et, pour ma part, je comprends - l'émotion des survivants, des familles des victimes, et de tous les hommes libres à l'écoute des propos ignominieux de M. Le Pen.

Pourtant, je ne voterai pas la levée d'immunité qui nous est demandée. Je veux m'en expliquer.

Au strict plan juridique, cette demande soulève des questions autrement plus graves que les misérables arguments pseudo-juridiques de M. Le Pen. Il ne s'agit pas de détails ou de chicaneries. Avec Alain, les radicaux pensent que la démocratie, ce n'est pas le pouvoir de la majorité mais le règne du droit et que les plus coupables ont droit aux protections de la loi. En l'occurrence, l'immunité parlementaire n'a pas pour objet d'abriter les députés ni même de sauvegarder leur fonction; elle est une des garanties des libertés des citoyens. Il n'est donc pas juste de dire, comme le fait le rapport de notre Commission du Règlement, que notre seule réflexion devrait porter sur le point de savoir si les faits poursuivis sont ou non punissables dans la loi nationale de l'Etat qui poursuit. On peut présumer que les poursuites judiciaires sont toujours fondées sur des faits punissables, indépendamment des questions de leur imputation à un auteur et de la punition de celui-ci; on devrait donc, de ce seul fait, accorde

r toutes les levées d'immunité qui sont demandées. Telle n'est pas la pratique de notre Parlement et je crois que nous avons eu, jusque-là, raison de refuser très souvent les levées demandées, y compris contre M. Le Pen. Notre opinion ne doit donc pas s'arrêter à l'argument juridique de la Commission du Règlement qui, dans sa pauvreté, révèle d'autres motivations.

Seraient-elles politiques ? Il y a plusieurs manières politiques de combattre l'extrême-droite et ses idées. Si l'on pense que lesdites idées constituent un réel danger pour la démocratie, il ne faut pas jouer tactiquement avec les partis d'extrême-droite, il faut les interdire. Dès lors qu'on ne le fait pas, on ne doit pas feindre de s'étonner lorsque leurs leaders tiennent des propos immondes inspirés de l'antisémitisme et du racisme qui sont constitutifs de ces partis. Mais l'interdiction de l'extrême-droite ne serait-elle pas un extraordinaire aveu d'impuissance politique devant les fascinations ambiguës quelle exerce sur une partie de l'opinion ? Pour ma part, je crois qu'une idée malsaine se combat par des idées, par la raison, par la confiance faite à l'intelligence des citoyens. Je crois que les propos immondes de M. Le Pen font bien plus de tort à lui-même qu'à la démocratie. Je crois aussi que l'extrême-droite se nourrit - tout particulièrement en France - des interdits intellectuels et politiques

qu'elle provoque et qui alimentent la paranoïa de ses dirigeants et de ses électeurs abusés. Cette conviction était d'ailleurs, dans un passé récent, celle de la majorité de notre Assemblée lorsqu'elle refusait de faire la courte échelle à M. Le Pen en lui servant, comme autant de cadeaux électoraux, les levées d'immunité sollicitées. Il semble que l'analyse politique des grands groupes du Parlement Européen ait changé sur ce point. Bien qu'il ne s'agisse que de calculs tactiques - comme le montre l'évolution que je viens de rappeler - la nouvelle position de la majorité nous est présentée comme celle de la morale.

S'agit-il donc de morale politique ? Inutile d'insister sur les réseaux de connivence qui existent entre l'extrême-droite et une bonne partie de la droite aujourd'hui réprobatrice. Nul besoin de souligner l'utilisation objective que nombre de partis de gauche font des néo-fascistes dans leurs jeux nationaux respectifs. La morale n'a pas de part dans ces choix. Trouve-t-elle pour autant son compte lorsqu'on demande à une assemblée élue au suffrage universel de chasser l'un des siens tout également élu ? Je ne le pense pas et j'invite tous mes collègues à réfléchir à l'usage qui aurait pu, qui peut ou qui pourrait être fait, dans un autre contexte, de cette arme terrifiante. Que l'opinion publique soit, en l'occurence, favorable à ce bannissement n'est pas un fait négligeable mais ce n'est pas celui qui doit nous guider. Devant une question touchant aux libertés, le rôle du législateur n'est pas de décider sous la clameur publique ou sur la suggestion médiatique; il est de choisir, en conscience, ce qu'il croi

t vrai, utile et juste.

A la fin, c'est faire beaucoup d'honneur à M. Le Pen que de parler, à son propos, de philosophie politique. Je veux le faire cependant pour rappeler que les radicaux ont une méthode, celle de la raison. Dans cette philosophie humaniste et laïque, il ne saurait y avoir des vérités révélées, gravées dans le bronze ou catéchisées. Il n'y a pas de vérité majuscule, indiscutable révérée sans le secours de la raison critique. La vérité est humble, non majestueuse, républicaine en quelque sorte. Elle se bat constamment contre le mensonge, contre la falsification, et se tient à l'écart des actes de foi. Elle n'admet pas les lois de circonstance qui créent des délits d'opinion et empèchent la liberté de conscience de se forger dans l'épreuve de la confrontation. M. Le Pen et ses semblables nient l'Holocauste ? Ils ergotent sur l'horreur absolue ? Ils tiennent les chambres à gaz pour un détail ? Laissons-les parler pour pouvoir les confondre, les démasquer et révéler aux citoyens l'indigence méprisable de leur pensée.

C'est le plus beau combat que puisse mener la vérité. C'est aussi le seul hommage que la politique puisse aujourd'hui rendre aux victimes de l'inhumanité.

 
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